Si The Shape of Water alias La Forme de l’eau est pour beaucoup le grand film de Guillermo del Toro, qui lui offrira enfin le succès et la reconnaissance de Hollywood, l’occasion est trop belle pour ne pas revenir sur toute sa carrière.
D’ici la sortie de son dixième film, en salles le 21 février, Ecran Large revient chaque week-end sur ses précédentes oeuvres.
DE QUOI ÇA PARLE
Au fond de l’océan Pacifique, entre les plaques tectoniques, une brèche s’est ouverte sur une autre dimension. En sont sortis des monstres gigantesques et destructeurs, surnommés Kaiju. Pour affronter ces créatures, l’humanité s’est rassemblée pour créer les Jaegers, des robots géants pilotés par deux personnes dont l’esprit est connecté pour prendre le contrôle de la machine.
En 2020, Raleigh Becket perd son frère et copilote Yancy lors d’une bataille. Traumatisé, il quitte ses fonctions, mais le marshall Stacker Pentecost revient le chercher en temps de crise : les Kaijus sont de plus en plus gros et difficiles à abattre, et les murailles érigées ne les arrêtent pas. L’avenir de l’humanité est désormais menacé, et ils vont devoir trouver un moyen de définitivement arrêter ces monstres…
LES COULISSES
Pacific Rim a pu naître par une addition de problèmes. A l’origine, Guillermo del Toro devait réaliser Killing on Carnival Row, un scénario de Travis Beacham autour d’une ville victorienne où cohabitent humains et monstres. Le projet ne se fera pas (une série a été annoncée en 2017 sur Amazon), et le scénariste aura une nouvelle idée lors d’une promenade sur une plage dans la brume : une guerre entre robots et monstres géants. Il en tirera un traitement de 25 pages, acheté par Legendary Pictures en 2010. C’est Pacific Rim.
Del Toro, lui, travaille sur une adaptation des Montagnes hallucinées de Lovecraft chez Universal depuis quelques temps. James Cameron est annoncé comme producteur de ce blockbuster avec Tom Cruise, filmé en 3D, et censé se tourner à l’été 2011. Lorsqu’il rencontre Legendary pour parler d’éventuelles collaborations dans le futur, Pacific Rim l’intrigue. Un deal est passé : Del Toro sera producteur et co-scénariste du film, et se consacrera néanmoins à l’adaptation de Lovecraft tournée à la même période.
Mais en mars 2011, quelques mois avant le tournage, le studio Universal revient sur sa décision : 150 millions pour un film R Rated aussi noir, même avec Tom Cruise, n’est pas possible. Del Toro est effrondré. Il dira à Herocomplexe.com : « Ça ne m’était jamais arrivé, mais j’ai vraiment beaucoup pleuré ce week-end. J’étais dévasté. » Sitôt la tristesse ravalée, le réalisateur repart : Les Montagnes hallucinées a été annulé le vendredi, mais le lundi il signe pour mettre en scène Pacific Rim. Très impliqué dans la pré-production, il rejoint naturellement l’aventure comme patron. Le tournage débutera en novembre.
Guillermo Del Toro sur le tournage de Pacific Rim
Neil Cross (Luther) et Drew Pearce (Iron Man 3) sont embauchés pour réécrire en partie le scénario, sans être crédités. Une belle idée abandonnée en cours de route : Mako et Raleigh devaient parler deux langues différentes, avant de commencer à lentement se comprendre suite à leur connexion mentale.
Del Toro a 103 jours de tournage, moins que pour ses précédents films. C’est aussi sa première fois en numérique. Le planning est très serré. D’abord opposé à l’idée, convaincu que les dimensions des combats n’y sont pas adaptées, il accepte finalement de convertir le film en 3D, à condition de superviser les opérations.
Il coupera environ une heure d’images, en grande partie dédiées aux personnages. Il dira à Aintitcoolnews.com : « Tous les personnages avaient un arc dramatique plus grand et complexe. Mais je voulais vraiment trouver un équilibre, et je me suis dit, ‘Je ne peux pas faire comme si ce film était une profonde réflexion sur l’humanité’. Donc j’ai dit, ‘Laissez-moi essayer d’amener chaque personnage au minimum pour avoir un arc avec un début, un milieu, une fin, et une satisfaction' ». Alejandro González Iñárritu et Alfonso Cuarón donneront un coup de main au montage, et l’aideront à couper un petit quart d’heure.
Pacific Rim rencontrera un succès mitigé, illustrant une nouvelle tendance claire : sur ses 411 millions de dollars amassés dans le monde, seulement une centaine viennent des Etats-Unis tandis qu’il y en a eu plus de 111 en Chine. C’est en partie grâce à ce territoire que la suite Pacific Rim : Uprising pourra se faire.
Rinko Kikuchi, victime certaine du montage
POURQUOI C’EST COOL, MAIS PAS BEAUCOUP PLUS
Pacific Rim a inconstestablement un fort potentiel jouissif avec ses robots géants et ses monstres titanesques à la Godzilla, qui s’affrontent comme dans un fantasme de môme dans une ambiance pluvieuse et humide, entre les ténèbres et les couleurs flashy.
