SEUM D’UNE NUIT D’ÉTÉ
Il y a quelque chose de Pedro Almodóvar dans The Summer with Carmen, et ce n’est pas simplement parce qu’il y a des hommes gay à poil et une direction artistique à tomber (les meubles, les couleurs, les lumières, les vêtements quand il y en a). C’est aussi, surtout, parce qu’il y a une curieuse légèreté dans la tristesse de cette histoire de culs et de cœurs. A l’image de son duo qui représente assez bien deux catégories de porno gay (Démos le grand brun poilu, et Nikitas le frêle ami aux cheveux colorés), le film passe régulièrement du coq à l’âne, pour suivre les questionnements, doutes et digressions des deux personnages.
Première couche : Démos (presque acteur) et Nikitas (presque réalisateur) sont sur une plage naturiste d’Athènes. Sous le soleil, au milieu des corps nus et plus ou moins actifs, ils ont la tête ailleurs. Surtout Nikitas, qui doit écrire un scénario de film pour un producteur. Il faut que ce soit queer, léger, sexy et pas cher. Deuxième couche : deux étés plus tôt, Démos était en pleine rupture amoureuse, après une longue relation avec Panos. C’est là que la Carmen du titre (un petit chien) joue son petit rôle.
Au milieu : des allers-retours entre le présent et le passé, pour essayer de le digérer, le transformer, le réécrire, et éventuellement régler ses comptes. Et à l’arrivée, The Summer with Carmen est une petite fantaisie savoureuse, traversée par une liberté et une douceur irrésistibles.
DÉMOS ET MERVEILLES
Pendant que le film se construit, les personnages le déconstruisent. Après une scène de sexe plutôt très frontale, un personnage s’interroge sur l’utilité de ces images (« Ça peut faire film fauché », « Il faut pas que ça tourne au porno »), tout en observant deux hommes se donner en spectacle sur les rochers. Plus tard, Nikitas explique pourquoi les animaux sont une difficulté dispensable sur les tournages, puis une géniale séquence figure la présence d’un non-chien, hors-champ, comme dans un sketch.
C’est facile, mais c’est inévitablement drôle. Démos et Nikitas sont spectateurs (sur ces rochers où s’agitent de plus en plus les corps), acteurs (dans le récit des souvenirs) et finalement metteurs en scène. Ils improvisent avec légèreté le récit et donc, le montage, alors qu’ils piochent les bonnes scènes dans leurs souvenirs. Par quoi faut-il commencer ? Peut-on raconter quelque chose de joyeux en commençant par le triste ? Les vies n’obéissent-elles pas naturellement à tous les jolis schémas d’écriture à la Robert McKee ?
Entre le surplace de la plage rocailleuse et les pérégrinations urbaines pleines d’escaliers, The Summer with Carmen suit un double tempo thérapeutique, où la création force l’introspection. Le rire et le sexe donnent le rythme, avec quelques belles parenthèses dans « la faune queer » de la plage, comme l’appelle le réalisateur Zacharias Mavroeidis.
AMICALEMENT VÔTRE
Mais la plus belle idée de The Summer with Carmen est de cacher son petit coeur là où on ne l’attend pas. Dans n’importe quel autre film ordinaire, Nikitas aurait probablement été amoureux de Démos, et aurait attendu ce moment où l’ami le regarde enfin en amant. Heureusement, Zacharias Mavroeidis et son co-scénariste Fondas Chalatsis ont choisi de raconter autre chose.
Dans ce monde plein de désirs assouvis et de romances manquées, c’est finalement la pudeur des sentiments qui émerge. Entre l’obsession de Démos pour les hommes et de Nikitas pour le cinéma, un pont se dessine, avec un scénario-thérapie qui les réunit et les recentre.
En arrière-plan, au fil des actes et des jeux, le réel prend forme, avec la mort par ci et l’homophobie ordinaire par là. Et sur le devant de la scène, toutes les histoires (d’amour) disparaissent finalement derrière celle d’une amitié.
Le film s’achève avec un câlin qui a plus de force, parce qu’il semble un peu plus éternel que tous les autres. Et c’est ce qui reste lorsque le duo repart au soleil couchant, en réfléchissant à l’utilité de leur scénario et leurs réflexions, tandis que l’écran affiche littéralement les messages officiels de The Summer with Carmen (dont le 4e : on est tous de petites tapettes tristes).
Merci pour la reco! trop cool de voir du cinéma gay par ici. <3
Merci pour la découverte. À voir s’il est diffusé par chez moi