TOUJOURS PLUS GRAND, TOUJOURS PLUS FORT
Sorti en décembre 2021, dans un contexte de réouverture timide des salles après les confinements, Pushpa : The Rise avait créé l’événement en Inde. Bien au-delà du public télougou à qui le projet était majoritairement destiné, cette histoire d’un jeune bandit ambitieux qui fait fortune dans le trafic de bois de santal était devenu un véritable phénomène pan-indien. Un raz-de-marée inattendu qui a poussé le réalisateur Sukumar à revoir sa copie pour offrir une suite à la hauteur des attentes d’un public bien plus large que prévu.
Trois ans plus tard, après de nombreuses réécritures et un développement chaotique, Pushpa 2 : The Rule débarque enfin au cinéma. Même à l’échelle des productions indiennes souvent compliquées, le tournage bouclé à cinq jours à peine de la sortie en salles avait de quoi inquiéter. Est-ce que le cinéaste s’était laissé dépasser par un projet trop grand pour lui ? Son ambition d’offrir une suite plus spectaculaire en tout point allait-elle se retourner contre lui ?
Inutile de tergiverser, le film de Sukumar tient parfaitement ses promesses. Plus long, plus ambitieux, plus divertissant, ce deuxième opus a tout pour plaire. Dans la course au grand blockbuster pan-indien, Pushpa 2 : The Rise n’a absolument pas à rougir aux côtés de Jawan, RRR ou encore K.G.F : Chapter 2. Cette suite bénéficie d’une mise en scène superbement maîtrisée, qui joue intelligemment avec les codes du cinéma populaire indien. La direction artistique et le travail sur les couleurs force le respect. C’est une réussite technique indéniable.
Notons également le travail remarquable sur la musique. Si le premier volet proposait une bande-originale très classique, cette suite voit les choses en bien plus grand. Les thèmes musicaux composés par Devi Sri Prasad et Sam C. S. parviennent enfin à élever l’action.
Mais plus important encore, le film nous offre la plus belle séquence musicale de l’année cinématographique avec le titre « Gango Renuka Thalli ». Véritable merveille de composition, la chanson est sublimée par une chorégraphie mystique dans laquelle le monstre sacré Allu Arjun vient redéfinir l’image du héros indien.
L’ART DE LA DÉMESURE
Avec ce deuxième opus, Sukumar nous prouve plus que jamais à quel point il comprend ses personnages et sait les faire évoluer intelligemment. Dans le premier film, on pouvait reprocher au héros de n’être qu’une énième relecture de Tony Montana. Cette fois-ci, Pushpa devient plus que jamais un emblème de la pop culture indienne. Le personnage trouve un équilibre passionnant entre l’humour méta et la profondeur émotionnelle. Son drame familial vient cueillir le spectateur par surprise lors de séquences dramatiques intenses.
Mais le cinéaste télougou saisit également la particularité des anti-héros indiens fascinants de démesure, dénués de finesse en apparence mais caractérisés par une ambiguïté morale passionnante. Lors de la grande explosion de violence finale du long-métrage, Pushpa se transforme presque en boogeyman. Arrachant les membres de ses ennemis et semant la mort derrière lui, le personnage embrasse totalement l’aura magnétique et brutale qu’on lui devine depuis le début de cette aventure folle.
De ce spectacle total, on retiendra le duel entre Pushpa et son ennemi juré Bhanwar Singh Shekhawat, incarné par un Fahadh Faasil qui semble une fois encore incapable de la moindre fausse note. Sukumar vient réinterpréter le cliché du duel bandit contre flic en y apportant une dimension plus intime. On assiste à une guerre entre deux hommes imprévisibles, violents, qui luttent pour obtenir un respect à la hauteur de leurs égos démesurés.
Lors d’une séquence de mimes totalement inattendue, Pushpa 2 : The Rule convoque le burlesque de Buster Keaton et achève de brouiller les pistes entre la haine dévorante et la complicité que les deux hommes partagent. À l’image d’un Jawan, la démesure totale de Pushpa 2 : The Rule est à la fois sa plus grande force et son unique faiblesse.
Ce film fleuve de 3h20 nous offre assez de spectacle et de sous-intrigues pour remplir au moins quatre longs-métrages. Quand on pense arriver au bout, un dernier rebondissement vient ajouter une demi-heure de récit. Le tout pour parvenir à un combat final démentiel, qui a tout d’une mauvaise idée mais qui devient par magie le délire le plus fou qu’on ait vu sur grand écran depuis le combat de Raju sur les épaules de Bheem dans RRR. Excessif ? Oui. Immense plaisir ? Sans l’ombre d’un doute.
SRIVALLI : THE RULE
La plus grande surprise du long-métrage se trouve probablement du côté de sa lecture sociale et politique. Au-delà d’un rapide commentaire convenu sur le système des castes, le premier opus n’était pas franchement un grand blockbuster politique. Sans aller jusqu’au militantisme d’un Jawan, cette suite offre de nombreux messages passionnants.
Bien loin de transformer Pushpa en héros macho accompagné d’une femme objet, Sukumar consacre tout un arc narratif de son film à prouver que le héros doit écouter sa femme Srivalli et rejeter les conseils des politiciens misogynes pour triompher.
Le personnage de Srivalli est d’ailleurs bien mieux développé dans cette suite. Très discrète dans le premier opus, elle devient ici la véritable boussole morale du long-métrage. Lors d’une sublime séquence au temple, elle contredit ses aînés et reprend publiquement un homme plus noble qu’elle, devenant ainsi une véritable héroïne qui défie les normes. Incarnée par une Rashmika Mandanna impressionnante de justesse, Srivalli transgresse les traditions et apporte une dimension résolument progressiste au cinéma d’action télougou.
Lors de certaines séquences, on parvient même à retrouver le cinéaste politique et enragé à qui l’on doit Rangasthalam. On a évidemment droit aux personnages de politiciens corrompus, mais également à des critiques plus subtiles. Parmi les nombreux thèmes abordés, citons notamment la rupture sociale entre la capitale et les régions délaissées, le mépris de classe ou encore les violences faites aux femmes. S’il assume totalement son écriture excessive et hyperbolique, Sukumar n’oublie pas pour autant d’avoir un propos construit et cohérent.
À mesure que l’histoire avance, on réalise ainsi que Pushpa vient incarner à lui seul un prolétariat qui utilise les règles d’un monde corrompu pour faire triompher ses valeurs et une meilleure justice sociale. Malgré la violence qui le ronge, le personnage ressemble bien moins au Rocky de la saga K.G.F qu’à un robin des bois (de santal) imparfait mais terriblement attachant. Après un tel sommet de cinéma populaire, il ne nous reste plus qu’à attendre patiemment le troisième volet annoncé, sobrement intitulé Pushpa 3 : The Rampage.
Bonjour,
L’idéal est de pouvoir les voir quand ils sont encore en salles (comme c’est le cas de Pushpa 2 actuellement). Cela dit, les films indiens se retrouvent souvent sur Netflix ou Prime au bout d’un moment. C’est le cas par exemple de Jawan qui vient tout juste d’arriver en vostfr sur Netflix !
Bonjour à vous,
J’adore le cinéma indien mais difficile de voir ces films ( pushpa 2, fighter, jawan ) en version sous titré français sur les sites de steaming légaux.
Comment faites vous de votre côté ?
Merci