Grâce au succès critique et public du Mystère de la chambre jaune, les frères Podalydès (Bruno à la plume et à la caméra, Denis devant celle-ci) ont sans surprise pu s’attaquer à l’adaptation de la suite du roman de Gaston Leroux, joliment intitulé Le parfum de la dame en noir. Tous les protagonistes de la première aventure sont de retour (Sabine Azéma, Pierre Arditi, Jean-Noël Brouté, Michael Lonsdale, et même Claude Rich le temps d’un clin d’il), mais malheureusement les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets : l’humour léger et désinvolte teinté de suspense du Mystère de la chambre jaune a en effet disparu pour la plus grande part, laissant la place à une intrigue lénifiante et sans ressort.
Ce serait toutefois faire injure au « bon bout de la raison » si cher à Rouletabille, le personnage inventé par Leroux, que de travestir de cette manière un principe logique aussi incontestable que « les mêmes causes produisent les mêmes effets ». S’il est moins réussi que son prédécesseur, c’est que Le parfum de la dame en noir ne bénéficie tout simplement pas des mêmes atouts que celui-ci. En particulier au niveau des personnages-clés de l’intrigue, qui sont tous en retrait dans ce second volet : Larsan l’illusionniste (Arditi) meurt officiellement dès le générique de début et agit donc dans l’ombre pendant tout le récit ; Mathilde (Azéma) se réfugie dès lors dans le deuil mutique de son ancien amant ; quant à Rouletabille (Podalydès), lui-même a troqué sa verve et son énergie au profit d’une posture défensive à la fois énigmatique et renfrognée. Le héros du film devient donc par défaut le « sidekick » Sainclair, ce qui peut au départ sembler une idée intéressante mais ne s’accompagne par malheur pas du développement nécessaire du personnage afin qu’il puisse supporter cette lourde charge.
Plombé par ces postulats de départ, le scénario se trouve piégé dans l’attente d’une hypothétique attaque de Larsan, et le spectateur dans celle du flash-back final qui lui dévoilera quand et comment cette attaque a en réalité pris place au sein d’une intrigue tellement alambiquée et autonome vis-à-vis de ce qui nous a été montré à l’écran qu’elle en perd tout intérêt. En l’absence de péripéties suffisamment marquantes pour secouer ce rythme somnolent, ce sont les rôles secondaires n’ayant aucun lien avec le cur du récit qui sauvent en partie le film. Lonsdale est exquis en père décidé à ne s’impliquer d’aucune façon dans une aventure qui risquerait de gâcher ses paisibles vacances, et deux nouveaux venus dans la bande des frères Podalydès crèvent l’écran par leur douce folie : Zabou Breitman et Vincent Elbaz dont le caméo est aussi détonant que génial.
Le plaisir d’être là de ces deux acteurs est palpable et par moments communicatif, mais ne suffit pas à masquer sur la durée la mollesse du Parfum de la dame en noir. Quand même, quel dommage d’avoir gâché un aussi beau titre !