Les implacables est un western qui exhale de toutes parts une mélancolie frappante. L'immense Raoul Walsh (juste derrière Ford et Hawks, il y a Walsh) utilise le récit situé au sortir de la Guerre de Sécession qu'on lui a mis entre les mains comme une allégorie de l'époque du tournage : 1955 marque le début de la fin de l'âge d'or classique du western, d'Hollywood, de l'Amérique. La énième variation sur le thème de la dernière chance (de faire fortune, de trouver l'amour) qu'est Les implacables trouve ainsi un écho particulier, renforcé par l'identité de son duo de stars – tant Clark Gable que Jane Russell ont en effet dépassé leur pic de gloire et de charme.
Toutes les scènes de séduction et de rejet entre lui, cow-boy sudiste orgueilleux et solitaire et elle, femme au foyer sans foyer, possèdent ainsi la véracité touchante de l'acteur fatigué de faire semblant et qui tombe enfin le masque. Le reste du film est au diapason en matière d'honnêteté et de simplicité, en reposant sur des péripéties (les attaques de pillards et autres indiens qui viennent troubler la migration du bétail mené par Gable) traitées sans exagération mais rendues palpitantes par les situations de vie ou de mort qu'elles représentent pour les héros. Sans oublier bien sûr la mise en scène puissante de Walsh, qui tire le meilleur des poncifs du « label western » (grands espaces en Cinémascope, embuscades dans des canyons, discussions au zinc du saloon…) pour faire des Implacables un film nostalgique et touchant, à défaut d'être inoubliable.