Déjà-vu
Une vieille icône d’un autre monde qui refuse son obsolescence programmée par la société (et surtout les hommes), qui se retrouve à un carrefour de sa vie, confrontée à son passé, à ses désillusions et à la vacuité de sa propre existence… The Last Showgirl est le genre d’histoire qu’on nous a plus ou moins déjà raconté, avec des personnages qu’on a déjà vus et des dynamiques tellement évidentes qu’on les cerne d’emblée.
Rien qu’en 2024, on peut trouver des équivalences du côté d’Anora (et de presque tous les films de Sean Baker) ou de The Substance de Coralie Fargeat. Sauf que le film de Gia Coppola n’a ni la fougue contestataire de l’un ni la radicalité outrancière de l’autre.
Les ingrédients ont beau être prémâchés, le scénario de Kate Gersten frôlerait presque l’indigestion tant il cherche à multiplier les points de vue sans avoir le temps ni l’espace de les développer. La réalisatrice a tourné The Last Showgirl à Las Vegas en seulement 18 jours avec moins de deux millions de dollars. D’où le fait, probablement, que le film fasse moins de 1h30, générique inclus.
Si la durée ne compte d’ordinaire pas plus que la taille (du budget) pour passer un bon moment, quelques séquences supplémentaires n’auraient pas été de trop pour gratter la surface et creuser ce qui aurait mérité de l’être, à commencer par le personnage mélancolique de Billie Lourd, d’abord abandonné par sa mère, puis le récit.
Tout comme la danseuse jouée par Kiernan Shipka, dont la détresse est ignorée par la protagoniste autant que par le film lui-même. Et sans que ce soit un parti-pris fort pour illustrer l’insensibilité réservée aux jeunes femmes dans ce milieu, ou un tournant majeur dans la caractérisation et l’appréciation de Shelley.

LA REVANCHE D’UNE BLONDE
Restent à The Last Showgirl sa sincérité incontestable et quelques fulgurances, à commencer par son actrice principale bien décidée à dépasser l’image de la blonde qui court au ralenti dans son maillot de bain rouge échancré. Même si Pamela Anderson partage des scènes avec Billie Lourd et Jamie Lee Curtis, soit deux actrices bien plus affirmées qui auraient facilement pu révéler les lacunes de son jeu, l’ancienne playmate s’en sort admirablement bien dans ce rôle mi-touchant, mi-agaçant qui reflète une partie de ce qu’elle a incarné à Hollywood.
Une petite revanche pour celle qui a davantage été raillée qu’admirée, même si le scénario en fait souvent des caisses pour la mettre en avant, comme lors de l’audition finale ou du dernier spectacle qui aligne les poncifs et les effets de manche (le sourire forcé dans le miroir, les gros plans sur le visage jusqu’aux visions hallucinées de Billie Lourd et Dave Bautista).

On peut toutefois reconnaitre qu’il y a quelque chose d’étonnamment tendre dans la façon dont cette quinquagénaire à la voix fluette est filmée, comme le serait une adolescente ou une jeune femme en train de déambuler et danser insoucieusement dans la rue sous des halos de lumière. C’est béat, un peu neuneu même, mais aussi rafraichissant. Surtout que le film n’est pas là pour imposer le nouveau standard de l’actrice de plus de 50 ans qui doit impérativement en faire 20 de moins pour être légitime.
Jamie Lee Curtis est, en ce sens, un magnifique contrepoint. Filmée sans fard, l’actrice de 66 ans se lâche dans ce nouveau rôle ordurier et profite même de la plus belle scène du film : sa danse langoureuse sur Total Eclipse of the Heart que tous les clients du casino ignorent. La chorégraphie a par ailleurs été totalement improvisée et la scène elle-même a été rajoutée dans le scénario pendant le tournage.
Comme avec Pamela Anderson, la symbolique est forte, mettant dos à dos le souvenir du sex-symbol de True Lies et Perfect, et son physique de sexagénaire libéré de toute injonction.

D’autant plus que ni la réalisatrice ni la scénariste ne portent de jugement sur sa façon d’être ou son look orangé. Elles se contentent de la laisser exister là où les autres préféreraient l’invisibiliser. Enfin, il faut aussi glisser un mot ou deux sur le personnage de Dave Bautista, dont le film parvient à effacer la silhouette imposante pour lui confier un rôle dramatique volontairement émoussé, le premier de sa carrière d’acteur.
Celui qui était encore une montagne de muscles dans Knock at the Cabin devient ici un manager taciturne au look has been, dont la maladresse est teintée de lâcheté et de crainte. Ses quelques échanges taciturnes avec l’actrice principale sont ceux qui paraissent les moins fabriqués et fonctionnent donc le mieux en termes d’émotion. Pamela Anderson aurait un jour dit : « C’est génial d’être blonde. Avec de faibles attentes, il est très facile de surprendre les gens. » Et c’est avec The Last Showgirl qu’elle tend à le prouver.
