Ours bien léché
Ce qui fait le génie des Paddington de Paul King, c’est la notion d’harmonie. Dans le décor urbain d’un Londres triste et solitaire, le petit ours venu du Pérou trouve non seulement sa place au sein de la famille Brown, mais transforme par son regard tendre et naïf le monde qui l’entoure. Sa bonté naturelle fait ressortir le meilleur de chacun, et contribue à une solidarité, à une compassion commune et à une tolérance plus que jamais nécessaire.
Malgré sa maladresse toute burlesque, Paddington retombe toujours sur ses pattes, ou enchante son environnement par une trouvaille involontaire (les tenues carcérales du deuxième film teintes en rose). Paul King a toujours su sublimer visuellement cette donnée, tout en mettant en valeur son exigence narrative, elle aussi incroyablement harmonieuse. Le procédé est simple : chaque membre de la famille Brown ressent un manquement dans sa vie, ou traverse une épreuve qu’il saura affronter aux côtés de Paddington au fur et à mesure de l’aventure, jusqu’à la résolution satisfaisante du climax.

L’idée peut sembler évidente (et tout bon scénariste devrait savoir manipuler de tels outils), mais Paul King sait organiser ces set-up/pay-off avec une complexité et une précision d’orfèvre, qui en vient à même concerner les personnages tertiaires de l’intrigue. De ce point de vue, Paddington 3 montre bien vite ses faiblesses. L’écriture de Jon Foster et Mark Burton se révèle plus mécanique et moins élégante, notamment lorsqu’elle définit dans son introduction les phobies ou lubies de ses personnages.
En même temps, le concept du long-métrage a moins de temps à consacrer à la famille Brown, bien qu’elle choisisse d’accompagner Paddington sur sa terre natale du Pérou, à la recherche de sa Tante Lucy. Elle qui devait être en convalescence dans une maison de retraite pour ours (idée géniale) a soudainement disparu dans la jungle, visiblement en quête d’un précieux trésor. Les origines de notre ursidé préféré y trouvent l’occasion d’être interrogées, transformant au passage le voyage en quête initiatique.

Le meilleur d’entre nous
Comme on pouvait s’en douter, c’est dans ces moments-là que ce troisième opus frappe le plus fort. Dans ce mix jouissif et improbable d’influences, où Dougal Wilson cite entre autres Indiana Jones et Buster Keaton, on peinait à croire que l’inspiration revendiquée de Werner Herzog (Aguirre, Fitzcarraldo) trouve sa place.
Et pourtant, le film traduit à sa manière et par son environnement le mal-être d’un personnage qui se cherche une appartenance. Si l’obtention de son passeport permet autant à Paddington de partir à l’aventure que d’être officiellement un citoyen britannique, sa double-nationalité le positionne dans un entre-deux inconfortable. Cette fois, c’est à lui qu’il manque quelque chose sur le plan identitaire, telle une cassure dans cette harmonie qu’il sait pourtant instiguer chez les autres.
Ce regard plein de compassion sur la réalité de l’émigration touche en plein cœur, au point où les 20 dernières minutes du film ont le pouvoir de changer l’œil le plus aride en océan. Néanmoins, on sent Paddington 3 moins à l’aise que ses prédécesseurs par rapport à cette fluidité des tons et de leurs ruptures, ici plus heurtées et maladroites, et laissant plus de place à l’humour.

Pour autant, cette légère déception n’est que de courte durée. Au-delà des péripéties inventives dont se montre capable le long-métrage, il peut compter sur l’amusement évident de son casting, trop heureux de pouvoir lâcher prise dans cet univers loufoque. Antonio Banderas ramène quelque chose d’enfantin dans sa performance de capitaine de navire obsédé par l’héritage de ses ancêtres colons, tandis qu’Olivia Colman régale en nonne trop souriante et enthousiaste. Sa chanson introductive en hommage à La Mélodie du bonheur suffit à elle seule à justifier le visionnage du film.
Comme toujours avec notre petit ours adoré, on rit et on pleure avec bonheur et intelligence. On vient peut-être voir les films Paddington pour son goût savoureux du burlesque, mais on reste pour la sincérité sans fard de ses émotions, catharsis fabuleuse qui semble expurger chez chaque spectateur des sentiments trop longtemps enfouis. Dans ce “reboot” de nos personnes, il y a là aussi une belle forme d’harmonie.

