Les frères Roussis
À quel moment définit-on la part d’auteur d’un cinéaste ? Ou plutôt, qui décide de la distinction entre un auteur de cinéma et un simple faiseur ? Cette scission a souvent reflété une certaine condescendance, et l’histoire de la critique n’a jamais cessé de remettre sur le devant de la scène le génie d’artisans parfois méprisés par leurs contemporains (Hawks, Hitchcock ou plus récemment Zemeckis…).
Dans ce spectre réducteur, les frères Russo ont sans doute été des cibles faciles, tant leur carrière au sein de l’écurie Marvel a accompagné l’évolution de l‘industrie. Plutôt que de confier les plus gros blockbusters du moment à des artistes confirmés, déjà habitués à des logistiques de tournage imposantes, on les donne à des exécutants plutôt compétents et dociles, qui vont pouvoir au mieux obtenir un résultat honorable, mais qui ne chercheront jamais à casser le moule.
Force est d’admettre que le duo s’en est mieux sorti que beaucoup d’autres avec le cahier des charges du MCU. Captain America : Le Soldat de l’hiver reste l’un des opus préférés de la saga (à raison) et la conclusion pétaradante d’Avengers : Infinity War et Endgame a réussi par miracle à être satisfaisante, malgré ses contraintes narratives et sa multitude de personnages.
On pourra bien sûr reprocher aux Russo leur manque profond d’inventivité technique, ou le fait qu’ils aient beaucoup trop contribué au look “terrain vague grisâtre et industriel” des blockbusters modernes, mais ils ont su s’entourer et donner corps à la formule calibrée de Kevin Feige, au moins d’un point de vue rythmique.

On s’était étonné qu’après avoir tutoyé les cimes du box-office, les deux frères aient préféré se tourner vers le streaming, pour y révéler leur vraie nature (notamment avec Cherry sur Apple TV+). À l’heure où le terme de film disparaît au profit de ce mot-valise atroce qu’est devenu le “contenu”, Joe et Anthony Russo sont bien l’incarnation des faiseurs qu’on les accusait d’être, livrant à chaque nouveau projet un lot d’images sans poids et sans âme.
Marvel et son cadre rigide leur donnaient au moins une direction, et leur émancipation se traduit paradoxalement par une absence de vision, que The Electric State transcende avec une insipidité record.

Indigence artificielle
Le pire, c’est qu’il y avait un immense potentiel en adaptant le roman graphique de Simon Stålenhag (l’illustrateur spécialiste du rétro-futurisme, et auteur de Tales From the Loop, lui-même transposé en série). Dans une Amérique décrépie et uchronique, tout le monde préfère se lover dans des casques VR aux visions réconfortantes, après une guerre entre les humains et des robots en quête de droits. Parqués et laissés à l’abandon dans une zone désertique entourée par un mur géant (on se demande d’où vient l’inspiration…), les androïdes résignés espèrent se créer leur propre société alternative.
Sur le papier, pourquoi pas. D’autant plus que le livre racontait plutôt l’errance d’une adolescente accompagnée d’un robot lors d’un road-trip désenchanté. The Electric State (le film) préfère troquer cette solitude apocalyptique pour un buddy movie bourré de péripéties, qui ne prend jamais le temps de s’attarder sur les paysages désolés de son matériau de base, et encore moins sur ses problématiques politiques.

Il est tristement ironique qu’une œuvre voulant railler une société engluée dans un confort technologique aveugle soit exactement ce qu’elle critique. C’est bien simple : dès son prologue mal raconté, rempli de fausses images d’archives et de reportages télé en manque d’inspiration, The Electric State est pensé pour être rassurant, dans le sens où aucune émotion imprévue ou étonnante ne dépasse de son programme morne.
Chaque choix, qu’il concerne la narration, le casting, ou même la production design identifiée de Stålenhag, est censé rappeler autre chose, dans un agrégat algorithmique qui ne doit surtout pas demander un effort de la part de son spectateur.

Non content de piller Steven Spielberg (E.T., A.I., Ready Pleayer One) et un esprit Amblin déjà à l’état de cadavre putrescent, le film est avant tout un énième ersatz nostalgique à la Stranger Things, qui semble justifier la présence – elle aussi rassurante – de Millie Bobby Brown. Dans le rôle de la jeune Michelle, partie secourir son frère disparu, elle incarne une nouvelle fois l’ado badass et ironique qui sait tout mieux que tout le monde. Pareil pour Chris Pratt, qui rejoue pour la millième fois le Han Solo de service, grand connard cynique et puéril qui révèle petit à petit son grand cœur planqué derrière ses insécurités masculines.
Même Stanley Tucci est de retour dans la peau d’un grand patron de la tech machiavélique, plus de dix ans après Transformers 4 et des centaines d’itérations hollywoodiennes de Steve Jobs/Elon Musk. Ce n’est pas pour dire qu’il n’y a rien à raconter sur le sujet (surtout à l’heure actuelle), mais encore faudrait-il que The Electric State veuille raconter quelque chose. Il a beau être très fier de sa métaphore sur les robots et les migrants, celle-ci restera à l’état de post-it nonchalamment collé au fond d’un moodboard.

