L’ÎLE DU PLAISIR
Blink Twice devait s’appeler Pussy Island (« l’île des chattes », dans la langue de Bruno Le Maire). Un titre provocateur qui aurait merveilleusement collé à ce cauchemar qui démarre comme un prime time estival de W9 : une île privée au soleil, un milliardaire de la tech avec son groupe d’amis-sangsues, des femmes invitées pour s’amuser en maillot de bain, des containers de champagne, quelques kilos de MDMA, et une folie évidente derrière les sourires cocaïnés.
Quelque chose ne tourne pas rond, et interdiction d’en dire plus. Blink Twice repose sur ce mystérieux mystère concocté par l’actrice Zoë Kravitz, qui signe ici son premier film comme réalisatrice, avec son co-scénariste E.T. Feigenbaum. Mais disons que la gueule de bois sera plus que sévère dans cette version de L’île fantastique (cette série des années 70 avec une île où les souhaits deviennent réalité) à la sauce Twilight Zone, où Naomi Ackie (vue dans Star Wars 9 et Whitney Houston : I Wanna Dance with Somebody) tombe dans les filets de Channing Tatum.
Zoë Kravitz est certainement la grande gagnante de Blink Twice. C’est elle qui a eu l’idée, sur le tournage des Animaux fantastiques en 2017. Qui a continué à la développer à distance durant la pause Covid de The Batman, en 2020, avec son co-scénariste E.T. Feigenbaum (rencontré sur la série High Fidelity, où elle avait le premier rôle). Et qui a écrit ce rôle pour Channing Tatum, puis réécrit pour le convaincre.
Certes, elle ne partait pas de nulle part dans la vie, puisque le producteur Bruce Cohen se trouve être son parrain par exemple. Mais à l’écran, il y a le principal : un vrai sens de la mise en scène. Blink Twice respire l’envie de cinéma dans chaque séquence, particulièrement dans le découpage et le montage qui mettent doucement en place l’étrangeté des lieux.
Les effets sont certes bien connus (les longs silences en gros plan, les ruptures de rythme à l’image et au son), mais Zoë Kravitz les met au service de son usine à malaise, et ne perd jamais de vue l’horizon du cauchemar. En somme : elle sait ce qu’elle fait, où elle va, et comment y parvenir.
LES FLEURS DU MALAISE
Ayant posé toutes les briques élémentaires du cauchemar avec son directeur de la photographie Adam Newport-Berra (passé sur des épisodes d’Euphoria et The Bear), Zoë Kravitz peut passer aux choses sérieuses. Arrive ainsi le moment où les sourires ne sont plus que l’expression d’une horreur indicible et d’un piège effroyable.
Plus encore que le carnage programmé et inévitable (et forcément réjouissant), c’est dans ces moments en suspens qui semblent interminables que la réalisatrice démontre son talent avec quelques géniales scènes d’angoisse.
En jouant à merveille d’une forme de terreur silencieuse, elle offre en plus à ses actrices une poignée de moments où la tension touche des sommets de malaise, à tel point que la frontière avec l’humour commence à s’effacer. Car il y a une forme de rire cinglant dans ce cauchemar qui assume les failles de son intrigue, avec notamment une délicieuse scène où deux personnages constatent leur responsabilité dans ce cirque, avant une conclusion ayant un arrière-goût de Heathers.
Et si la solide Naomi Ackie porte le film du début à la fin face à Channing Tatum, c’est Adria Arjona qui tire son épingle du jeu avec un second rôle particulièrement savoureux. Une bonne chose pour elle puisqu’une partie de son CV (Pacific Rim 2, Morbius, Six Underground) ferait presque oublier qu’elle est actrice (Irma Vep, Andor, True Detective saison 2, Hitman).
SOUS LE SOLEIL DES DICKPICS
Mais Blink Twice a aussi ses limites. Ce qui brille à l’image est moins reluisant côté scénario, lequel ressemble vite au petit manuel du thriller parano. De l’étrange petite mamie utilisée comme un totem d’angoisse aux accessoires lourds de sens, en passant par quelques lieux tellement artificiels qu’ils ressemblent juste à des (jolis) décors de cinéma, le chemin est très balisé. Trop, puisque la mécanique huilée semble régulièrement figer les personnages et les péripéties.
A ce titre, Blink Twice rappelle un autre cauchemar féminin réalisé par une actrice : Don’t Worry Darling. Sorti en 2022, le film d’Olivia Wilde était une curieuse créature – visuellement sensationnel, scénaristiquement grotesque. Plus modeste dans ses ambitions, Zoë Kravitz est également plus en maîtrise. Elle ne va pas autant dans les extrêmes, avec une mise en scène moins faste, mais également une intrigue moins risible.
Blink Twice est amusant, bien troussé et parfois palpitant. Mais il passe finalement comme une lettre à la poste au lieu de déranger, perturber et secouer. Et c’était probablement l’intention de Zoë Kravitz vu la nature de ce cauchemar.
C’est d’autant plus dommage que dans la dernière ligne droite des révélations, les différences couches de l’horreur donnent au film une dimension saisissante, notamment grâce à quelques ambiguïtés – et malgré quelques éléments moyennement clairs. Mais Zoë Kravitz avait peut-être simplement envie de s’amuser autour de ces idées féroces, et assembler un petit cauchemar. Dans ce cas, c’est plutôt réussi. Mais limité.
Bof bof. Un film peu original, très dans l’air du temps qui m’a très souvent fait pensé à Don’t worry darling voire Antebellum.
Vite vu et vite oublié hélas.
J’ai trouvé le film hyper impactant, pour moi il fonctionne totalement, horrible! J’ai juste pas adhéré au petit revirement de situation à la toute fin sur l’île, un peu trop facile.
Vu ce soir.
J’ai passé un très bon moment.
Zoé Kravitz maîtrise sa caméra et a un sens de l esthétisme et du cadrage (ainsi que du Sound design) vraiment beau.
Et je vous rejoins sur les 2 actrices qui sont excellentes
Bref, un bon petit moment qui m’a rappelé Antebellum avec Janelle Monae
le trailer m’avait un peu intrigué… à voir.