Quand la musique est bonne
Star Wars, E.T., Les Dents de la mer, Superman… Qui ne connaît pas la musique de John Williams ? Tout le monde a un rapport personnel, ou au moins un souvenir avec l’une de ses partitions, et avec les films que ses notes ont sublimés. Au-delà de l’accompagnement des images, il y a l’accompagnement de ces bandes-originales dans nos vies, leur ancrage impérissable dans nos mémoires.
Laurent Bouzereau en a conscience, et a la bonne idée d’en faire le cœur émotionnel de son documentaire. Que ses intervenants soient des artistes ayant collaboré avec le maestro ou des admirateurs, il est très vite question de ces souvenirs, de l’émerveillement des premières fois, auquel on peut tous s’identifier. Que serait l’immersion dans l’univers de Star Wars sans cette percée de cuivres inaugurale ? Comment pourrait-on ressusciter les dinosaures sans le thème de Jurassic Park ?
En assumant cet angle, Music By John Williams esquive les pièges les plus évidents du portrait documentaire emphatique. Laurent Bouzereau a maintes fois travaillé avec Steven Spielberg (notamment en réalisant certains de ses making-of) et voulait approcher le compositeur depuis longtemps. Mais même à 92 ans, John Williams est encore ce génie timide, peu désireux de raconter le roman de sa vie. Il fallait bien l’intervention de son plus fidèle partenaire (29 collaborations à ce jour, jusqu’à The Fabelmans) pour l’inciter à changer d’avis.
Il est donc logique de voir Bouzereau débuter son film en captant l’amour inconditionnel entre Spielberg et Williams, ces deux frères inséparables qu’on a nous-mêmes envie de prendre dans nos bras. Il serait facile de se laisser intimider par ces deux titans, mais le réalisateur maintient son cap, et ne se contente pas d’une énumération à la Wikipedia d’une carrière remplie de classiques.

Concerto pour souvenirs
C’est même ce qui peut décontenancer au début, tant le documentaire fait ses choix, et se permet quelques bonds dans le temps, qui engendrent d’inévitables manquements (la prélogie Star Wars est étonnamment évincée, malgré le culte autour de Duel of the Fates). Néanmoins, Bouzereau préfère s’accrocher à sa narration, qui s’infiltre avec beaucoup de finesse dans la carrière et le processus créatif du maestro.
On y revient sur ses débuts peu connus dans le jazz, sur sa carrière naissante à Hollywood en tant qu’arrangeur, et même sur sa période compliquée à la tête de l’orchestre Boston Pops, qui reflétait dans les années 80 le manque de considération de la scène classique envers la musique de film. Le documentaire se permet même d’approcher la vie intime du compositeur (notamment le décès de sa première femme, Barbara Ruick) sans sombrer dans le voyeurisme malvenu.

Laurent Bouzereau choisit juste de ne pas se contenter des marqueurs temporels les plus évidents, pour mieux tisser la soif d’expérimentations d’un artiste complet. On y retrouve bien sûr des anecdotes connues et savoureuses (la première fois qu’il a joué le thème des Dents de la mer à un Steven Spielberg dubitatif), mais le film trouve toujours le contrepoint, notamment lorsqu’il explore la musique plus expérimentale et dissonante composée par Williams en dehors du cinéma.
Cette sensibilité est avant tout sublimée par les différents intervenants, sur lesquels la caméra prend le temps de s’attarder. Spielberg mime avec délicatesse l’orchestration de son camarade, J.J. Abrams évoque avec des étoiles dans les yeux son achat du vinyle de Star Wars (seul moyen à l’époque pour “revivre” le film), et Kate Capshaw ne peut retenir ses larmes lorsqu’elle décrit la découverte du thème de La Liste de Schindler. À partir de là, Laurent Bouzereau ne peut que nous avoir dans sa poche. Ces émotions des cadors de l’industrie, ce sont aussi les nôtres.
Music by John Williams est disponible sur Disney+ depuis le 1er novembre 2024 sur Disney+ en France

faut bien admettre qu avec les docs sur ILM et sur Williams, Lucasfilm tape juste! je ne savais pas trop à quoi m attendre en lancant la vidéo mais je n ai pas vu le temps passer, l occasion de se replonger dans des images et des émotions.
Et puis le choix de la musique du générique de fin est parfait!