Critique : Boudu

Par Stéphane Argentin
15 février 2005
MAJ : 22 octobre 2018
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Avant d’être sauvé des eaux par Jean Renoir en 1932 sous les traits de Michel Simon, Boudu était surtout une pièce de théâtre écrite par René Fauchois. Pour sa version 2005, Gérard Jugnot n’a opté ni pour une nouvelle adaptation ni pour un remake mais s’est contenté du point de départ de l’œuvre de Fauchois comme seule et unique source d’inspiration : Boudu, sauvé des eaux par Christian et qui, à partir de ce moment précis, va chambouler tel un ouragan la vie de son sauveur. Mais lequel des deux avait vraiment besoin d’être secouru ?

L’ouragan et le sauvetage sont d’ailleurs les deux parties bien distinctes qui caractérisent le film, l’une n’allant pas sans l’autre. Le choix semble d’ailleurs très judicieux puisque l’on constate assez vite dès le début du film que Jugnot, réalisateur et co-scénariste, a décidé de s’orienter vers un récit en grande partie théâtrale où personnages et évènements sont réduits au strict nécessaire. Quatre-vingt pour cent de l’action prendra donc place dans le magasin d’arts de Christian (Gérard Jugnot) et de sa femme surmédicamentée limite shootée, Yseult (Catherine Frot). Cette bâtisse se transforme également en un véritable bocal pour ce poisson dans l’eau, limite squatteur que devient alors Boudu (Gérard Depardieu) mais reste néanmoins un lieu de travail pour la secrétaire et maîtresse de Christian, Coralie (Constance Dolle) auxquels se joignent des personnages épisodiques parmi lesquels le peintre en bâtiment Bob qui voudrait bien être payé, le peintre de toiles snob en manque d’inspiration (Jean-Paul Rouve), le psy et ami de Christian, Perez et l’ancien compagnon d’infortune de Boudu, Geronimo (Serge Riaboukine), resté à l’écart.

Toutefois, l’ouragan n’attend pas la mise en place du décor et des personnages pour commencer à souffler. En effet, dès la scène d’ouverture, le rythme est donné et ne va retomber à aucun moment durant l’heure suivante. Dans une succession quasi-interrompue de situations vaudevillesques (pour certaines, issues du comique de répétition) et de réparties signées Philippe Lopes-Curval (co-scénariste déjà à l’œuvre sur Les choristes ) d’une qualité comme il ne nous a pas été donné d’en voir et d’en entendre depuis bien longtemps, tout ce petit monde va donc s’agiter pour notre plus grand plaisir dans le seul et unique but de nous décrocher (sans trop de mal il faut bien l’admettre) quelques savoureux fous rires.

À cette bourrasque s’ajoute la mise en scène dynamisante et appropriée d’un Gérard Jugnot qui a même opté pour le scope dans son format d’image. Un choix périlleux pour une « pièce de théâtre » mais le bonhomme, tout comme Francis Veber, autre grand spécialiste des horlogeries comiques dans ce format, connaît très bien son affaire puisqu’il débuta lui-même au théâtre au sein du célèbre Splendid où il collabora à l’écriture de quelques uns des classiques de la comédie française. Cet esprit collectif se retrouve d’ailleurs dans Boudu où le réalisateur et son co-scénariste ont su préserver de bout en bout une belle équité dans la place qu’occupe chaque personnage, campé par des acteurs lancés à bride abattue et visiblement aussi ravis que nous d’être présents.

Passée cette première heure de pur régal pour les zygomatiques, arrive ensuite le « sauvetage ». Car il ne fallait pas croire que cette succession de saynètes aux réparties plus ou moins acerbes n’avait pour simple but que de divertir ! Elles servaient en effet un autre dessein : chambouler la petite vie bien routinière mais néanmoins gangrenée de tout ce petit monde pour mieux la guérir ensuite. La transition de l’un à l’autre pourra alors paraître brutale mais celle-ci n’est pas pour autant intégrale puisque cette seconde partie, certes nettement plus posée et réflexive n’en préserve pas moins quelques petites amusettes, histoire de pousser une bonne fois pour toute les personnages au changement et au prise de décisions.

Son office terminé, Boudu n’a donc plus qu’à s’en retourner à ses vagabondages en laissant derrière lui une sensation de bien être et de légèreté communicative jusque dans la salle, ravie d’avoir pu assister à un divertissement populaire de qualité (et non débilitant comme il tend hélas à s’en répandre de plus en plus ces derniers temps) et tel qu’elle aimerait en voir plus souvent à n’en pas douter.

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