Algorithme, le film
Cet enfilage de perles constant (en fait, les robots peuvent être plus humains que certains humains, quel choc) en vient même à contredire le livre de Stålenhag, dont la SF typée années 50 marquait un consumérisme d’après-guerre fantasmatique, qui avait fini par détruire les États-Unis. Le long-métrage, pour sa part, se déroule en partie dans un centre commercial abandonné et récite à tout-va des marques disparues comme autant de référents culturels.
Ce contresens n’essaie même plus de dissimuler ce qu’il défend : le cinéma comme simple produit, comme “contenu” qu’on peut regarder en faisant sa vaisselle ou en scrollant sur Instagram. Il n’est plus question de voir l’humain dans les robots, mais plutôt l’inverse. The Electric State est à ce titre ce que Netflix (et le système des plateformes en général) peut offrir de pire : un divertissement grand public régi par la nécessité de cocher toutes les cases de son algorithme (acteurs identifiés, action toutes les 5 minutes, intrigue simple à suivre…) pour des spectateurs perçus en tant que suite de datas monolithiques.

On pourrait se complaire dans le comparatif phare du moment : l’écriture paresseuse et la mise en scène illustratives de The Electric State semblent avoir été conçues par Chat GPT et Midjourney (ou insérer autre IA générative à la noix). C’est vrai, et c’est sans doute le plus terrible pour un film réalisé par deux des cinéastes les plus populaires de leur époque.
Qu’on le veuille ou non, les frères Russo ont eu un impact sur le blockbuster moderne, et cela explique sans doute pourquoi Netflix a accepté de mettre dans cet encéphalogramme plat le plus gros budget de son histoire (320 millions de dollars !).

Il est possible d’approcher cet état de fait de deux manières. D’une part, via l’incompréhension la plus totale, pour un film qui enchaîne les fonds verts hideux et qui s’offre un climax aux airs de version low-cost d’Avengers : Endgame (c’est-à-dire grosse baston en CGI dans une clairière). D’autre part, on peut appréhender The Electric State comme l’évolution inquiétante du blockbuster hollywoodien. En plus de s’être séparé des salles de cinéma, ce grand spectacle familial désincarné a tout l’argent du monde pour assurer sa force de frappe.
Les frères Russo sont bien des mercenaires de la caméra, qui ont troqué le système rigide de Marvel pour celui, encore plus cadenassé, du film de plateforme sur des robots, fait par des robots, pour des robots. Ne cherchez plus, elle est là la différence entre un auteur et un faiseur.
The Electric State est disponible sur Netflix depuis le 14 mars 2025

