Les Cartes du mal : critique qui ne fait pas un pli

Judith Beauvallet | 1 mai 2024
Judith Beauvallet | 1 mai 2024

Réalisé par Spenser Cohen, jusque-là plus connu comme scénariste (ExtinctionMoonfall) et producteur exécutif (Expendables 4), Les Cartes du mal (ou Tarot en version originale) est un film d’horreur qui exploite l’astrologie, pratique largement redevenue à la mode ces dernières années. Avec Harriet Slater (Indiana Jones 5), Jacob Batalon (le Ned Leeds des Spider-Man avec Tom Holland) et Avantika Vandanapu (Senior YearMean Girls - Lolita Malgré Moi), l’histoire réunit la traditionnelle bande d’ados qui va dérouiller face aux traditionnelles apparitions maléfiques. Une énième redite qui manque le coche sans même avoir vraiment essayé de monter dedans, au cinéma dès ce 1er mai. Attention quelques spoilers !

garde sans

Lorsque la bande-annonce de Tarot (le titre original) est sortie, tous les fervents adeptes du jeu de cartes du même nom (dont fait partie la rédactrice de ces lignes) ont sauté de joie. Bon, peut-être pas tous. Mais certains. Au moins une ou deux personnes chez Ecran Large. Bref. Mais évidemment, l'espoir fut de courte durée, puisque comme le montrait la bande-annonce, le film allait traiter de tarot divinatoire, et non pas de parties de cartes endiablées à base de pousses et de gardes. Ce que les lecteurs du roman original de Nicholas Adams, appelé Horroscope, auront deviné sans mal.

Soit. Après tout, le regain récent d’intérêt pour l’astrologie et l’idée que toute une vie peut être dictée par une forme de destin, reliée à sa date de naissance ou autre, est un terrain fertile pour l’horreur. Mais c’est aussi là que survient le premier problème du film : passé la mise en place incroyablement épaisse de l’histoire (une bande de jeunes louent un chalet dans lequel ils trouvent des cartes de tarot flippantes, et la fan d’astrologie du groupe entreprend de lire des prédictions à ses amis, révélant malgré elle la manière dont ils mourront), le film se refuse à explorer le thème de l’astrologie plus en détail.

 

Les Cartes du mal : photo, Jacob BatalonLion : ce mois-ci, évitez de jouer dans ce film pour conserver votre crédibilité intacte.

 

Ça balance des clichés sur les Capricornes et les Verseaux dans toutes les répliques pour en appeler à l’identification du public qui sera content de reconnaître son signe, mais le rapport avec les astres n’est jamais interrogé, et le concept de fatalité ou de destin est extrêmement survolé. Là où l’absence de libre-arbitre aurait pu être transformée en mécanique horrifique en soi, les règles de cet univers sont seulement fondées sur les phrases sentencieuses d’une ado qui a largué son mec parce que son horoscope lui avait dit de le faire.

Pour un traitement un peu honnête de ce sujet (pour lequel il n’est nul besoin de prendre l’astrologie elle-même au sérieux, mais au moins vouloir réellement explorer l’influence positive ou négative que sa pratique a sur ses adeptes), on repassera. Le problème, c’est qu’il faudra repasser pour le reste aussi, et ce malgré l'idée séduisante de voir chaque personnage confronté à l'incarnation monstrueuse de la carte qui lui a été tirée.

 

Les Cartes du mal : photo, Avantika VandanapuSagittaire : ce mois-ci, pour ne pas mourir, ne mourrez pas.

 

Fais-moi (pas) peur !

La réflexion sur le fond du sujet, si une petite série B d’horreur s’en passe, ce n’est pas bien dramatique. Tant qu’elle atteint son objectif premier : faire peur. Or, ici, aucune tentative d’effrayer ne fonctionne réellement, et ce, pour une raison évidente. Chaque scène d’exécution repose sur la redite de clichés plus usés que les eaux de la Seine, de l’échelle qui monte au mystérieux grenier à l’ascenseur défectueux, en passant par les écritures sur la buée d'une fenêtre.

Les créatures malfaisantes, dont certains designs pourraient être séduisants s’ils étaient un peu originaux et mieux filmés, sont essentiellement mises en scène à grands coups de surgissements éclairs et attendus devant la caméra, le tout saupoudré de jumpscares qui n’arrachent pas même un sursaut tant ils sont paresseux. À la moitié du film, la carte “vieille personne flippante et savante” est dégainée, comme le plus obligé des passages obligés, servant tout juste à distraire un instant l’attention du spectateur qui s’égare à force d’ennui.

 

 

Les Cartes du mal : photo, Larsen ThompsonBélier : ce mois-ci, pensez à éteindre les lumières en sortant de chez vous.

  

Via ce personnage est révélée la backstory de la malédiction du tarot, qui manque elle aussi cruellement d’originalité, mais qui aurait le mérite de parler de la stigmatisation de l’astrologie comme pratique essentiellement féminine et comparée à la sorcellerie. Malheureusement, là aussi ces pistes sont terriblement bâclées, et n’offrent qu’un maigre réconfort. Après cette étape, Les Cartes du Mal ne sait plus s’il est censé être un film sur l’astrologie, un film de fantôme, un film de possession ou un slasher. Ne parvenant pas à être tout ça en même temps, il ne réussit dans aucune voie.

