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Transformers : Le Commencement – critique du meilleur film de la saga

Par Antoine Desrues
21 octobre 2024
MAJ : 21 octobre 2024
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Licence phare des années 80, Transformers a connu un retour en force dans la culture populaire au travers des films pétaradants de Michael Bay. Pour le meilleur et pour le pire, le réalisateur a redéfini les “robots in disguise” d’Hasbro, avec un succès qui leur a fait atteindre des sommets au box-office. Mais après l’essoufflement de The Last Knight, du spin-off Bumblebee et de Rise of the Beasts, il était temps que la marque de jouets change son fusil d’épaule. Avec Transformers : Le Commencement, Josh Cooley (Toy Story 4) raconte les origines d’Optimus Prime et Megatron en animation, et signe au passage un vrai beau film, politique et émouvant. L’une des plus belles surprises de l’année, en salles le 23 octobre.  

Transformers : Le Commencement – critique du meilleur film de la saga © Canva Paramount

More than Meets the Eye

Plutôt que de séparer l’œuvre de l’artiste, doit-on séparer l’œuvre de ses origines mercantiles ? À l’heure des blockbusters toujours plus franchisés, et d’une pop-culture toujours plus vampirisée par des conseils d’administration de studios hollywoodiens, la critique peut être amenée à jeter le bébé avec l’eau du bain. Pour poser la question autrement, un film motivé par des raisons purement commerciales (donc de “mauvaises” raisons) peut-il trouver une forme de dignité artistique ?

Bien sûr, tout est question d’équilibre, mais on ne peut pas dire que ce soit le terme qui définisse Transformers. Si la marque a émergé en 1984, c’est en grande partie grâce à la déréglementation de l’administration Reagan en ce qui concerne les programmes jeunesse à la télévision. Pour booster l’économie américaine, il était désormais possible de justifier la création de dessins animés dans le simple but de promouvoir un produit. C’est pour cette seule raison qu’Hasbro a donné une mythologie à Transformers, celle de robots-extraterrestres divisés en deux factions militaires : les Autobots et les Decepticons.

Rox et Rouky, amis pour la vie

Difficile de prendre la chose au sérieux, et pourtant, cette écriture opportuniste a dès le départ engendré son lot de curiosités. À cause de leur conflit meurtrier, les Transformers ont rendu leur monde inhabitable, les contraignant à émigrer sur notre planète Terre. Entre désastre écologique et exil forcé, la franchise touche à des thèmes étonnamment durs pour des morceaux de plastique capables de passer d’une forme humanoïde à des voitures ou des jets.

Si les comics et certains dessins animés ont aidé à développer ces points d’intérêt, il faut admettre que les films de Michael Bay n’ont jamais été attirés par cette approche. Quand bien même les longs-métrages restent encore aujourd’hui des merveilles technologiques et un terrain d’expérimentation visuel hallucinant pour le réalisateur de Bad Boys 2, Transformers est redevenu ce placement de produits sur pattes, logiquement magnifié par un cinéaste qui a fait ses armes dans la pub.

Petits Autobots deviendront grands

Optimus à son Prime

Pourquoi cette introduction ? A Ecran Large, on tient à la valeur artistique de la pop-culture, et au fait que la presse a son rôle à jouer, autant pour pointer du doigt les dérives hyper-capitalistes et algorithmiques de l’industrie que pour défendre les œuvres qui le méritent. Certains univers ont pu être créés pour la pire des raisons, ça ne les empêche pas d’avoir un potentiel, et un potentiel qui peut être transcendé par les bons artistes.

De ce point de vue, Transformers : Le Commencement est un petit miracle. En revenant aux origines de la guerre sur Cybertron, Josh Cooley (réalisateur de Toy Story 4) réinvente le parcours d’Optimus Prime (Chris Hemsworth en VO) et Megatron (Brian Tyree Henry en VO) à la manière de la prélogie Star Wars. L’ironie dramatique au cœur de son concept fonctionne comme une bombe à retardement : les futurs leaders ennemis sont ici les meilleurs amis du monde, prénommés Orion Pax et D-16.

La séquence de la course, un bonheur

Comme la plupart des Autobots, ils sont de simples ouvriers, incapables de se transformer. Ce pouvoir inhérent à leur race n’est rendu possible qu’à une poignée d’élus, source d’un inégalitarisme soi-disant génétique. Sans grande surprise, il y a anguille sous roche (on n’en dira pas plus), poussant Orion Pax et D-16, accompagnés de Bumblebee et Elita-1, à chercher des réponses à la surface de Cybertron, réputée hostile.

Pour être honnêtes, on n’avait pas vu venir que cette prémisse intrigante serve un récit centré sur la liberté identitaire (pour ne pas dire la fluidité du genre, finalement très cohérente avec une espèce alien qui peut changer de corps). Contrairement à ce qu’on leur a toujours enseigné, les personnages découvrent que cette capacité à se définir soi-même est entravée par une société conservatrice, qui profite de son contrôle pour engendrer des castes. Ce dont parle en creux Transformers : Le Commencement, c’est du lien éternel entre ce discours sur les libertés individuelles et la lutte des classes.

Why so serious ?

