Justice nulle part ?
Juré N°2 débute sur une transition on ne peut plus évocatrice. Après avoir fait apparaître son titre sur un dessin de la déesse de la justice Thémis, connue pour sa fameuse balance et ses yeux bandés, le film présente une autre femme aveuglée par un tissu. Il s’agit d’Allison (Zoey Deutch), la femme de notre “héros” du jour, Justin Kemp (Nicholas Hoult).
On comprend alors que le mari a voulu faire une surprise à son épouse – actuellement dans les derniers mois d’une grossesse à risque – en lui révélant la chambre de leur futur enfant. Par ce regard qu’on se met à partager avec elle, Clint Eastwood tisse une image d’Épinal devenue récurrente dans son cinéma : celle de la famille nucléaire américaine faussement parfaite. Les rayons du soleil ont beau bercer d’une lumière chaude la pièce, celle-ci porte en elle les germes du mal.
C’était déjà le cas dans American Sniper, où la chambre du bébé de Chris Kyle faisait figure de havre de paix factice, qui enfermait entre ses murs les névroses d’un soldat parti protéger sa famille dans une guerre qui n’avait pas lieu d’être (l’Irak), malgré la sincérité de son engagement. Derrière le syndrome du sauveur qui consumait petit à petit le personnage, il y avait peut-être avant tout le besoin de se trouver un but, même dans un conflit qui n’en avait pas.
Là réside le paradoxe de la plupart des protagonistes de Clint Eastwood, amenés à faire face aux contradictions opposant leur idéalisme à leur agenda personnel. Ce tiraillement, c’est celui de l’Amérique, que le cinéaste explore depuis ses westerns, en tant que genre séminal de ces germes du mal. La conquête de l’Ouest, ce fantasme de liberté régi par la loi du talion, n’a fait que laisser sa violence être entravée par un égalitarisme de façade, rapidement transformé en foire de l’entrepreneuriat incontrôlable.
La violence est au fond toujours là, au cœur de systèmes profondément imparfaits et injustes, qui appellent régulièrement le héros eastwoodien à leur désobéir, pour de bonnes ou de mauvaises raisons. Pour ses dernières apparitions devant la caméra dans La Mule et Cry Macho, Eastwood revenait à la figure du cow-boy vieillissant, catapulté dans une époque contemporaine qui n’avait pas tellement changé depuis L’Homme des hautes plaines ou Josey Wales. Mais dans les deux cas, il y était question d’héritage, de ce qu’on lègue à une descendance face à l’apparente stagnation du monde.
Dans le jardin du Bien et du Mal
Ce constat, presque synthétique d’une carrière à la cohérence ahurissante, pourra être utilisé par ceux qui ne voient en Clint Eastwood qu’un artiste réactionnaire tourné vers le passé, alors que son humanisme passe son temps à s’interroger sur une modernité freinée dans ses élans. En tout cas, Juré N°2 est un objet bien moderne dans ses problématiques, confirmant plus que jamais la pertinence du réalisateur de 94 ans, et le poids de son propre héritage cinématographique, construit depuis ses débuts autour de dilemmes moraux et sociétaux.
Cette fois, il l’explore au travers d’un concept de thriller savoureux. Justin est appelé à devenir le juré n°2 d’un procès portant sur un féminicide supposé. Le compagnon de la victime, James Sythe (Gabriel Basso), est accusé de l’avoir battue à mort avant de l’avoir jetée dans un ravin, et les preuves sont accablantes. Sauf que le même soir, Justin était dans le bar fréquenté par le couple, est rentré par la même route, sous une pluie battante, avant de percuter avec sa voiture ce qu’il a toujours cru être un cerf. Le mari parfait se découvre meurtrier, et comprend vite que des aveux aussi tardifs ne pourraient que briser sa famille en devenir.
Sous couvert de vouloir protéger l’avenir de son enfant (ou le sien de manière plus égoïste ?), le personnage essaie de convaincre petit à petit les autres jurés de l’innocence de Sythe, quitte à risquer d’être démasqué. Ce compromis, cette zone d’ombre, plonge le film dans une ambiguïté aussi déstabilisante que grisante. Malgré la tête de premier de la classe de Nicholas Hoult (très investi par ailleurs), on est mis face à un anti-héros, à un bon père de famille qui cache son jeu de manière plus ou moins détestable.
