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Trap : critique du piège à cons de Shyamalan

Par Judith Beauvallet
7 août 2024
MAJ : 8 août 2024
54 commentaires

Le maître (ou le pourfendeur, selon les périodes) du suspense et du twist est de retour, après le plutôt réussi Knock at the Cabin sorti en 2023. M. Night Shyamalan revient avec Trap, un thriller raconté du point de vue du tueur et qui se déroule pendant le concert d’une pop star. Est-ce que l’exercice de style penche du (très) bon côté de la filmographie Shyamalan, comme Incassable ou Sixième Sens, ou du (très) mauvais, comme La Jeune Fille de l’Eau ou Glass ? Malheureusement, le jeu du chat et de la souris de Josh Hartnett s’avère tourner rapidement au ridicule depuis ce 7 août au cinéma.

Saleka Shyamalan, Josh Hartnett, Trap © Canva Warner

Force de Trap

Sur le papier, Trap avait tout pour plaire, et sa bande-annonce rythmée mettait l’eau à la bouche. Le principe était clair : un gentil papa emmène sa fille de 12 ans voir le concert d’une chanteuse à succès, jusqu’à ce qu’il se rende compte que la salle de concert est cernée par les flics qui sont à sa recherche, parce qu’il serait en réalité le tueur en série qui terrorise la région…

A partir de là devait se mettre en place un escape game pointilleux opposant la minutie et la perversité du tueur à la puissance de feu et la perspicacité de la police, épaulée d’une redoutable profileuse. Ça aurait fait un super film, non ? Surtout avec le patron des labyrinthes psychologiques aux commandes, et le grand retour de Josh Hartnett dans un premier rôle. Sauf que le film ne ressemble finalement pas du tout à sa bande-annonce et à toutes ses promesses.

L’exemple le plus criant étant que le trailer laissait envisager un huis clos prenant place exclusivement pendant le concert, ce qui est loin d’être le cas. Sans en dire davantage, une bonne partie de l’intrigue se passe après le concert et en dehors de la salle de spectacle, ce qui ôte de facto beaucoup de tension à l’ensemble, rebattant les cartes établies au début du film qui annonçaient une chasse à l’homme inversée en milieu clos.

En résulte une narration boiteuse qui allonge le film plus que de raison, et se termine en une cascade de différentes conclusions interminables et superflues (quelque part dans l’esprit de Shyamalan, il s’agissait sans doute de retournements de situation particulièrement habiles et étonnants). Mais malheureusement, il n’y a pas que dans la structure du film que les choses ne fonctionnent pas. Et Josh Hartnett, qui donne tout ce qu’il a, ne suffit pas à rattraper la catastrophe.

Antoine au concert de Taylor Swift

Trap (pas très) chirurgical

Bien avant que n’arrive la désillusion du faux huis clos se pose le problème de la crédibilité des événements. Que le spectateur soit tolérant envers quelques situations improbables, c’est une chose, mais qu’il puisse croire au déluge d’absurdités que propose Trap en est une autre. Admettons que la fille du tueur accepte que son père quitte sa place toutes les cinq minutes avec des prétextes tous plus fallacieux les uns que les autres passe encore (en fait, non), mais qu’elle tolère en bronchant à peine de rater plusieurs chansons de sa star préférée parce que son daron veut l’emmener “faire un tour” en plein milieu du concert, ça commence à faire sourire.

Ajoutons à ça que toutes les personnes présentes dans le stade semblent être enclines à aider le tueur en cavale, alors même que la sécurité est censée être poussée au maximum : le vendeur de t-shirts avec lequel le dialogue équivaut à “Bonjour, vous savez par où sortir au cas où on serait un dangereux psychopathe ?” “Oui c’est par-là, bonne soirée et gros bisous !”, le policier posté sur le toit qui veut avoir l’air très très méfiant mais qui dévoile en deux seconde la stratégie des forces de l’ordre, la chanteuse qui prend des risques inconsidérés…

Histoire d’être encore moins subtil, il y a aussi beaucoup de très gros plans

Le suspens ne prend jamais tant le spectateur comprend que la situation ne sera jamais un tant soit peu réaliste. Par ailleurs, beaucoup d’éléments sont annoncés et placés avec précaution comme des fusils de Tchekov (l’issue par les coulisses, la trappe dans le sol, le badge de l’employé, le mot de passe de la police…), donnant l’impression qu’ils seront les pièces d’un grand puzzle imaginé par le tueur pour s’en sortir, et que la révélation finale permettra de tous les assembler.

Or, chacun de ces accessoires s’avère soit inutile, soit utilisé lors de séquences gadgets comme celles précédemment citées, sans jamais être réellement utiles au récit. A croire que Shyalaman s’en sert comme d’esbroufe pour donner l’impression que son film est écrit au cordeau, façon Incassable, alors qu’il tient sur un échafaudage branlant de situations risibles et de dialogues grossiers.