J’ai trouvé ça moyen, mais pas horrible non plus. En fait le côté univers sympa mais scénario super convenu avec des surprises qu’on voit arriver à des km ça m’a fait penser à avatar 2. Mais au moins electric state ne dure que 2h donc un peu plus digeste.
Perso j’ai pas été choque de l’abandon de combat du chasseur, après avoir compris qu’il venait d’aider l’enlèvement d’un enfant ça peut faire réfléchir.
J’aurais mis 3 etoiles
Bon, je savais à quoi m’attendre hein, j’ai vu les BA, j’ai lu les critiques mais même avant ça je savais que ce ne serait pas jojo.
Mais pour occuper une après-midi avec les enfants… bah mouaif, je crois que même eux se sont ennuyés lol en fait ils ont passé plus de temps à relever les similarités avec d’autres films ou œuvres qu’ils connaissaient (notamment Ready Player One, qui est l’un de leurs films préférés) plutôt qu’à s’intéresser au film lui-même. Et c’est vrai qu’à certains moments, même la bande originale ou l’enchaînement de certaines séquences sont très proches du film de Spielberg, on pourrait juste changer le logo sur le buste des drones (« IOI » à la place du S de « Sentre ») et l’illusion serait presque totale ^^
Du coup, complètement d’accord avec la critique ici présente et la vidéo, tout ça est tellement programmatique qu’on a l’impression de l’avoir vu déjà 10 fois avant même d’avoir dépassé le premier tiers. Et niveau réalisation, qu’est-ce que c’est triste ! Tant qu’à piller Spielberg, autant s’inspirer un minimum de sa mise en scène et s’amuser un peu… Mais là, nan, tout est terriblement morne et statique, les décors ou les environnements ne sont jamais mis en valeur et la caméra ne raconte rien, tout passe par les dialogues sur-explicatifs et chiants, alors que chez Spielberg, il y a toujours un jeu de caméra entre premiers et seconds plans, entre la tchatche des personnages et la façon dont ils évoluent dans le décor, la façon dont elle s’immisce entre le regard du spectateur et le cœur même de l’action, ou que sais-je ! Rien n’est jamais figé ou statique avec lui.
Là, même dans les scènes d’action, on a l’impression qu’il se passe pas grand-chose tant la caméra semble s’ennuyer de ce qu’elle montre ou ne jamais y prendre vraiment partie… (cf. la scène de bataille rangée finale; bordélique mais jamais vraiment satisfaisante, là où avec le même parti-pris, celle de Ready Player One est simplement jubilatoire, la cam. numérique y étant de plus parfaitement maîtrisée, pour un film pourtant sorti en 2018 !).
Bon d’accord, les robots sont classes (dans leur rendu, je veux dire) et de ce côté-là, c’est plutôt bluffant, mais tout le reste, que ce soit le scénar’ déjà vu 1000x ou les acteurs en roue libre jouant la parfaite caricature de ce qu’on les voit jouer la majeure partie du temps, rien ne va. Quant à la touche « Amblinesque », il ne suffit pas de coller quelques guirlandes lumineuses dans un centre commercial pour se poser en héritier du cinoche familial à grand spectacle des années 80, encore faut-il l’incarner un minimum dans leur personnages et leurs différentes interactions… mais vu que ceux-ci sont désespérément vides de toute substance, ben il ne se passe pas grand-chose de ce côté-là, pas le moindre frisson.
Bref, je vais pas paraphraser mot à mot la critique que j’ai trouvé très juste, mais effectivement ça fait très cher comme budget pour un verre d’eau tiède aussi peu excitant… c’est dommage, parce qu’avec un tel concept de base, y’avait vraiment de quoi s’amuser.
Je ne l’ai pas vu, mais je me souviens que la bande annonce m’avais déjà découragé. Ça semblait laid, vraiment très très laid. Et puis qu’est-ce qui s’est passé avec les acteurs ??? Ils arborent un look qui fait mal aux yeux!
J’avoue que c’était pas terrible… Ca ne prend pas… Pourtant j’aime bien l’univers.
Ca aurait pu (dû ?) être un film Disney. C’est vrai que c’est un peu plat et lisse. Il n’y a pas beaucoup d’incarnation de ce monde dystopique dont on ne comprend pas bien comment il peut fonctionner, et les problématiques sociales sont juste montrées et survolées avec, quand-même, un sentiment de « c’était mieux avant » pas plus expliqué que ça. Le désert, c’est assez pratique pour être dans des enjeux vraiment très abstraits, voire ésotériques. On est vraiment dans le cache-misère idéologique de notre époque avec une moraline fatiguée.
A part ça j’ai trouvé ce film peu déplaisant même si peu plaisant. On aurait eu envie qu’il prenne beaucoup plus son temps en fait dans un peu tout ce qu’il fait et montre… J’ai vraiment l’impression de parler d’un film Disney. Mon seul véritable sentiment que je retiens est que le visage de Millie Bobby Brown semble très symétrique. Bon.
Visionné hier soir. Ma fille de 15 ans a décroché au bout de 40 min, la plus jeune de 13 ans a tenu jusqu’au bout mais sans vraiment aimer. Et moi, je suis consterné une fois de plus de voir autant de moyens dans si peu de créativité. C’est un nouveau produit Netflix juste bon à remplir les compteurs de temps de visionnage.
Côté acteurs, ça cachetonne à mort, comme d’habitude.
Netflix continue de siphonner l’intelligence de ses clients avec des films qui n’ont strictement rien à dire. Triste…Et réellement inquiétant aussi.
Le hold-UP des frères RUSSO. 300 millions pour ce film . Bravo les gars 👍
vu a l’instant et le budget est donc pour les acteurs ( en roue libre) et les FX qui sont bien.
mais cela vaut pas 300, et le scenario comme la real est a chier mais comme toujours avec les frères…
Millie Bobby Brown, je ne peux plus la voir… Ses déclarations sur le fait qu’elle ne regarde pas de films car c’est trop long, alors qu’actrice, ça fait vraiment trop « je fais ce taf parce que c’est facile et bien payé et merci Stranger Things ».
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