Il n’est pas étonnant qu’Eastwood cite explicitement, durant la première phase de délibération, un plan mythique de Douze hommes en colère. Le parallèle entre Justin et le personnage d’Henry Fonda ne pourrait être plus contraire : l’idéalisme d’une justice en quête de vérité se craquelle, autant du côté des jurés, tous aveuglés par leurs biais moraux, que de celui de la procureure (géniale Toni Collette), dont l’affaire lui sert de tremplin politique.
De quel bois il se chauffe
Le mal est partout, de la chambre d’un nourrisson au tribunal, et le génie de Clint Eastwood a toujours été d’embrasser le point de vue de ses protagonistes, plutôt que d’emprunter une distance indignée qui nous mâcherait le travail. Tout comme Justin est mis face à sa culpabilité en assistant par proxy à son procès, le spectateur est obligé de se mettre dans les chaussures de cet homme pris dans la tourmente.
Le classicisme souvent millimétré du cinéaste y est pour beaucoup (la précision des cadres, ces rais de lumière qui s’abattent sur le visage de Justin pour marquer son tiraillement), mais il est regrettable qu’il se transforme parfois en académisme. A vouloir couvrir un maximum de pistes pour tous ses personnages, Juré N°2 se laisse un peu trop aller sur le plan rythmique, et essaie de compenser par quelques tours de passe-passe décevants (les transitions rapides entre les séquences par des plans d’ensemble de téléfilm).
Pour autant, ces maladresses structurelles s’effacent au fur et à mesure. Déjà parce qu’Eastwood sait trousser des thrillers diablement efficaces, et parce que le non-dit qu’il instigue entre ses images se propage comme un fascinant virus.
Si le dysfonctionnement des institutions américaines ne peut mener qu’au mensonge, alors celui-ci finit par envahir une autre forme d’institution : cette famille idéale évoquée plus tôt. Cette dualité, Clint Eastwood la regarde en face, et même lorsqu’il choisit de se tourner vers la tragédie ou le point de non-retour (Mystic River, Million Dollar Baby…), il n’en oublie jamais de ramener un peu d’espoir et d’idéal. C’est peut-être sa nature d’indécrottable Américain qui reprend le dessus dans ces moments, mais c’est aussi pour ça qu’on l’aime.
Dans le cas où Juré N°2 serait vraiment son dernier film (comme cela a été annoncé), on pourrait difficilement avoir meilleure conclusion qu’une œuvre s’ouvrant sur la matérialisation de Thémis au travers de la femme de Justin. La justice se voit contrainte d’ouvrir les yeux face à ses manquements, tout en gardant dans les mains cette éternelle balance morale, symbole que la caméra du réalisateur a au fond toujours représenté.
Putain de légende
CLINT EASTWOOD Réalisateur 🎥 Ma sélection.
FIREFOX ( 1982 )
Le Maître de Guerre ( 1986 )
BIRD ( 1988 )
Impitoyable ( 1992 )
Million Dollar Baby ( 2004 )
Gran Torino ( 2008 )
j’aurai voulu dire juré N°2 un des meilleurs films de Clint Eastwood pas vraiment, le dilemme de Justin l’intrigue du film…sans vous dévoiler j’ai deviner la fin. Trop prévisible.
☆☆
Plein de séquences construites avec une intelligence redoutable – même pour Clint Eastwood, c’est étonnant :
SPOILERS
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Le premier flashback, où on découvre la présence de Justin dans le bar, sans insister là dessus – bar où il sera forcé de revenir plus tard avec le jury, comme « l’assassin sur les lieux de son crime », alors que ça n’était pas le but de cette sortie…
La scène du témoin qui raconte ce qu’il a vu – ou ce que des policiers lui ont présenté comme un fait – mais en flashback on distingue bien la tête de Justin… Est-ce une projection de Justin ou du témoin ?..
Et quand le témoin balaie le tribunal du doigt pour désigner le meurtrier (au lieu de juste le pointer directement), Justin fait-il tomber son jeton d’alcoolique par nervosité ? Ou bien exprès pour se baisser pile à cet instant ? Quelle est sa part de lâcheté et de machiavélisme ? – il l’avoue lui-même, les alcooliques savent mentir, séduire…
Et la naissance de son enfant lui a-t-il fait manquer le vote du verdict ? Ou bien a-t-il eu le temps de le faire (donc condamner l’innocent) avant de retrouver sa famille ?
