On s’en doutait depuis Bernie, Enfermés dehors le confirme : Albert Dupontel est un grand malade ! Cependant, n’en déplaise à ses détracteurs, le monsieur est bougrement talentueux et l’a maintes fois démontré à travers une filmographie hautement référencée qui doit autant à Tex Avery qu’à Charlie Chaplin. Pourtant, son film ne se résume pas à un patchwork des influences précitées mâtinées d’un soupçon de Fisher King (même si Terry Gilliam se fend ici d’ un hilarant caméo aux côtés de Terry Jones !), et narre la rencontre entre deux personnes un peu paumés sur un ton survolté et hautement jouissif. En effet, qu’il fasse du surf sur le toit d’un bus ou qu’il joue à saute voiture, Dupontel défie les lois de l’apesanteur avec la témérité d’un coyote à la poursuite de Bip Bip. Un personnage décalé dans un monde qui l’est tout autant voilà la recette gagnante de ce cocktail multivitaminé à haute teneur en rires !!
Si le dernier bébé (et de bébé il en est fortement question ici !) de Dupontel fonctionne si bien, c’est en grande partie grâce à une galerie de personnages hauts en couleurs que le réalisateur croque avec une tendresse évidente. Qu’il s’agisse des S.D.F. tous plus sonnés les uns que les autres (mention spéciale à Yolande Moreau, tout simplement géniale), de cette mère prête à tout pour sa môme et à laquelle Claude Perron insuffle toute sa grâce, ou encore de ce P.D.G. escroc complètement dépassé par les événements, tous demeurent profondément attachants (car pétris d’autant de qualités que de défauts) et l’aspect Affreux bêtes et méchants se voit rapidement éludé au profit d’une réelle empathie.
Ainsi, au manichéisme primaire auquel nous habituent trop souvent les productions aseptisées de tous horizons, Enfermés dehors oppose une satire souvent virulente, toujours pertinente mais jamais inquisitrice. Les pubs agressent les protagonistes, les flics sont crétins mais la violence, purement cartoonesque, s’inscrit directement dans une inventivité visuelle constante à laquelle le réalisateur nous avait déjà habitué et qui trouve ici son point d’orgue par l’entremise d’un pitch aussi saugrenu que terriblement drôle. Si on peut regretter que ce dernier point ne soit pas exploité jusqu’au bout, force est de reconnaitre qu’il donne lieu à des scènes débridées permettant au film d’assumer pleinement sa filiation avec la bande dessinée. De fait, dès le début, l’image y est en perpétuel mouvement, la caméra passe partout se planque aux endroits les plus invraisemblables et la pellicule a une fâcheuse tendance à vouloir se barrer, comme si le héros voulait à tout prix sortir de ce carcan cinématographique.