Je me suis offert un petit plaisir régressif en allant voir le film en salles avec ma peluche Paddington sur le siège d’à côté (il n’y avait personne sur la rangée, sinon je n’aurais jamais osé).
Eh bien c’était une fois de plus merveilleux, très tendre, drôle (j’ai lu des critiques disant que le film n’est pas drôle, ah bon ?), avec des Anglais qui font toujours autant d’anglaiseries. D’ailleurs, le dépaysement au Pérou est finalement une jolie idée, en apportant un changement rafraîchissant ; ce qui n’empêche pas l’ensemble des personnages de conserver leur humour flegmatique qui fait qu’on se sent comme à Windsor Gardens. J’ai d’ailleurs trouvé cette jungle en CGI très réussie, et le voyage assez sympathique.
Bien sûr, le 2 étant un chef-d’œuvre, le 3 n’arrive pas exactement à son niveau, en étant sans doute un peu moins profond dans son humanisme, moins drôle, moins jusqu’au-boutiste dans sa folie douce. Malgré tout c’est un très bon élément de cette saga qui pour l’instant ne déçoit pas.
Bien apprécié ! Effectivement en-dessous des deux premiers, mais très agréable tout de même.
C’est pas le Royaume Uni…
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Les histoires de l’ours Paddington font partie de ces fictions pour enfants qui glorifient l’identité culturelle de leur pays. Sans être trop patriotique pour autant, parce que il y aurait largement de quoi critiquer les anglais… Non là c’est la version folklorique, optimiste, où on ne parle pas de la lutte des classes, où il est de bon ton d’être poli (qu’est-ce que ça donnerait si on avait des punks chez Paddington !).
C’est charmant, ça ne (se) pose aucune question qui fâche, les obstacles n’occasionnent que de mini frayeurs, et même l’immigration et l’intégration peuvent finalement bien se passer, comme on le voit dans les films adaptés par Paul King…
Pour les adultes, ces mêmes long-métrages se distinguent par une exigence formelle au dessus du lot, mélange d’éléments concrets et numériques, lorgnant aussi bien sur le cinéma classique (voir muet) que sur du Wes Anderson.
Deux films avaient déjà tout dit, mais on aurait pu continuer indéfiniment sur le même régime… pourtant, une suite a longtemps peiné à réussir à se monter en dix ans.
Pour son grand retour dans les salles, était-ce alors une bonne idée de rebattre un peu les cartes ?
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De manière indirecte, ce nouvel opus ressemblerait presque à un reboot :
Déjà pas de Paul King derrière la caméra, alors trop occupé sur son léger « Wonka ». Dougal Wilson, jusque là réalisateur de pubs et de clips, prend la relève après quelques courts-métrages eux-mêmes très emprunts d’identité british. Ce qui assez ironique alors que ce présent film va très peu se passer à Windsor Gardens, pas plus à Londres (le temps de deux cameos inutiles de Hayley Atwell dans un rôle… d’américaine ?!), et même pas dans un pays du Commonwealth – et heureusement que les personnages ne vont pas faire les colonialistes en allant au Pérou…
On devra hélas se passer des beaux yeux bleus de Sally Hawkins, remplacée comme si de rien n’était par une autre souris, Emily Mortimer…
On ne reconnaît presque plus les enfants (enfin, plus Samuel Joslin que Madeleine Harris), jeunes adultes restant étrangement asexués malgré la présence d’un autre personnage du même âge, avec qui il n’y aura pas une once de drague…
Même l’oncle Pastuzo semble étrangement expurgé de la saga, comme s’il n’y avait eu que la tante Lucy dans la vie de l’ourson – une seule référence vite fait, vers la fin.
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Seuls restant totalement inchangés, Henry Brown (le superbe Hugh Bonneville), qui continue à chercher de nouvelles façons pour se décoincer…
Mme Bird (Julie Walters) en mamie rock…
Et bien sûr Paddington : bloc de tendresse, héros totalement vertueux. Mais à la maladresse un peu artificielle, et refusant de se remettre en question pour évoluer un chouia. Ce qui est dommage vu l’histoire qui est enfin développée, remontant à ses origines entrevues dans le premier volet, pour mieux poser une réflexion sur le retour aux racines, l’importance (ou non) de la famille qu’on s’est choisi, de l’attachement malgré l’absence (ça concernera aussi Mary et Judy Brown)…
Fidèle aussi à lui-même, Antonio Banderas dans un énième rôle d’hidalgo faux jeton, assez similaire à celui de Hugh Grant dans le précédent (un peu plus schizo que narcissique)… mais qui évolue d’une manière plus intéressante, créant ainsi un lien pertinent avec Paddington en parlant alors du poids de l’hérédité. Ce qui est quelque peu atténué par le personnage tout aussi familier de Olivia Coleman, ses sourires tout en dents et ses yeux ronds, une fofolle qui vole souvent la vedette au casting (qu’elle chante, qu’elle vole etc) et dont on pressent bien l’évolution finale.
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Question mise en scène, le point le plus important des films « Paddington » rappelons-le, on est donc dans la moyenne des deux autres films, toujours génératrice de loufoqueries, mais sans plus-value, sans grande originalité.
Car maintenant qu’on est dans un contexte ouvertement aventureux et exotique, il n’y a plus de contrastes contrairement aux précédentes aventures anglaises, où Paul King pouvait injecter une imagerie épique hollywoodienne (y compris du Tom Cruise) dans un milieu urbain et quotidien…
Et ici, il aurait été logique d’inclure un maximum d’éléments typiquement british pour créer du décalage (ormis le fait d’avoir des personnages anglais propulsés loin de chez eux, ça ne sera pas trop le cas).
On en sera alors réduit aux sempiternelles références remontant à « African Queen » et « Indiana Jones », sans jamais devenir non plus un truc honteux – quand Paddington nous fait Buster Keaton dans un temple en pierres, ou qu’on a une parodie de « La Mélodie du bonheur », c’est pas mal du tout, là il y a un peu de contraste. C’est juste que c’est efficace, joli, mais pas transcendant.
Sauf si on n’a jamais vu les modèles initiaux.
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Donc, film pour les enfants d’aujourd’hui, contemporain tout en gardant une poignée d’éléments intemporels…
Du bon boulot, parenthèse junglesque en forme de vrai-faux blockbuster (le sentimentalisme y sera toujours plus puissant que la quête d’un trésor), et suffisamment satisfaisant pour justifier le déplacement en salles.
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Oui-Oui, l’ourson 🐻
Allez on y va samedi en famille ;-).
Je me précipiterai pour le voir dès ce week-end. Le deuxième est sans doute mon film préféré… tout court. Je craignais énormément l’absence de Paul King, donc je suis soulagé de voir que le plaisir d’Antoine n’en a pas été trop gâché.