Et puis cette porte qui s’ouvre, avec juste le grésillement… Implacable dans son exécution, plutôt que dans sa leçon de moralité – quoique il aurait pu avoir une peine pour homicide involontaire. Alors qu’en voulant avoir le beurre et l’argent du beurre, ou l’inverse (innocenter l’un mais ne pas se condamner lui-même), il sera aussi condamné pour obstruction à la justice, sa peine sera plus lourde.
Et ça ne sera glorieux pour absolument personne ça…
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Bref, à l’instar de son protagoniste principal, Eastwood est maître de la narration de son histoire… Mais lui il est bien plus adroit, plus grand.
Le diable est dans les détails…
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Deux femmes aux yeux bandés… La célébration d’un couple, et dans le coin, à peine audible, une femme qui demande à son compagnon pourquoi il ne lui parle jamais comme ça… La femme rallume la lumière de l’appartement après avoir oublié que son mari est encore dans la pièce, puis ne le fait pas plus tard… Une radio qui rappelle qu’il ne faut pas oublier de voter…
Etc etc…
Le nouveau, et peut-être dernier film de Clint Eastwood (pas très aidé par la Warner, malgré leur long partenariat), est fait d’innombrables petits moments comme cela, qui servent à donner de la substance et de la personnalité à cet opus.
Lequel, comme c’est souvent le cas pour l’auteur, l’emmène vers un genre cinématographique auquel il a voulu se frotter de temps en temps, par curiosité.
Des fois ça peut foirer, monumentalement (« Au-delà », « Le 15 h 17 pour Paris », par exemple). Mais la seule constante, ça sera de parler de l’Amérique, et de son rapport compliqué avec la Justice – qui n’est pas si différent d’autres pays dans le monde.
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Comme dans « Minuit dans le Jardin du bien et du mal », c’est un film de procès, genre ultra balisé, y compris dans sa version Sudiste – un État des USA qui concentre un lourd historique dans le registre des erreurs judiciaires… et de romans de John Grisham.
Et dont il met en scène la version « entre Jurés », en grande partie. Donc des citoyens recrutés, de simples gens du peuple, parce que c’est aussi intéressant de traiter de l’humain à partir de ceux qui ne font pas partie des institutions censées garantir l’ordre dans la civilisation…
Sauf que non, ça n’est pas comme ça que ça va se passer.
Déjà parce qu’il y a deux jurés qui vont avoir un rôle proactif dans le déroulé de ce procès pour meurtre, en faveur de l’accusé désigné.
L’un (J. K. Simmons) est un vieux briscard, retraité mais encore vert, dont on se demande si ce n’est pas une projection de Eastwood.
L’autre personne à défendre l’innocence de l’accusé est le (potentiel ?) vrai coupable. Brave jeune homme, futur père de famille, mais qui a donc la fâcheuse manie de se retrouver là où il ne faut pas (Nicholas Hoult)…
Et il y a celle qui devrait être normalement sa principale antagoniste, la procureure en charge de l’affaire (Toni Collette)… Si seulement elle se mettait à écouter les conseils de son sympathique collègue et adversaire au tribunal. Et à enfin rechercher les faits, de sorte que le système judiciaire puisse marcher.
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Mais ça on ne le comprendra qu’au fur et à mesure, dans un film où Eastwood suit tous les codes connus depuis « 12 hommes en colère », « Le Septième Juré » (qui a des points communs) ou les films de André Cayatte… sans compter une tonne de séries ou téléfilms, ce qui fait qu’on a un furieux air de déjà vu devant l’œuvre, balisée dans la caractérisation des jurés – représentatifs d’une population, archétypes, questionnant le bien fondé d’un verdict en fonction des preuves à disposition et de leurs convictions… et qui veulent en finir et rentrer chez eux au bout d’un moment. La cheftaine, le travailleur, le grincheux, la gentille vieille dame, le perché etc etc ils sont Tous là.
Sur rythme cinématographique en père-peinard, mais pas vraiment plan-plan ni étouffé par les huis clos (au contraire le film est très aéré). Certes c’est un peu l’atmosphère Sud, mais c’est aussi la maturité de Eastwood.
Rien ne dépasse, parce qu’il rejette les fioritures (J. K. Simmons sort complètement du film dès qu’il a joué sa partie)… pas parce que ça serait du Classicisme.
Sans grandes effusions donc, quoique avec le trouble du personnage principal, coincé dans une posture ambiguë et tentant de trouver une logique à tout ça via des flashbacks pas trop sophistiqués.
