C’est dans ce contexte particulier qu’À l’intérieur pointe gentiment le bout de son nez, avec pour seule arme un buzz énorme entretenu depuis plus d’un an. Les réalisateurs Alexandre Bustillo et Julien Maury rejoignent donc la prestigieuse liste d’aficionados (Christophe Gans, Eric Valette, Pascal Laugier) venus inculquer les vertus de la série B à un public avide de sensations fortes et désespéré de ne pas voir des frissons de l’angoisse à consonance francophones traverser nos vertes contrées. Sur le plan de la théorie, À l’intérieur prône des valeurs cinéphiliques hautement recommandables et appelle à la réunion de tous les Bisseux de France et de Navarre. Dans la pratique, il peine cependant à se hisser à la hauteur de ses illustres ambitions.
Vendu comme le renouveau du cinéma de genre frenchy, À l’intérieur relève au final du patchwork à tendance hémoglobine. En bon cinéphage qu’il est, le duo Bustillo/Maury n’hésite pas à régurgiter tout ce qu’il a pu digérer en matière de cinéma d’horreur pour mieux l’intégrer à un univers à la frénésie croissante. Si cette dernière initiative part d’une volonté farouche des deux auteurs de marquer le film de leur patte singulière, elle n’en demeure pas moins complètement annihilée par un manque flagrant de justification scénaristique malheureusement appliqué à l’ensemble du métrage. Ainsi, malgré une séquence d’introduction diablement efficace et un accouchement proprement traumatisant, la suite oscille constamment entre installation d’une ambiance jamais clairement définie, et huis clos au déroulement narratif totalement laissé de côté après sa première moitié. A l’image d’une dernière partie ridicule à défaut d’être jouissive dans ses outrances volontairement gore et fun, l’ensemble manque de clarté et s’essaye à un dangereux numéro d’équilibriste qui ne manquera pas de laisser une bonne partie du public sur le carreau.
Toutefois, clouer À l’intérieur au pilori des tentatives totalement ratées reviendrait à occulter quelques uns de ses attraits les moins négligeables. A commencer par un duo d’actrices époustouflantes. Prise entre mélancolie non dissimulée et rage intérieure exacerbée par l’instinct de survie, la belle Alysson Paradis dévoile un jeu d’une intensité remarquable la propulsant instantanément au panthéon des grandes scream queens. Inquiétante à souhait, Beatrice Dalle renoue avec la fascination morbide qu’elle inspirait déjà dans Trouble Every Day. Clope à la bouche et regard de prédatrice, l’actrice pourrait très bien se targuer d’être la plus féminine des boogeymen. Plus que de simples figures imposées du genre, les deux femmes portent littéralement le film sur leurs épaules rendant ainsi leurs confrontations d’autant plus intéressantes. Enfin, contrairement au surestimé Ils, l’ensemble dégage une hargne rarement égalée (bien que mal dosée) mais bienvenue dans notre paysage cinématographique national. De fait, bien qu’à moitié réussi, À l’intérieur pourrait bien rouvrir une brèche restée trop longtemps fermée et montrer la voie aux talents émergents du court-métrage, sillon où le cinéma de genre se trouve actuellement au mieux en termes de qualité.