Et à différents moments, le film remplit sa mission régressive et généreuse, assumant avec une simplicité réjouissante le pari de l’univers. L’introduction est à ce titre particulièrement excitante : après une voix off classique qui déballe en un temps record la mythologie et les enjeux, place à un premier affrontement colossal au beau milieu des eaux, en pleine nuit et tempête. Lorsque le Jaeger se dresse face à la créature monstrueuse, et que Del Toro met en évidence la dimension ahurissante de la scène avec un minuscule bateau au milieu, difficile de ne pas être submergé par l’ambition visuelle de l’aventure.
Charlie Hunnam et Rinko Kikuchi
Si le numérique se déploie plus que jamais à l’écran, la patte Del Toro se retrouve de tous les côtés, du design des Kaijus au QG des soldats. Et dès qu’il se lance dans les combats, il déploie un sens de l’épique et de l’action réjouissants, sur fond d’apocalypse spectaculaire. Nul doute que le vrai intérêt du film se situe de ce côté, lorsque le cinéaste filme un Kaiju surgir de l’eau pour attaquer un Jaeger, un Jaeger utiliser un paquebot pour taper un Kaiju, ou une épée qui tranche un monstre ailé en plein ciel.
La photo sombre de Guillermo Navarro, illuminée par une somme incroyable de détails colorés, contribue pour beaucoup à l’atmosphère du film. Et les quelques détails appuyés par la mise en scène (une mouette qui s’envole car gênée par le combat ou un balancier mis en marche par le point gigantesque d’un Jaeger qui détruit un morceau d’immeuble) sont des signes clairs que Del Toro réfléchit sur son combat de titans au-delà de la destruction. L’utilisation de la voix d’Ellen McLain pour l’IA de Gipsy, comme un gros clin d’œil à celle des jeux vidéos Portal qui s’appelle Glados, en est une autre.
Un Kaiju qui montre encore l’amour du cinéaste pour les monstres
Mais le film met aussi en lumière de manière très nette les faiblesses profondes du cinéma de Guillermo Del Toro. Caractérisation grossière des personnages, écriture réduite au minimum, direction d’acteurs très inégale… il n’y a qu’à voir le speech complètement over the top d’Idris Elba, pour motiver le héros au début du film (un très inégal Charlie Hunnam) à revenir du côté des soldats, pour sentir que quelque chose cloche. Plus que jamais, le cinéaste a une difficulté folle à bouger les curseurs de son métrage, entre l’action et la romance, l’humour et le drame, ses petites obsessions (Ron Perlman) et les obligations d’un blockbuster à 190 millions – de loin son plus gros budget encore aujourd’hui. La présence des sidekick comiques, incarnés par Charlie Day et Burn Gorman, illustre bien ce déséquilibre.
Pacific Rim souffle alors le chaud et le froid, passant d’une mise en scène ultra-hollywoodienne (Idris Elba qui marche vers la caméra dans un traveling vu mille fois, avec le son qui disparaît pour souligner son malheur) à des images plus belles, voire poétiques (un Jaeger blessé qui apparaît sur une plage enneigée, où un père et son jeune fils viennent de déterrer un jouet de robot). Del Toro iconise ses robots, offre le décor à ses monstres et déploie toute sa mise en scène pour les faire briller, mais semble particulièrement désemparé, voire embarrassé, par ces humains (qu’il n’épargne pas vraiment).
Si Guillermo Del Toro a évidemment un intérêt véritable pour cette histoire, où il rappelle son amour pour les monstres, les créatures géantes et la culture japonaise (notamment Evangelion etTetsujin 28-go), difficile de ne pas mettre le projet d’adaptation des Montagnes hallucinées dans l’équation. Le film Lovecraftien était un projet de cœur développé avec passion, et Pacific Rim est un film pansement repris pour ne pas sombrer.
Qu’il s’agisse en plus d’une superproduction réelle, dans des dimensions énormes qui lui ont de toute évidence un peu échappé, n’est pas anodin. Qu’il soit redescendu à des budgets plus gérables depuis avec Crimson Peak (55 millions) et La Forme de l’eau (20 millions), non plus.
C est le meilleurs films de robots géants et de monstres jamais vus .j adore
Un pur chef d’oeuvre S-F.
Ce plan de la tête du jagger qui descend pour se fixer sur le reste du corps… des citations au manga tout les 3 plans. Ce film est génial.
Oh oui flim jouissif au possible. Et entièrement d’accord avec votre critique, la partie sf est génial mais le côté personnage et scénario c’est du
Pareillement, si c’est pas le meilleur de del toro, c’est le plus jouissif. Une superbe série B, qui fait la nique à transformers.
Et le thème principal de Djawadi est puissant comme tout.
Parcontre, là où les robots et faisaient quand même lourdingues, cradingues et colossaux, le nouveau Pacific rim à l’air bien trop propre et malheureusement plus proche d’un transformers que du kaiju movie
Le Del Toro le plus immédiatement jouissif ! (ce qui n’est péjoratif ni pour lui, ni pour ses autres films 😉
Probablement l’un des meilleurs Del Toro. Si j’avais vu ce film enfant, il aurait été encore plus considéré comme un classique pour moi.