Mesdames muscles
Les premières minutes annoncent la couleur : Saint Maud s’intéressait à la piété religieuse, Love Lies Bleeding ne sera que muscles, stéroïdes et white trash. La stratégie reste la même : nous immerger dans un milieu refermé sur lui-même, inextricable pour des personnages forcés plus ou moins malgré eux de s’en imprégner. Ici, la messe est dite dès l’ouverture et son ballet d’inserts dégoulinants de chair et de sueur. L’épicentre géographique du récit sera une salle de musculation gérée par Lou (Kristen Stewart) et dans laquelle débarque Jackie (une Katy O’Brian au physique impressionnant). Deux femmes évoluant dans un bain de testostérone et de coupes mulets, qui vont très vite s’enticher l’une de l’autre.
À vrai dire, l’univers du film tourne plutôt autour de deux pôles : la salle et le stand de tir. Nos deux héroïnes ne cesseront de se revendiquer du premier, assurant privilégier le poing au canon, le physique au matériel, parfois verbalement. Mais tandis que les prises de stéroïdes se succèdent, mais ne s’espacent pas, une réalité terrifiante finit par les rattraper. Les deux approches sont tout aussi artificielles, illusoires. Et de toute manière, elles prouvent bien que dans ce coin d’Amérique des années 1990, les deux seuls projets de vie consistent à dompter d’une manière ou d’une autre l’usage de la force. Et ce afin de cesser de la subir.
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Aidée au scénario par Weronika Tofilska (Mon Petit Renne), Glass ne se vautre pas dans le fétichisme de la capsule temporelle. Il y a avait de quoi tomber dans ce piège avec la musique rétro du trop rare Clint Mansell et l’armada de looks, bagnoles et références balancées à l’écran. Pourtant, la cinéaste révèle assez tard dans le récit un marqueur historique, de manière pas si anecdotique par ailleurs, et s’intéresse moins aux détails de ce microcosme qu’à la manière dont il broie ses héroïnes et la relation qu’elles tentent de tisser.
Le fétichisme, c’est celui des muscles de Jackie, interprétée par une Katy O’Brian qui crève l’écran dans un rôle difficile, aux côtés d’une Kristen Stewart également très juste. La mise en scène tourne autour d’eux en permanence, en faisant l’épicentre de l’intrigue. Ces muscles, tantôt chargés d’érotismes, tantôt chargés tout court, provoquent et dénouent les enjeux, à la fois résultat d’un trop plein de violence et de sa libération, au point de carrément faire basculer le récit dans le fantastique.
Love, death and gros bras
Mais avant tout, Love Lies Bleeding est une histoire d’amour sincère, qui sera corrompue par la violence dont suinte son environnement. Car si certains risquent de trouver le temps long dans la première partie, c’est parce que la cinéaste prend bien soin d’accorder à ses personnages principaux un début d’idylle amoureuse et notamment des scènes intimes et charnelles faisant office de cocon dans un océan mortifère (peuplé à la fois par un Dave Franco détestable et par un Ed Harris parfait). Evidemment, celui ci finira par éclater dans un éclat de brutalité plus que sévère.
C’est deux types de violence qui se côtoient : la violence rituelle, couverte par tout à chacun, et la violence impulsive, conséquence de la première. C’est évidemment la seconde qui sera la plus réprimée, dans une logique héritée de Bonnie and Clyde. Les scénaristes ne mettent pas tous leurs œufs dans le même panier : l’horreur, défiant jusqu’à la raison de la victime, de la violence conjugale, n’a rien à voir avec celle qu’elle finit par provoquer. Et l’amour des femmes, entre femmes, ne cesse de se débattre avec un monde d’agressivité, jusqu’à en être submergé presque intégralement.
Bien qu’il ne laisse à aucun moment douter de l’empathie qu’il éprouve pour son couple en roue libre, Love Lies Bleeding fait preuve d’un nihilisme encore mieux dissimulé que dans le fameux dernier plan de Saint Maud. Volontairement grotesque, son final a la bonne idée de convoquer directement les grandes figures de la culture populaire, ayant cette cette manie d’à la fois perpétuer et pourfendre la culture de la violence qui corrompt chaque ligne de dialogue passé le premier tiers du long-métrage. La jolie rêverie fantasmagorique qui clôturerait le dernier acte de n’importe quelle série B se craquèle pour laisser apparaitre une fausse victoire amère.
À première vue, et à travers son affiche, Love Lies Bleeding semblait crier « elles contre le monde ». Sa cruelle qualité aura été de liguer le monde contre elles, puis d’ériger le cinéma grand public dans lequel il s’inscrit non pas en solution, mais en une étape supplémentaire sur leur route. Et ce jusqu’à un générique qui ressemble à une épitaphe : ci-gît l’amour, en sang.
magnifique film
Ca m’a aussi penser aux films des frères Coen en version white trash (du fait divers poisseux, une équipe de bras cassés, une situation qui dérape, des personnages hallucinés…).
Bon casting, bonne réal, mais j’ai pas trouvé le scénario terrible
@La rédaction
Dave Franco détestable…son personnage ou bien son interprétation ?
Cela ne casse pas des briques ! Tout juste une série B, avec une actrice que vous trouvez merveilleuse… Alors que bon, c’est très moyens tout ça.
Je ne comprend l’extase que provoque ce film chez certains.