Gary King est un homme perdu dans sa vie, qui n’a pas vraiment su évoluer depuis le lycée. Il pourrait être une version plus âgée de Tim Bisley, le personnage de Simon Pegg dans Spaced. Dans l’espoir de passer un cap, il va réunir ses anciens potes de l’époque pour finir l’inachevé barathon qu’ils avaient engagé en ce temps-là, dans leur petite ville de Newton Haven. Et contrairement à Gary, eux, ils ont changé. Mais il n’y a pas qu’eux, la ville aussi n’est plus vraiment la même.
Si, dans les dialogues, les personnages font souvent référence aux 3 Mousquetaires, c’est plus de la légende du Roi Arthur que tient le film, le graal étant la redécouverte de soi. Les noms de famille de ces cinq ex-potes, qui se donne rendez-vous 20 ans après, tiennent du langage féodal. Le héros s’appelle Gary King (roi), son fidèle ami, toujours prêt à le défendre est Andrew Knightley (dérivé de chevalier), celui avec qui il a toujours entretenu une certaine rivalité est nommé Steven Prince (besoin de traduction ?) et les deux autres, un peu à l’écart, mais parties intégrantes du groupe, se prénomment Oliver Chamberlain (Chambellan, celui qui s’occupe de la couche du roi, et la sœur du personnage est le love interest de King et Prince) et Peter Page (serviteur, il est toujours là pour rendre service, même quand il ne le sait pas). Ce système chevaleresque est utilisé par Wright et sa troupe pour définir les liens entre les personnages mais aussi leurs attitudes et leur hierarchie au sein du groupe, tout au long du film.
De l’autre côté, on a le film d’extraterrestres. Le genre étant le domaine de prédilection du trio de Spaced, il est ici détourné mais respecté. Ainsi retrouve-t-on les codes de ce type de longs-métrages ainsi que de nombreuses références notamment à L’Invasion des profanateurs de sépultures et Le jour où la Terre s’arrêta. Cette partie de The World’s End est aussi l’occasion pour Edgar Wright de faire montre de ses capacités de réalisateur dans les scènes d’action. S’il y en avait eu dans les films précédents, celles-ci prennent ici une toute autre dimension : plus impressionnantes, plus chorégraphiées et plus amples, elles nous prouvent bien que, oui, Wright va pouvoir gérer avec maestria le Ant-Man de Marvel.
Mais prouver que le mélange des genres est chose possible et intéressante quand il est intelligemment fait n’est pas le seul but de cette trilogie qui finalement s’articule autour du passage à l’âge adulte. Shaun parlait d’un homme qui devenait mature par amour, Hot Fuzz faisait grandir son personnage à travers l’esprit d’équipe et la découverte de l’amitié tandis que The World’s End est un film sur les traumatismes de l’enfance qui nous empêchent d’évoluer. Si le plus évident est Gary King, homme coincé psychologiquement, il le dit dès le début, dans sa dernière année de lycée, les autres, qui ont l’air plus stables, ne sont finalement que des colosses aux pieds d’argile. Ils ont bâti leur vie sur des questions sans réponses, des problèmes irrésolus, des douleurs enfouies.
Ce retour aux sources est aussi peut-être un moyen de faire face à ce qu’ils ont voulu éviter depuis toujours. Ce n’est pas sans nostalgie qu’ils font ce retour vers le futur mais ce ressenti laisse plutôt vite place à une mélancolie, celle de l’inachevé, celle d’avoir l’impression d’avoir perdu quelque chose en cours de route. Et c’est là que le film se différencie vraiment des deux précédents. Car si l’humour est toujours bel et bien là, les ruptures de rythme soulignent un film qui n’a pas peur de se laisser aller à l’émotion.