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Et Eastwood va subvertir de l’intérieur ce type d’histoire, un peu comme le fait justement le personnage de Justin Kemp au sein du jury de ce procès…
Parce que ce qui l’a marqué lui, c’est « L’Étrange Incident » (1943), western politique de William A. Wellman, et sa glaçante parabole sur la justice expéditive, la loi du talion.
Ou John Ford et ses nombreuses histoires parlant de la violence et des mensonges, fondateurs des États-Unis. Et de quoi est faite la Démocratie, si ce n’est de contradictions.
« Mystic River » concentrait déjà ça, et on en retrouve des traces ici (la petite communauté, le corps d’une fille retrouvée dans les bois). Mais avec moins de lyrisme, moins de conte tragique, et dans un milieu où le catholicisme n’est pas aussi important.
Détail supplémentaire montrant qu’il s’implique bien dans cette histoire, lui qui a toujours défendu les femmes : c’est sa fille Francesca qui, alors petite fille, avait un rôle « acrobatique » dans son film « Jugé Coupable » (un film de procès assez similaire), joue ici le rôle de la victime de féminicide. Et ironiquement, l’actrice a été arrêtée pour violences domestiques dans la vraie vie, juste avant la sortie du film.
Il y a de ces coïncidences qui viennent défier même celles d’un scénario…
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Chose aussi intéressante : on ne pense pas assez au fait que Alfred Hitchcock (qui lui n’était pas tendre avec les femmes) est souvent apparu par surprise dans la filmo de Clint réalisateur, par exemple dans « Sully ».
Avec l’idée du faux coupable, devant faire face à une opinion publique plus qu’à des faits solides.
Et, à l’inverse, le vrai tueur auquel le public est forcé de s’attacher alors qu’il essaie aussi de passer entre les mailles de la Justice, juste parce que c’est lui le protagoniste principal, le référant du spectateur.
Chaque tourments qui l’assaillent, représentant la peur d’être découvert ou bien la culpabilité face à ses actes, nous les ressentons comme si c’était quelque chose qui pouvait nous arriver. Surtout quand le personnage est suffisamment bien construit, et a mise en scène au diapason.
C’est l’empathie, et peut-être l’instinct de conservation, questionnant ainsi la propre moralité du spectateur. Pas comme si nous étions tous des assassins en puissance, au fond de nous… Mais plutôt parce que nous restons des êtres faillibles, qui peuvent très bien basculer en un instant, sans que cela ne soit représentatif de notre identité.
À moins que…
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Eastwood fait rebondir régulièrement son film, non pas avec des coups de théâtre rocambolesques, mais plutôt en ajoutant des couches de complexité passionnantes, le rendant insaisissable tout le temps que dure cette affaire.
Ainsi on découvre un parallèle entre Kemp et l’accusé James Sythe (Gabriel Basso, touchant), permettant de poser la question qui fâche : est-on capable de changer ? de devenir quelqu’un de bien après avoir fait de mauvaises choses ?
Ou bien on ne change jamais, et les mauvais choix sont-il inéluctables pour certaines personnes ?
Alors que l’on apprend de plus en plus l’histoire personnelle de Kemp, ces révélations génèrent autant de circonstances atténuantes que de motifs plausibles pour expliquer ses actes, ou la raison pour laquelle il « devrait » être sauvé…
Le pragmatisme de son avocat et parrain (Kiefer Sutherland, faussement chaleureux ?) n’aide pas vraiment à trouver de solutions vertueuses…
Et alors que Kemp tente de défendre Sythe, il avoue aussi à demi-mots ses anciennes tendances au mensonge… mais Eastwood nous montre aussi, depuis le début des délibérations, que les deux seuls jurés noirs restent quoiqu’il arrive rétifs à son argumentation.
Donc qu’ils ne sont pas dupes de ceux qui essaient un peu trop vite de les convaincre, parce qu’ils en ont trop vu – et pas une seule fois on n’évoquera la xénophobie. Mais vu l’endroit des USA où se situe l’action, c’est tout comme.
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Par ailleurs la procureure Killebrew, dans une sorte de passage de relais avec le personnage de J. K. Simmons, voit elle-même ses convictions se fragiliser et va se mettre à reprendre le fil d’une enquête dont, c’est explicitement dit avec amertume, ceux qui ont fait le travail n’ont pas eu le temps, les moyens et l’énergie pour arriver à un résultat équitable. Et en général, on ne peut rien y faire.