Notons d’ailleurs la timidité de certaines scènes qui se veulent choquantes (ATTENTION : spoilers jusqu’à la fin du paragraphe), comme celle de la pauvre Paige qui termine coupée en deux sur la scène improvisée d’un boogeyman magicien. Alors que le déroulé de la séquence est évident, il est à la fois inutilement long, mais sans jamais oser montrer la moindre touche de gore. Sans doute cette prudence a-t-elle été nécessaire pour conserver un classement PG 13, mais si le film n’exploite ni son concept, ni la possibilité de faire réellement peur, ni celle de montrer du sang... que fait-il, au juste ?

 

Les Cartes du mal : photo, Humberly GonzalezVerseau : ce mois-ci, évitez peut-être de jouer au pendu contre un démon.

 

Twist, es-tu là ?

Comme si le film n’était déjà pas suffisamment raté, il faut attendre la dernière scène pour réellement comprendre l’ampleur du désastre et, surtout, la malhonnêteté de la démarche d'un film qui n'a en réalité jamais envisagé de se prendre au sérieux. Alors que tout le scénario se déroule selon des prédictions évidentes et ne parvient jamais à surprendre le public, la fin change tout à coup les règles. Une bonne chose, peut-être ? Eh bien non, car là où un twist assez évident est annoncé, sur la base de l’horoscope de l’héroïne, ledit twist n’arrive pas. Et à la place ? Il ne se passe rien. Le film est simplement fini, sur un tiédasse happy-end. On aurait préféré le twist, même honteux.

Mention spéciale à ce moment où un personnage demande ce qu’il est advenu de l’une des jeunes femmes du groupe, et que les survivants, qui n’ont même pas assisté à sa mort, mais qui ont fui sans elle, se contentent de hausser les épaules en esquissant un sourire déçu (merci les super potes). Ne pas suivre un chemin tout tracé, c’est bien, mais ne pas suivre de chemin tout court, c’est quand même dommage.

 

Les Cartes du mal : photo, Harriet SlaterTaureau : ce mois-ci, avez-vous envisagé de mettre un twist dans votre film à twist ?

 

Pour combler ce manque de conclusion, le film choisit de se tirer une énième balle dans le pied, en rehaussant (enfin, en enfonçant) la dernière scène d’une touche d’humour qui invalide tout ce qui a été précédemment dit dans les dialogues sur la fatalité et sur l’impossibilité de contrer la malédiction du tarot. Ce dernier virage mal négocié dans le ton du film achève de laisser un goût amer dans la bouche d’un public qui ne peut voir dans cette blague que l’ultime clou du cercueil d’un concept mort-né. Bref, adieu les jolis espoirs d’un vrai bon film d’horreur sur l’astrologie. Allez, on efface tout et on recommence ?

 

 

Les Cartes du mal : Affiche française

Résumé

Que de belles pistes gâchées dans cette soupe de clichés qui n'assume ni de faire peur, ni d'être gore, ni d'être quoi que ce soit.

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Lecteurs

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commentaires
Pierre_Oh
04/05/2024 à 14:50

Un film d'horreur qui s'empare d'un sujet aussi comique, ça ne pouvait qu'être mauvais et involontairement drôle. Mention spéciale aux dialogues, qui font tout le sel comique du film.

Jack-Moi
04/05/2024 à 09:21

Je conseil sur youtube : L'astrologie, ça marche ? de Mytho-théories - Info ou Mytho.

Pécresse si tu m'entends
02/05/2024 à 23:00

Que Pathé finance le même film à la sauce frenchy sur les Pass Navigo.
Idée pas plus conneries que le pitch de ce ''film''

Fenriss
02/05/2024 à 17:12

La bande annonce donnait tellement pas envie, et pourtant je suis fan de tarot

Karlito
02/05/2024 à 12:59

Les 12 signes de l'astrologie: ce mois-ci, Ecran Large, surtout ne pas arrêter ces savoureuses légendes sous les photos.

Encore et encore ce genre de film
01/05/2024 à 19:32

En même temps , la BA n'est pas trompeuse. C'est pas du ''shining'' non plus.
le genre de film qui intéresse sûrement que les 25-35 comme coeurs de cible.
Le souci c est qu'on est pas près d arrêter de se coltiner des films débiles comme ça mais facilement rentables vu leurs petits budgets.
La méthode Blumhouse fait du mal au cinéma mais vu que c'est les comptables qui décident, comment leur en vouloir de miser sur ce genre de cinéma plutôt que sur des trucs comme Megalopolis par exemple ( ou évidemment le retour sur investissement n'est pas garanti à moyen termes même avec les droits TV et VOD).
Heureusement qu'il y a encore quelques irréductibles comme A24, le public existe il suffit d'aller le chercher

Le vrai samourai
01/05/2024 à 13:08

Prévisible ?
Oui.

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