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Terrifier 3 : critique d’un cadeau de Noël avant l’heure

Par Mathieu Jaborska
9 octobre 2024
7 commentaires

Depuis l’énorme carton de Terrifier 2, Art le clown a des goûts de luxe. Lui qui avait commencé sa carrière de meurtrier de masse dans le quasi-amateurisme (35 000 dollars pour le premier, 250 000 pour le deuxième), il dispose désormais d’un budget à sept chiffres (2 millions, soit presque une somme normale pour un film d’horreur américain destiné aux salles), qu’il a – rassurez-vous – réinvesti en divers instruments de torture. Accablé ou flatté d’une interdiction rare aux moins de 18 ans en France, Terrifier 3 de Damien Leone fait pourtant honneur à l’esprit de Noël et s’attaque aux tabous qu’il n’a pas encore transgressés. En salles le 9 octobre 2024.

Terrifier 3 : critique d’un cadeau de Noël avant l’heure © Canva ESC Factoris Films

Le père noël est une ordure

Si vous êtes de ceux qui rétorquent à leurs amis amateurs de tripaille « Oh, moi tu sais, le gore pour le gore… », ce n’est pas ce troisième opus qui vous réconciliera avec la saga Terrifier. Pourtant loti d’un budget honnête, il reste une bisserie fauchée infiltrée parmi les cadors du box-office, dont l’unique but est de commettre le carnage le plus sadique et méchant possible. Le succès phénoménal du précédent film ne fait que parfaire son camouflage : Terrifier 3 cache beaucoup mieux ses origines DIY, ce qui en fait désormais un prédateur parfait, prêt à sérieusement secouer les non-initiés et énerver les détracteurs du genre.

C’est simple : il ressemblerait presque à un film de studio. De toute évidence, Damien Leone a entendu les reproches adressés à son précédent (trop) long-métrage. La durée a été revue un peu à la baisse, le rythme a été raffiné et la photo devient plus chatoyante. Bien qu’il continue à vaguement développer la mythologie autour de son antagoniste, il ne se la joue plus Griffes de la Nuit du pauvre et nous épargne un climax laborieux. Seul le jeu des comédiens, pour certains récidivistes, reste aléatoire, à une exception près bien sûr.

C’est reparti pour un tour

Bien conscient qu’il évolue désormais dans la cour des grands et que son œuvre restera un vilain intrus, le réalisateur surjoue l’imposture : Terrifier 3 est en apparence un joli film de Noël tout lisse, qui pourrait même donner l’impression de s’intégrer à l’industrie dite respectable. Sauf que ce n’est pas du tout le cas et que les bons sentiments attendus sont mimés par un clown génocidaire, toujours joué par David Howard Thornton.

Une note d’intention sarcastique concrétisée avec enthousiasme (on veut les lunettes sapin !) et qui pardonne les habituelles scories. Sans surprise, intégralement articulé autour de ses effets prosthétiques et de sa provocation basse du front, le film ne brille pas par son scénario, qu’on ne mentionnerait même pas s’il ne le traitait pas avec un tel sérieux.

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Can somebody please think of the children ?

On suit donc toujours Sienna (Lauren LaVera), légèrement traumatisée par le massacre méthodique de tout son entourage, ce qu’on peut comprendre. Désormais sous le feu des projecteurs, elle tente de passer un Noël normal avec les quelques membres de sa famille qu’il lui reste. Evidemment, Art et son acolyte-zombie ne pourront pas s’empêcher de gâcher la fête. Ca, c’est pour le prétexte. Le principe, lui, reste le même : Art décime à peu près tout ce qui se trouve sur son passage et/ou possède une moelle épinière, à coups d’armes diverses, allant dans cet épisode de la traditionnelle tronçonneuse (enfin !) à des instruments plus originaux.

Si vous êtes de ceux qui savent apprécier un épluchage facial en gros plan, ce troisième opus tiendra ses promesses. Non pas que le long-métrage parvienne à monter un cran au dessus de l’éprouvante séquence de la chambre à coucher de Terrifier 2 – ce qui paraît impossible dans cette économie –, mais il répartit mieux les sévices subis par ses morceaux de viande (aussi appelés personnages) et propose quelques séquences au moins aussi gratinées, au propre comme au figuré. La scène de la douche et son humour noir extrême font déjà le bonheur des médias américains. Tant pis pour la suggestion chère à Hitchcock.

Guess who’s back ?

Oui, la saga a peut-être déjà atteint son plafond en ce qui concerne les effets gores, toujours aussi impressionnants, signés Leone lui-même. Mais elle compense en élargissant son répertoire de provocations. Non seulement Terrifier 3 s’amuse à détourner des symboles religieux à la sauce Mel Gibson, mais il s’attaque dès son premier crime aux petits enfants. Le subterfuge est assez grossier, pour des raisons évidentes, mais il y a fort à parier que c’est la goutte de sang qui a fait déborder le vase de tripes aux yeux de la commission du CNC en France, laquelle lui a décerné une rarissime interdiction aux moins de 18 ans. Une sanction aux airs de trophée.

Ses envies de transgression très bête et très très méchante s’inscrivent pourtant dans la tradition du grand-guignol (pas mal non, c’est français) et des délires de Herschell Gordon Lewis : Terrifier 3 pirate le système hollywoodien dans son ensemble, de son circuit de distribution à ses codes mièvres, pour mieux le réduire en charpie, pour mieux exhiber ses tripes cachées derrière les bons sentiments et les clichés, pas beaucoup plus scintillantes que les nôtres.

Rédacteurs :
Résumé

La saga Terrifier s’amuse de son intrusion dans le circuit de distribution populaire hollywoodien en trucidant ses clichés saisonniers à la tronçonneuse. Ce troisième volet est heureusement moins bancal que son prédécesseur, mais pas moins généreux en viande hachée et provocations diverses.

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didier-d

Pas un film pour moi !!!

batmalien

Ça contraste LEGEREMENT avec le budget de Joker 2

cidjay

Toujours pas essayé de m’y mettre, mais bon je les ai dans ma Watchlist…
Après tout, j’ai bien vu tous les « Saw », Tous les « the collector », Les 3 Cold Prey (Fritt Vilt), les 6 Scream, tous les Halloween, presque tous les « TCM », Les 4 Hatchet, les 3 souviens toi…, les 3 Urban legends, les Hostel, (et j’en oublie des tonnes) … (C’est peut-être aussi pour ça que j’ai pas spécialement envie de les voir)
En vrai j’aime beaucoup les slashers, mais faut avouer que ça n’a jamais vraiment évolué depuis les années 80.

Vincent Terranova

Trop radical et gore pour moi, je préfère me repasser Bambi.