Derrière sa structure narrative galvanisante sur la construction de ses héros, voués à changer leur monde et accomplir de grandes choses en acquérant leurs pouvoirs, le film détourne sa nature ouvertement mercantile au profit d’une charge sur les injustices du capitalisme. D’aucuns pourront juger la démarche hypocrite, mais Josh Cooley et ses scénaristes en font vraiment le cœur émotionnel du long-métrage, qui porte la scission idéologique qui va opposer Optimus Prime et Megatron.

Là où Orion Pax s’est toujours montré insatisfait de sa situation, D-16 a passé sa vie à obéir, à espérer, à se résigner. La trahison de la société cybertronienne fait ressortir de manière organique la rage longtemps enfouie d’un personnage qui va inévitablement passer du côté obscur. Le film assume sa nature de tragédie grecque, et l’aborde même avec une cruauté déchirante dans son dernier acte.

Malgré son statut de blockbuster familial, Transformers : Le Commencement réussit à capter avec justesse la maturité dont voudraient se gargariser les pitoyables films Joker. Josh Cooley jette un regard empathique sur son antagoniste en devenir, mais reste horrifié par sa manière de devenir à son tour un bourreau. Il n’est pas question de légitimer Megatron (ou d’excuser la maladresse d’un point de vue mal pensé sur une anarchie de maternelle, n’est-ce pas Todd Phillips ?), mais d’interroger la façon dont les systèmes injustes ne peuvent qu’engendrer leurs propres monstres.

Attention, on sort les mouchoirs

Des robots avec des cœurs

Difficile de penser qu’un film Transformers arriverait à nous emporter de la sorte, et pourtant, toute la réussite de Josh Cooley tient à cet investissement émotionnel, digne du Pixar de la grande époque. Il y a dans Le Commencement un amour évident du matériau de base, qui renvoie à notre interrogation inaugurale. Oui, on peut trouver un propos et une dignité artistique dans une franchise ouvertement conçue pour vendre des jouets, pour peu qu’on ait vraiment envie de raconter une histoire.

Loin de sombrer dans le fan-service facile, le long-métrage profite de son origin-story pour trouver le bon équilibre. D’un côté, son scénario est tourné vers les néophytes, qui pourront apprécier cette visite guidée de Cybertron et de ses règles par sa pédagogie et son sens permanent du merveilleux. De l’autre, les connaisseurs attendront avec délectation de voir comment le récit retombe sur ses pattes avec les éléments majeurs de sa mythologie (la Matrice de commandement, Starscream…).

Shockwave et Soundwave (les meilleurs) sont de la partie

Étant donné que l’auteur de ces lignes rejoint clairement la seconde catégorie, il convient de jalouser tous les jeunes spectateurs qui auront l’occasion de découvrir Transformers avec ce film dont on rêve depuis des années. Entre les panoramas sur Iacon City, une course entre robots sur un circuit à la Wipeout et le look de jeu d’arcade eighties de la surface, Le Commencement jouit d’une production design aux petits oignons, sublimée par des textures métalliques aux réflexions parfaites.

C’est d’ailleurs l’autre coup de génie du projet. Plutôt que de rejeter intégralement l’héritage de Michael Bay, ce reboot en garde le meilleur : la qualité de ses effets visuels, confiés depuis le premier volet à ILM. Comme pour le génial Rango, le studio fondé par George Lucas a supervisé l’animation de ce nouveau Transformers, à mi-chemin entre un photoréalisme bluffant des matières et une stylisation affirmée à la Spider-Verse ou Dreamworks.

Il est une nouvelle fois question d’équilibre, terme qui revient de lui-même depuis le début de cette critique. Peut-être est-ce là la meilleure manière de résumer le brio de Transformers : Le Commencement. Il y a l’évidence qu’on attend d’un bon film familial, capable de divertir les petits sans abrutir les grands. Mais au-delà de cette donnée, Josh Cooley est parvenu à offrir une fresque de SF trépidante sans perdre de vue son objectif narratif et politique. Une sacrée prouesse qui trouve sans doute un point de jonction dans les séquences d’action, plus incarnées, impactantes et inventives que jamais auparavant. Allez, pour l’occasion, on pardonnera tous ceux qui craqueront dans les rayons des magasins de jouets.

Rédacteurs :
Résumé

Voilà comment on fait un grand film pour toute la famille. Transformers : Le Commencement est beau et divertissant, mais cache derrière son écrin une charge politique que l’on n’espérait plus de la part de la franchise au cinéma.

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Ghob_

Revu il y a quelques jours le film Bumblebee, si l’aspect Amblin colle toujours assez bien à l’univers des Transformers, il manque quand même la folie visuelle de Bay. Rise of the Beast est peut-être plus réjouissant au niveau de l’action, mais il me manque toujours ce truc qui me scotchait au siège sur les épisodes de Bay…
Mais j’entends beaucoup de bien sur ce « commencement » et je trouve que l’option « film d’animation » pour revenir sur le mythe originel est plutôt une bonne idée, donc why not ? Pas sûr d’aller le voir au cinoche, mais je suis quand même curieux. Maintenant, à voir si ce nouvel opus va avoir un impact sur les prochains films live de la franchise, mais pitié, laissez les GI Joe de côté, please !