Sale temps à Salem
Paru entre les beaucoup plus notables Carrie et Shining, Salem (Salem’s Lot) est loin d’être l’œuvre la plus marquante de King, et ses adaptations ont d’ailleurs rarement fait date. Voyons les choses en face : celle-ci ne marquera pas davantage les esprits. Ce n’est pourtant pas faute de s’éloigner de son matériau d’origine pour en faire un récit plus dynamique, et il faut d’ailleurs concéder au film deux bons points : la résolution finale qui ne sera pas dévoilée ici, mais qui met en scène une vache de bonne idée impliquant un drive-in, et les personnages secondaires, sympathiques et variés, tous campés par de meilleurs acteurs que les deux jeunes premiers.
En quelques scènes, Alfre Woodard et Bill Camp, notamment, sont comme à leur habitude au-dessus de ce qu’on a bien voulu leur donner à jouer, insufflant quelques touches de second degré bienvenues. C’est malheureusement bien maigre pour donner du corps à un film qui ressemble plus à un pitch filmé et agrémenté d’effets provisoires qu’à une œuvre aboutie.
Si l’écriture est trop expéditive et les personnages (ô combien) trop peu fouillés et intéressants, c’est d’abord la photographie qui tue le film dans le l’œuf, et ce dès le premier plan. Tellement léchée et artificielle qu’elle donne aux images des airs de fonds d’écran thème Halloween, elle unifie dans un goût douteux les (très) mauvais CGI et des partis pris esthétiques de court-métrage étudiant fauché. Dommage, parce que les idées sont vaguement là, mais l’exécution ne donne même pas l’impression d’une véritable tentative.
Œuvre de jeunesse souvent maladroite chez Stephen King, Salem donne la même impression entre les mains de Dauberman, la créativité et le sens du suspens en moins (autant dire qu’il ne reste plus grand-chose, hormis les quelques bonnes idées et répliques évoquées plus haut). Mais là où le bât blesse le plus, c’est sans doute du côté des vampires : alors que tout l’intérêt de l’histoire est de raconter la contagion terriblement rapide et inéluctable d’une petite ville infiltrée par une créature de la nuit, Dauberman est particulièrement mis en difficulté par la représentation de ses non-morts.
Vampire diarrheas
Non seulement le vampire principal par qui la catastrophe arrive souffre d’un design terriblement banal, version lissée et numérique de la version Tobe Hooper, mais les autres vampires ne font que revoir les exigences à la baisse, se contentant d’yeux lumineux et de dents pointues sur des visages parfaitement normaux. Dès lors, la contagion de Salem n’a rien de plus à proposer que le récit de n’importe quelle apocalypse zombie de supermarché, tant les spécificités des vampires sont inexploitées et involontairement tournées en ridicule par la mécanique ultra-rabâchée de toutes les scènes qui se veulent effrayantes.
Le film voudrait faire peur en accumulant les zooms brusques sur des visages d’enfants aux crocs acérés et en faisant flotter quelques silhouettes, mais en plus de n’offrir aucune originalité, chacun de ces moments est gâché par la laideur des effets et la rapidité d’un rythme qui donne le sentiment de vouloir se débarrasser de ces instants clefs plutôt que d’en faire profiter le spectateur.
L’idée d’une scène a à peine le temps de naître qu’elle est déjà passée, empruntant chaque fois le chemin le plus facile, le plus balisé, et donc le moins intéressant possible. Sans doute que les premières apparitions du vampire en chef sont les plus représentatives de cette frustration, tiraillées qu’elles sont entre un désir évident d’impressionner et une réalisation pauvre à faire peur (pas comme on aimerait). Dans ce marasme, difficile de réussir à cerner la véritable intention de Salem’s Lot : est-elle réellement d’effrayer ?
Certaines scènes laissent davantage à penser que le film se voudrait comédie, mais l’aspect comique n’est absolument pas assez poussé, en dehors des quelques saillies d’Alfre Woodard, pour que le spectateur sache vraiment s’il sourit avec le film ou du film. Le ton reste tiède et indécis tout du long, comme si Dauberman ne savait pas réellement quel sentiment il tente de faire naître chez son public. L’impression générale est celle d’un sous-Ça sans ambition, les films de Muschietti n’étant déjà pas des chefs-d’œuvre, mais apparaissant ici comme un idéal inatteignable.
Un amuse-gueule à peine amusant
Puisqu’on ne peut pas attendre de ce Salem’s Lot des impressions fortes, peut-être faut-il lui reconnaître d’atteindre ce qui était sans doute son unique but depuis le départ : faire office de première partie dans les soirées d’Halloween d’adolescents, le genre de mise en bouche à laquelle on jette un œil entre deux chips au détour d’une conversation avant de passer au plat de résistance avec un film plus costaud.
Il faut dire qu’en réalité, le film a tout d’une production hollywoodienne actuelle pour enfants et adolescents : tout à fait sage et pudique, renonçant à trop d’effets gores et au moindre sous-texte sexuel ou queer (qui sont pourtant assez inhérents au mythe du vampire), mais en ne lésinant pas sur les crucifix lumineux. La version de Dauberman trahit l’influence du puritanisme américain ambiant qui infiltre bon nombre de films d’horreur grand public (à commencer par les Conjuring). Que les parents à l’esprit étroit soucieux se rassurent : absolument rien dans ce film ne trouvera le moyen de choquer le moindre enfant.
À défaut de convaincre les amateurs du genre, cette timide variation sur le thème du vampire saura peut-être amuser quelques échaudés de l’horreur préférant les productions qui font semblant de faire peur sans réellement faire peur, afin de s’initier ou de profiter de la soirée comme tout le monde.
Mais professionnels des frissons ou profanes des jumpscares, personne ne retiendra réellement quelque chose de Salem’s Lot (à part, peut-être, cette fameuse bonne idée de la séquence finale, malheureusement si mal exécutée) avant que le film ne rejoigne l’étagère sans fin des adaptations oubliables de Stephen King.
Salem’s Lot est disponible sur Max depuis le 3 octobre 2024
Sur l’image en haut de l’article, j’ai cru que c’était Tom Holland au centre (avec une bonne prise de poids).
Pas encore vu mais ce sera bientôt. Pour répondre à un commentaire, vous êtes très dur. Il y a eu beaucoup d’adaptations de King au cinéma ou à la télé mais il n’y a pas que de mauvais films. La Ligne Verte, Misery, Shining (la version Kubrick même si King ne l’aime pas), Carrie (de Palma évidemment), Christine, Dead Zone, Simetierre (l’original pas le remake), Cujo ou La Nuit Déchirée sont très bien. D’autres tiennent la route et se laissent regarder (Rose Red, Les Tommyknockers, Le Fléau…)
C’était sur quand on a vu les premières images (et le cv du réal)
Et ca me blase car c’est un des livres qui m’avaient le plus marqué (avec Ca, Simetierre,…) et niveau adaptations on est vraiment pas gatés… (à part le vieux Ca, et le 1 nouveau)
Dommage, il y aurait pu avoir de bonnes surprise, mais le film à l’air aussi peu inspirant que la bande annonce.