La Clé de verre est un film noir qui fait de la femme fatale, interprétée par Veronika Lake, l'une des clés du récit, le personnage central, mais de manière indirecte puisque rares sont ses apparitions à l'écran. Tout gravite autour d'elle, la victime, le coupable, les bons, les brutes et les truands. Elle est un rayon de lumière imperceptible, perdue dans un monde d'ombres que rien n'y personne ne parviendra à étouffer ou diminuer.
Le sort s'acharne contre elle, dévorée par un univers démesuré, oppressant, où elle n'a pas son mot à dire. Elle est une apparition fantomatique, un objet que chacun pense manipuler sans véritablement y parvenir et c'est là toute sa force. Elle habite le film pendant qu'Alan Ladd, lui, le vit, endossant le rôle physique dévolu généralement aux hommes. Il est en quelque sorte son pendant masculin, son reflet, et seule leur réunion finira par mettre un terme à leur calvaire, physique pour lui, et moral pour elle.
Classique du genre, adapté d'un roman de Dashiell Hammett, La Clé se verre se révèle finalement être un véhicule parfait et plutôt subtil, malgré le jeu un peu lourd d'Alan Ladd, permettant au genre de déployer ses modèles familiers et récurrents tout en parvenant à insuffler la dose de mystère et de suspense indispensable. Le couple principal est ici secondé par des seconds rôles excellents, Brian Donlevi en tête, et, si Stuart Heisler, le réalisateur, reste souvent assez conventionnel et peu inventif, il s'en sort bien, aidé par le superbe travail de Theodor Sparkuhl sur la lumière.