Pour autant, la tâche semble insurmontable pour elle à cause de facteurs extérieurs : un engagement politique basé sur des promesses (surtout de la part d’une femme), et donc un point de vue précis mais peut-être pas adapté à la situation – toujours la défiance du cinéaste envers les ronds de cuir.
Eastwood utilisant malicieusement des éléments peu conservateurs pour créer un angle mort chez ceux qui cherchent la vérité… Il suffit qu’une femme (adorable Zoey Deutch) ne porte pas le nom de famille de son mari, et voilà qu’on rate une photo cruciale.
Tout Est une Question de Point de Vue. Et Tout Est Question d’Humains.
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Donc on passe tout le film à se dire que Eastwood va nous faire une « Liberty Valence », que c’est vers ça qu’on va se diriger, à moins d’un retournement miraculeux – certaines versions telles qu’elles sont racontées ne concordent pas, et nous-même n’avons pas une vision totalement omnisciente de la situation.
Et en même temps, on sent le Hitchcock qui pointe : la tension, la mauvaise foi, les coups en faux-derche, l’envie de railler l’idéal américain (familial, résilient, sûr de son bon droit), les petites idées formelles (le sibyllin siège vide, et sa justification frissonnante)… Et surtout le refus de rester sur une impasse, c’est à dire l’équivalent du non-lieu dans un procès.
Car pour Hitchcock, le public ne doit pas venir au Cinéma pour rien, il faut qu’il y ait un résultat concret à la fin. Et celui-là, on le sent venir dès qu’on tombe dans l’accalmie, puis que Eastwood dilate le temps du bonheur… et avant ça, que l’on a enfin le face-à-face entre les deux grands protagonistes (après une brève et amusante amorce au tout début du film).
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Évidemment il y a un côté méta à retrouver Toni Collette et Nicholas Hoult, eux qui jouaient une mère et son fils il y a bien des années dans « Pour un garçon ». On les entendrait presque se dire « mais enfin, qu’est-ce que tu es devenu aujourd’hui ? »
Question qu’on pourrait appliquer aux personnages eux-mêmes : si l’actrice a souvent joué des rôles vachards ces dernières années, cette procureure qui doit réapprendre à voir et à écouter, plutôt qu’à paraître, est l’un de ces meilleurs.
Quant à l’acteur, Eastwood utilise bien son allure de Tom Cruise version grand échalas… une espèce de fragilité mêlée à de l’arrogance, à un subtil complexe de supériorité, encore plus sur la fin.
Mais est-il un sale type pour autant ? L’auteur du film ne vient pas penser à notre place, il nous laisse libre de nos choix.
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Par contre il prend partie de manière implicite (quoique), dans un contexte, filmique et réel, où Halloween et le sort de la Justice américaine s’entrecroisent dangereusement.
Et exprime son propre point de vue, simple, direct et inchangé depuis des décennies :
« Pensez tous à bien faire le job… et non à flatter ou à suivre un avis général.
Parce que vous ne serez jamais complètement sûrs que cet avis soit le plus honnête, ni le plus juste ».
Si ça devait être son ultime film, Clint Eastwood s’est offert une sacrée une porte de sortie (littéralement, dans la dernière scène)…
Très honorable, moins douce et inoffensive qu’on ne le croit.
Et sacrément stimulante, pour qui sait où regarder.
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‘tain, 94 ans..! et un esprit affûté comme jamais.
Vu hier. Thématiquement très intéressant, je l’ai perçu comme le film miroir de « Le Cas Richard Jewell ». Le scénario est excellent mais sur le pur plan cinématographique il m’a laissé sur ma faim.
Pourquoi ne signaler que la parenté avec 12 hommes en colère et celle aussi forte sinon plus avec le film de lautner le 7 ème juré ?
Un dernier (?) Eastwood desservi par une mise en scène et une narration plan-plan dignes d’un série télé américaine lambda. Le cinéaste peine à incarner son récit avec des personnages fonctionnels et des enjeux scénaristiques (est-il coupable ou non de la mort de la jeune fille?) , peu impliquants et péniblement dilués sur presque deux heures de métrage. Le dilemne moral potentiellement fort du personnage joué par Nicolas Hoult est superficiellement traité, et c’est la platitude, l’ennui et le caractère anecdotique qui ressortent au final du film, malgré un dernier plan qui tente de relever un plat bien fade.
Je pense que s’arrêter sur le chef-d’oeuvre qu’est Gran Torino aurait été parfait