GOLDOBRANQUE
Quand Enzo, petite frappe sévissant dans la banlieue de Rome, se retrouve en contact avec des déchets toxiques, il est loin d’imaginer qu’il est sur le point de se transformer en créature invincible. Un changement de paradigme qui mettra sur sa route Alessia, autiste et fan de l’anime Kotetsu Jeeg, soit une rencontre grâce à laquelle le voyou va progressivement s’opposer au caïd local, Fabio, tueur narcissique et candidat de téléréalité frustré.
C’est peu dire que On L’appelle Jeeg-Robot est bordélique. Capable d’alterner en quelques minutes entre la chronique âpre d’une sous-culture délinquante à la dérive, la comédie potache et des outrances proches d’une certaine poésie absurde, le film ne cesse de parasiter ses propres ingrédients, de détourner les codes qu’il convoque.
Malgré son ton foutraque et fondamentalement irrespectueux, le métrage s’efforce, avec une rigueur admirable, d’épouser (et d’interroger) les identités remarquable du film de gangster comme du conte super-héroïque. De la découverte de ses pouvoirs, en passant par la découverte d’un ennemi – qui suit son propre chemin de traverse initiatique – jusqu’à un trauma fondateur puis une confrontation cathartique, On L’appelle Jeeg Robot s’impose comme une des origin stories les plus rafraîchissantes vues de longue date.
SCARFESSE
Pour autant, le métrage ne se contente pas de proposer un clin d’œil émaillé de culture italienne aux géants cinématographiques ou pop qu’il convoque, puisqu’il s’efforce de les nuancer, voire de les critiquer. Ainsi, l’autiste sexy en diable jouée par Ilenia Pastorelli est simultanément un clin d’œil à certains archétypes du Go Nagai, dont le sens est cruellement interrogé, tandis que le machisme quotidien incarné par le héros souligne le rapport très ambivalent qu’entretiennent dans ce délire narratif des personnages moins innocents qu’ils n’en n’ont l’air.
Enfin, Gabriele Mainetti, s’il ne maîtrise pas parfaitement le rythme de son film, trop long d’une bonne vingtaine de minutes, s’efforce avec une énergie rafraîchissante de faire de chacun de ses protagonistes une somme d’incongruités et de paradoxes, qui nourrissent sa narration et son sens.
Des penchants artistico-transformo-lubriques de son bad boy, de la critique sous-jacente de la culture du viol ou de défense d’une certaine forme d’irresponsabilité créatrice, On L’Appelle Jeeg Robot est de ces œuvres remuantes dont le cœur bat si fort que le rythme cardiaque du spectateur finit par se calquer sur le sien avec gourmandise.
Une très très bonne surprise, à mille lieux du cinéma de genre formaté et sans saveur que nous sert un Hollywood en panne d’imagination et de valeur. Toute proportion gardée il y a un rien de Lumet dans ce cinéma là, généreusement nappé d’une culture pop qui lorgne avec gourmandise du côté de Tarantino.
Je l’ai déjà dis plusieurs fois, j’adore ce film, une version à sensibilité plus europènne d’Incassable.