Un code couleur là aussi particulièrement subtil

Trap pas fort

Après l’escape game raté, la deuxième ambition du film est d’élaborer un peu sur les relations du tueur avec sa famille. Malheureusement, là non plus, rien ne fonctionne. Amenée trop tard, la dichotomie psychopathe sans merci/père de famille aimant est à peine creusée, tout juste esquissée dans des discussions explicatives et fourre-tout avec le personnage d’Alison Pill, qui incarne la femme du tueur. Et encore, c’est sans citer l’horrible séance de psychologie de comptoir dans la voiture, qui oblige à se cacher les yeux tant elle est gênante de ridicule.

Mais Shyamalan ne développe pas plus la relation du meurtrier à ses actes de violence : pourquoi les commet-il, qu’y trouve-t-il, pourquoi ne peut-il (ou ne veut-il) pas s’arrêter ? Ce n’est pas le sujet du film (aucun meurtre ni corps n’est même montré), certes, mais ignorer entièrement la question laisse un vide étonnant dans l’écriture du personnage. Un vide à peine rafistolé par l’introduction des TOC du psychopathe, là aussi présentés tardivement et de manière terriblement artificielle comme étant une caractérisation du protagoniste (le coup de la serviette dans la salle de bain donnerait des cauchemars au scénariste le plus débutant).

Saleka Shyamalan, fille du réalisateur, est le sujet déguisé du film

Et au milieu de ce marasme demeure une question : le personnage de la profileuse arbore-t-il le même chignon en spirale très caractéristique de Kim Novak dans Sueurs Froides pour une raison particulière autre que de rendre hommage à Hitchcock ? Shyamalan veut-il, par ce clin d’œil, se réclamer de l’héritage de l’autre maître des twists ? Si oui, le malheureux a mal choisi son film pour invoquer un tel mentor.

La véritable volonté du réalisateur était sans doute, avec Trap, de mettre en avant sa propre fille, Saleka, chanteuse de profession, qui incarne ici la pop star du film et en a écrit les chansons (insipides). La jeune femme y gagne un pseudo-concert filmé, et tant pis pour le public qui n’avait pas compris qu’en lieu et place d’un thriller, il assisterait à la fabrication d’un CV de nepo baby sur grand écran. Après qu’il a produit Les Guetteurs, le premier film de son autre fille (Ishana) sorti cette année, Shyamalan semble, ces jours-ci, davantage investi dans la carrière de ses enfants que dans la qualité de ses films, et ça se sent.

Rédacteurs :
Résumé

Après le sursaut d’espoir provoqué par Knock at the Cabin en 2023, M. Night Shyamalan prouve (encore) avec Trap qu’il a perdu le mojo. Le thriller tendu vire en deux secondes à la soupe aux situations téléphonées, artificielles et jamais crédibles, provoquant plus le rire involontaire que le suspense. 1,5 point pour la bande-annonce bien meilleure que le film et un Josh Hartnett investi.

Autres avis
  • Antoine Desrues

    Avec Trap, Shyamalan avait matière à se renouveler avec un petit thriller malin, ludique et bien troussé. Résultat, on ressort sacrément déçu de cette proposition qui ne respecte même pas son concept de base.

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DjFab

Moi j’ai beaucoup aimé, j’ai été scotché du début à la fin ! On a là un film original, certes pas parfait, mais un film qui a une âme, comme la plupart des Shyamalan. En plus avec un Josh Hartnett excellent et la fille de Shyamalan très douée je trouve. Bref, une belle surprise car je m’attendais à pas terrible au vu des critiques ! Steelbook 4K précommandé !

mysterek

OK JPSG m’a pas aimé, mais la réalisation est loin d’être banale. Chaque plan est conçu avec minutie, un cadrage impeccable, pour susciter un sentiment chez le spectateur ou lui donner des indices sur la suite immédiate (très fréquents dans les films de suspense, l’anticipation par le spectateur).

Le film m’a beaucoup plus, mais l’acteur le moins bon est malheureusement aussi le plus important, ou alors sont interprétation artificielle fait partie de son personnage.

Pour un film sensé faire monter le suspense, il est normal que le rythme soit lent (lent ne veut pas dire mou) et il ne contient pas plus d’invraisemblances que les films d’actions qui vont à 100 à l’heure et qui ne nous laissent pas le temps d’y penser.

Bon, le film est aussi une grosse pub pour sa fille, également chanteuse. Mais le décors est très intéressant, après d’être passé par des espaces restreints avec ses deux derniers films, Shyamalan maitrise le filmage dans une grande foule,

cedricvalentin

« Trap », le dernier opus de M. Night Shyamalan, s’affirme comme une œuvre magistrale qui transcende les conventions du thriller. À travers une mise en scène d’une rigueur exemplaire, Shyamalan orchestre un suspense palpitant, dépourvu de temps morts, mais ponctué de moments de réflexion subtilement intégrés. Ces instants de « respiration » permettent au spectateur de pénétrer l’intériorité du personnage central, interprété avec une ambiguïté fascinante par Josh Hartnett, dont la performance oscille brillamment entre douceur paternelle et pulsions inquiétantes.

