zone de non-droit
Des valises, un taxi qui mène à l’aéroport, un petit stress de passeport oublié rapidement soulagé et finalement des sourires sur la chanson Congratulations de Kevin Morby avant un voyage en avion relaxant, Border Line sent d’abord bon les vacances. Sauf que pour le couple Diego et Elena, ce vol en direction de New York est plus qu’une simple escapade : aux États-Unis, les deux Barcelonais espèrent recommencer leur vie à zéro et accomplir ce fameux « American Dream » tant conté dans la littérature puis dans les films hollywoodiens.
Elle est espagnole, danseuse contemporaine. Lui est vénézuélien, diplomé en urbanisme. Sauf qu’à leur arrivée à l’aéroport de New York, tout va déraper. Lors de l’examen de leurs passeports, le douanier semble perplexe et rapidement, leur demande de les suivre pour un contrôle supplémentaire et subir un interrogatoire par la Police des frontières. Une formalité sur le papier qui va transformer leur rêve américain en long cauchemar. Alors même que leur duo songe à la liberté, au bonheur et au renouveau, les cinéastes vénézuéliens vont immédiatement les enfermer plus encore.
Diego et Elena n’ont pas eu le droit à une bouffée d’air frais depuis leur départ de Barcelone entre le taxi exigu, l’avion étriqué et les espaces restreints de l’aéroport. Et ils ne vont pas pouvoir respirer plus dans ce minuscule bureau installé dans une salle en sous-sol, sans fenêtre et sans moyen de communiquer avec l’extérieur. Habilement, Rojas et Vasquez se servent de leur caméra et de leurs cadres (quasi-uniquement des gros plans) pour emprisonner le couple, l’étouffer, l’écraser progressivement pour mieux le fragiliser, le désarçonner et espérer le faire imploser dans cette quasi-zone de non-droit où tout semble permis (ou presque).
C’est d’autant plus captivant que Border Line n’oublie jamais d’impliquer les spectateurs, les laissant douter avec les personnages mais aussi des personnages eux-mêmes ou de leurs intentions. Il est clair que dès les premières minutes, Diego semble nerveux avant son passage à la douane. Une inquiétude ordinaire qui, avec ce contrôle approfondi, mue alors en suspicion. A-t-il quelque chose à cacher ? Cet interrogatoire est-il totalement fortuit ? Le mystère plane, le suspense grandit et peu à peu, un jeu de dupes haletant s’installe sous nos yeux.
Le visage de l’incompréhension
destination terminal
Alors bien sûr, en théorie, Border Line n’a rien de foncièrement original avec son thriller où la tension crescendo vient agrémenter une grande ambiguïté, où les attitudes parfois douteuses des personnages viennent alimenter nos craintes. Ce serait toutefois mésestimer les deux réalisateurs qui parviennent à s’extirper des clichés de ce genre d’histoire grâce à une atmosphère anxiogène, dérangeante et surtout alarmante, leur huis-clos parano contenant un propos bien plus dense que son modeste point de départ.
Il faut dire que le film est largement tiré de l’expérience même des deux cinéastes comme l’explicite Alejandro Rojas dans le dossier de presse du film : « Border Line est né des nombreuses fois où nous nous sommes rendus, nous Vénézuéliens, aux États-Unis. Mais aussi des témoignages de nos familles et de nos amis. […] Ce qui nous intéressait, c’était de raconter au grand jour ce qui, généralement, se déroule derrière les portes closes des aéroports ». Et à l’écran, ça se sent. Il y a en effet quelque chose de profondément angoissant à regarder ce couple voir son destin lui filer entre les doigts petit à petit, constater que leur futur se résume à une petite salve de questions de plus en plus intimes, de plus en plus vicieuses.
Sans jamais pervertir leur récit à coups de grands twists ou moments de bravoures artificiels, les deux réalisateurs font ainsi monter la pression grâce à un tempo formidable, une écriture d’une efficacité redoutable et des dialogues aiguisés percutants. Car si Border Line joue en permanence avec nos nerfs, c’est avant tout autour de cette confrontation verbale tendue que l’on regarde impuissant. Le film en tire une force émotionnelle et dramatique, mais aussi une grande puissance politique.
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En réussissant très naturellement à discuter de racisme, d’abus de pouvoir, d’enfer bureaucratique, de vulnérabilité humaine, de peur de l’étranger (l’individu et l’ailleurs en général) et aussi de la pure folie américaine dans un ultime échange glaçant, Border Line retrouve une pertinence proche du récent Reality de Tina Satter (aussi un premier film). Les deux oeuvres explorent avec une même ambivalence quasi-surréaliste l’absurdité de notre sinistre réalité venant déconstruire le rêve américain et pleinement pointer du doigt l’impitoyable administration étatsunienne (d’autant plus avec les immigrés). Un petit exploit en seulement 1h18.
Climat angoissant. Pas de surenchère donc très crédible. Les protagonistes n’en sortiront pas indemnes. Amour, survie…ou quelques malchanceux broyés par une machine sans état d’âme. J’aurais presque aimé que ça dure un peu plus longtemps. En tout cas je comprends un peu mieux les latinos sud américains et la fuite de leur pays natal en pleine crise politique. Très beau film.
Film ou exercice de style? Un peu mince comme film, un peu trop exercice de style
Cela se regarde bien, les acteurs sont convaincants, mais l‘histoire ne prend pas vraiment. La conclusion est aberrante et laisse le spectateur sur ses films.
Ce polar/suspense m’a bien plu.
Ya til 1 technique hispanique/latino, un savoir-faire chez les locuteurs de Cervantes ? L’impression qu’ils savent manier habilement la pression, le suspense dont je me régale également avec les polars espagnols ou argentins.
Assez bel exercice de style mais c’est quand même tristement vide, comme film. Le récit tourne autour du pot, il reste très superficiel sans jamais décortiquer réellement les relations humaines ni construire un discours complexe, tout ça pour déboucher sur une sorte de simili-twist qui nous plonge en plein dans l’effet « tout ça pour ça ? ».
On croit systématiquement que le récit va aller plus en profondeur, mais à la fin du film, on comprend que le message politique n’avait aucune vocation à être creusé. Le scénario non plus.
Dommage, il y avait un gros potentiel. L’acting et la mise en scène sont top.