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Back to Black : critique qui broie du noir sur Amy Winehouse

Par Chloé Chahnamian
24 avril 2024
MAJ : 25 avril 2024
1 commentaire

La vie tourmentée de l’autrice-compositrice-interprète britannique Amy Winehouse, qui a fait les gros titres de la presse people dans les années 2000, a été racontée dans le documentaire d’Asif Kapadia, sobrement intitulé Amy, sorti en 2015. Plébisicité à Cannes, le documentaire a reçu de nombreux prix, dont l’Oscar du meilleur film documentaire en 2016. Désormais, c’est la fiction qui s’empare de cette icône musicale, bien trop souvent réduite à ses problèmes d’addiction. Et comme on le redoutait, Back to Black de Sam Taylor-Johnson n’échappe pas à la règle et s’intéresse davantage aux frasques d’Amy Winehouse, jouée par Marisa Abela, qu’à sa musique.

Un biopic inévitable

Cela fait un petit moment que les biopics consacrés à des stars de la musique ou des groupes ont la cote. Depuis le succès de Bohemian Rhapsody, sur Freddie Mercury et Queen, on a eu droit à Rocketman sur Elton John, Elvis sur le King, ou encore Respect sur Aretha Franklin, pour ne citer qu’eux. Des films sur Michael Jackson et Bob Dylan (encore) sont aussi en préparation. Icône au destin tragique et toujours très populaire, le biopic pendait fatalement au nez d’Amy Winehouse.

La tâche est donc revenue à la cinéaste Sam Taylor-Johnson, qu’on connait surtout pour avoir réalisé Cinquante nuances de Grey en 2015. Mais la réalisatrice a prouvé qu’elle savait réaliser un bon biopic avec Nowhere Boy, son premier long-métrage, un film centré sur la jeunesse de John Lennon (joué par Aaron Taylor-Johnson), sa rencontre avec Paul McCartney (Thomas Brodie-Sangster) et la formation de son groupe, The Quarrymen, qui deviendra par la suite The Beatles. 

 

Back to Black : Photo Marisa Abela Gros trait d’eye-liner : check

 

Le scénario de Back to Black a d’ailleurs été confié à Matt Greenhalgh, derrière l’écriture de Nowhere Boy justement, mais aussi du très apprécié Control, biopic consacré à Ian Curtis, le chanteur du groupe Joy Division, et de Film Stars Don’t Die in Liverpool, sur l’actrice Gloria Grahame avec Annette Bening et Jamie Bell. Un scénariste qui maîtrise le genre du biopic, une réalisatrice qui a fait ses preuves, une figure tragique et complexe, a priori, tous les voyants étaient au vert. 

 

Back to Black : Photo Marisa Abela Choucroute : check

 

où est donc passée la musique ?

On pouvait ainsi espérer que Back to Black raconte l’ascension fulgurante d’Amy Winehouse et se concentre sur sa musique, ses influences, sa passion pour le jazz. Son processus d’écriture, ses enregistrements en studio, les relations qu’elle entretenait avec ses producteurs, ses nombreux concerts… il y avait des choses à montrer sur la musicienne devenue une star en deux albums seulement. Problème : le film de Sam Taylor-Johnson choisit de raconter la vie privée de la chanteuse, devenue publique malgré elle.

Il n’y a rien de très choquant à vouloir dépeindre la célébrité dans son intimité, le film nous donne d’ailleurs à voir des moments plutôt touchants entre Amy et sa grand-mère (jouée par Lesley Manville). Sauf que Back to Black passe rapidement d’un biopic sur Amy Winehouse à un drame consacré à son couple avec Blake Fielder-Civil et leur histoire d’amour passionnelle et destructrice. Ce Blake, qui a pris beaucoup de place dans la vie d’Amy, n’avait pas à en prendre autant dans ce film théoriquement consacré à la musicienne (et non à son couple comme a pu l’être Sid et Nancy d’Alex Cox sorti en 1986 par exemple).

 

Back to Black : Photo Jack O'ConnellLes problèmes

 

Même si la place accordée à ce personnage est regrettable, Jack O’Connell réalise une performance tout à fait admirable. Lui, Eddie Marsan, qui incarne Mitch Winehouse, le père d’Amy, et Marisa Abela forment un trio d’acteurs presque parfait. Presque, car même si la prestation de l’actrice arrive à nous toucher dans quelques séquences réussies, comme quand elle interprète Love Is a Losing Game devant Eddie Marsan, elle frôle parfois la caricature. Sans les mimiques, Marisa Abela aurait vraiment pu impressionner.

 

Back to Black : Photo Jack O'Connell, Marisa AbelaPhoto de mariage

 

le drame d’Amy

On juge parfois la qualité d’un biopic à sa véracité, et dans ce domaine, Back to Black évite plutôt les fausses notes. Amy Winehouse ayant été très médiatisée durant sa relativement courte période d’activité, il existe assez de matières (images d’archives, interviews, photos volées…) pour recréer certains moments de sa vie. 

Les adorateurs de la chanteuse remarqueront que certaines archives ont été reproduites, comme l’interview avec Jonathan Ross en 2004, dans laquelle elle plaisante sur le fait d’avoir signé avec le manager des Spice Girls, ou encore sa performance aux Grammy Awards en 2008. Back to Black coche plusieurs cases attendues du biopic, mais n’essaie pas de se démarquer formellement.

 

Back to Black : Photo Jack O'Connell, Marisa AbelaQuand la reconstitution ne fait pas tout

 
Même si le film se veut fidèle à la réalité sur certains points, c’est une version édulcorée de la vie de l’interprète de RehabValerie et Back to Black qui est présentée. La chanteuse est bien montrée alcoolisée, sous l’emprise de la drogue, avec sa dent en moins et harcelée par les paparazzi, mais Back to Black, qui fait pourtant de l’intimité d’Amy Winehouse le cœur de son récit, ne va jamais jusqu’au bout. Des images bien plus glaçantes que celles du film ont été imprimées sur nos rétines quand l’artiste était encore en vie.

Mais alors pourquoi ? Probablement parce que papa Mitch Winehouse, qui gère le patrimoine de sa fille, n’était jamais très loin. Il est ici représenté comme un bon père, aimant, bien loin du père dépeint dans le documentaire d’Asif Kapadia. Voilà toute la contradiction de ce projet de biopic : Back to Black fait dans le sensationnel en voulant dévoiler au spectateur toute la tragédie de la vie d’Amy Winehouse, mais s’arrête juste avant la chute pour ne pas trop dégrader l’image de la star, salie par les médias pendant des années. 

 

Back to Black : affiche officielle

Rédacteurs :
Résumé

Un biopic convenu, pas mal réalisé mais tristement plat pour un film sur l’une des artistes les plus marquantes et tragiques de sa génération. Le drame de sa vie l’emporte sur sa musique, encore.

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Morcar

Vu hier soir et je confirme tout ce qui est dit dans la critique. Excellente prestation de l’actrice (qui entre autres reprend les titres de la chanteuse avec beaucoup de talent), mais le film ne se concentre que sur la vie privée de la chanteuse (ce qui reste intéressant pour ceux qui comme moi la connaissaient très peu) et la mise en scène est scolaire.