Le film se distingue par une gestion narrative qui, loin de se contenter de dérouler une intrigue linéaire, insère avec habileté des digressions introspectives. Ces échappées, notamment autour des tourments d’Ariel Donoghue face aux relations délétères de l’adolescence, enrichissent la texture psychologique de l’œuvre sans pour autant en altérer le rythme. Elles constituent des variations thématiques qui approfondissent les enjeux tout en contribuant à une tension croissante.

Le scénario, d’une finesse rare, juxtapose les facettes contradictoires du personnage de Hartnett, explorant la dualité entre une figure paternelle aimante et une noirceur latente, presque insidieuse. La bande sonore, portée par les interprétations poignantes de Saleka Shyamalan, s’impose comme un contrepoint émotionnel délicat, ajoutant une dimension quasi métaphysique à l’ensemble. Saleka, sous la direction éclairée de son père, livre une prestation d’une intensité remarquable, témoignant d’une symbiose artistique exemplaire.

Shyamalan, fidèle à son art, manipule l’atmosphère avec une virtuosité qui confine à l’artisanat d’orfèvre. Il commence dans la lumière apaisante d’un concert de pop star, pour mieux faire basculer le récit vers une ambiance progressivement suffocante. La montée en puissance de la seconde partie du film est d’une intensité rare, ménageant un crescendo émotionnel qui laisse le spectateur littéralement captivé jusqu’au dénouement, aussi imprévisible qu’inéluctable.

Avec « Trap », M. Night Shyamalan réaffirme son statut de maître du suspense, livrant une œuvre d’une esthétique saisissante où chaque détail est soigneusement calibré pour servir une vision d’une rare cohérence. Le film s’impose comme un incontournable, à la fois pour sa profondeur narrative et pour la précision de sa réalisation. Une œuvre qui, sans conteste, mérite une place de choix dans l’histoire du cinéma contemporain.

jpsg1973

C vrai que c pas top. Une réalisation banale, ça ressemble à un téléfilm un peu boosté. Josh Hartnett a peut-être été un beau gosse (un peu toujours) mais il n’a jamais été un grand acteur. Les autres acteurs ne sont pas terribles non plus. C mou, c lent, plein d’invraisemblances, une suite de rebondissements mal ficelés. J’ai tenu jusqu’au bout mais il n’y aura pas de 2ème fois.

des-feves-aux-beurres-et-un-excellent-chianti

Comme toujours avec Nighty, pitch intéressant, un debut de film intrigant , puis ça retombe comme un mauvais soufflé

des-feves-aux-beurres-et-un-excellent-chianti

Vu aujourd’hui, tout à fait d accord avec EL.
.
La Ba est meilleure que le film et ses péripéties ridicules et grotesques.
.
Josh Hartnett fait le job et Saleka Lady Raven chante mal ,joue mal le play-back et la comedie , comme papa .
Des situations risibles déjà décrites dans l article ( 300 policiers et agents du swat autour de moi, Ben je demande au vendeur de t shirt qui me devoile le plan de la police de A à Z) .

davidberthelot

Critique très aigrie selon moi… Et non justifiée. Perso je trouve ce psychopathe tres attachant (bravo Josh) et tout à fait justifié qu’on lui fasse confiance (sa profession en rajoute). Le concert c’est de la musique de midinette donc certe pas hyper intéressant mais raccord avec le fait que la gamine veuille y aller… Shyamalan donne un rôle plus important à sa fille et c’est là où la crédibilité se fait un peu la malle mais ma suspension d »incrédulité a tenue. Concluant qui tire un peu trop en longueur… Après on reste avec beaucoup de questions sur ce tueur mais ça me va. Peut être une suite ? 3/5

s2ada

Glass était excellent. Knock at the cabin est une adaptation d’un livre.

Et Trap est certes ultra capillotracté à la limite du frustrant, je pense que c’était justement le but du réal de parodier en quelque sorte le système judiciaire américain puisqu’il avait lui même dit qu’on était censé nous marrer de A à Z, je pense donc que c’est justement par le biais de toutes ces situations improbables. Le héros lui même en rigole à la fin.

Il faut saluer le cinéma de Shyamalan puisqu’il est un des derniers représentants des thrillers psychologiques à énigme, il n’y en a pratiquement plus aucun à part le cinéma de Shyamalan

Red J.

Est-ce qu’il existe un motif précis justifiant la suppression de mon commentaire posté le 15/08/2024 ?

Red J.

On peut savoir pourquoi mon commentaire a été effacé ? ??