S'il y a un genre dans lequel le cinéma français n'arrive pas du tout à s'exprimer, c'est bien le cinéma fantastique. C'est simple, les réussites se comptent sur les doigts d'une main. Pierre Jolivet fait partie des réalisateurs qui peuvent se vanter d'appartenir à cette élite. Son Simple mortel en dehors d'être son film le plus abouti, est la meilleure incursion fantastique qu'un réalisateur français ait eu l'occasion de nous offrir, depuis des lustres.
A la base de ce petit miracle, un scénario malin et mystérieux ne dévoilant son énigme que de façon parcimonieuse. C'est d'ailleurs la seule limite d'adhésion que peut avoir le spectateur. Devant un telle économie de moyens et une histoire ardue car proche de la métaphysique, il est possible de ne jamais entrer dans le film et trouver alors le temps très long. Mais si la magie opère, on est en présence d'une oeuvre fascinante. Avec deux ou trois acteurs (enfin surtout un, Philippe Volter, dans le rôle de sa vie), un Paris désertique, des instruments radiophoniques (autoradio, walkman, téléphone, fax,…), et une utilisation du cinémascope brillante qui fait écho à celle d'un Carpenter, Pierre Jolivet parvient à créer de toute pièce un suspense de tous les instants. Bien aidé également par une musique qui, au fil des minutes, instaure un climat de plus en plus lourd et grave.
Les amateurs de fantastique pur et dur seront sans doute déçus par l'absence total d'effets spéciaux mais Jolivet s'intéresse avant tout à son histoire et a parfaitement compris que l'économie de moyens dans ce genre trop souvent galvaudé par une surenchère visuelle constitue une voie royale vers la réussite. Au point que son film fait plus d'une fois penser aux meilleurs épisodes de La Quatrième dimension. Un compliment qui convient parfaitement bien au film, véritable ovni dans l'univers du cinéma français dont la vision nous semble impérative.