Films

Avengers : Endgame – on compare Marvel à Mad Max, John Wick, Spider-Man… et ça fait mal

Par La Rédaction
17 avril 2019
MAJ : 21 mai 2024
36 commentaires

L’action, la photographie, le montage, la mise en scène : le MCU est à usine à blockbuster où la valeur cinéma s’est perdue.

Affiche russe

Avant la sortie d’Avengers : Endgame, retour sur les limites des scènes d’action du MCU.

Malgré le succès immense du MCU, avec plus de 18,5 milliards engrangés en 21 films et une dizaine d’années, une question ne cesse de revenir : celle des ambitions, de la mise en scène, du style. En somme, de la place du cinéma lui-même dans l’univers étendu d’Iron Man, Captain America, Thor, Black Widow, Ant-Man, Black Panther, Spider-Man, Doctor Strange et leurs collègues.

Alors qu’Avengers : Endgame s’apprête à casser la baraque dès le 24 avril en France, pour certainement battre les records d’Avengers : Infinity War qui a encaissé plus de 2 milliards en salles, la rédaction s’est penchée sur la question.

Y a t-il assez de cinéma chez Marvel ? Pourquoi la formule est-elle de plus en plus attaquée et critiquée ? On a comparé quelques grosses scènes du MCU à des films comme Mad Max : Fury RoadMan of SteelJohn Wick 2 et Spider-Man 2, pour comparer la mise en scène de l’action.

 

photo, Chris Evans, Scarlett Johansson, Jeremy Renner, Chris Hemsworth, Mark Ruffalo, Robert Downey Jr.Prêts à affronter la critique

 

CAPTAIN MARVEL vs SPIDER-MAN 2

C’est la comparaison la plus facile, que les fans de super-héros ont fait dès que l’extrait de Captain Marvel a été en partie lâché pendant la promo : la scène où Carole Danvers poursuit un Skrull sur le toit d’un train. Impossible de ne pas penser à l’homme-araignée dans Spider-Man 2, lorsqu’il essaie de stopper un train face au docteur Octopus.

Dans les deux cas, le personnage héroïque poursuit un antagoniste sur un train qui traverse une ville, utilise ses pouvoirs, se prend et évite des coups, passe sur le côté du train, tandis que des passagers sont là et que des voitures roulent en contrebas. Les ressemblances sont nombreuses. Les différences aussi.

Première énorme différence du côté de l’écriture : Spider-Man aligne les menaces et angles d’attaque, multiplie les péripéties, et emballe plus de 4 minutes tonitruantes et haletantes. Pas une seconde de répit dans cette scène menée à un train d’enfer, avec une gradation du danger spectaculaire, qui va de la mission de stopper le méchant à celle de sauver la vie de tous les passagers. 

En comparaison, c’est une promenade de santé pour Captain Marvel. C’est la ration du pauvre : deux coups de poing, un personnage accroché sur le côté, une tôle froissée, un tir. Le reste de la scène voit l’héroïne chercher le Skrull masqué parmi les passagers, avec comme climax une petite baston.

 

 

Il y a déjà un problème de simple conception. Le héros sur le toit d’un train est un cliché, exploité des dizaines de fois. Comment expliquer qu’il soit non seulement recyclé en 2019, mais surtout de manière si timide ? Où est passé le spectacle ? Où est la générosité ? La chorégraphie est plate, lente, sans aucune sensation ni tension. C’est à l’image de toute la scène. Photographie grisâtre, musique générique, montage mou… Hormis un plan qui joue avec la gravité et accompagne l’héroïne, la mise en scène n’a aucune personnalité.

Est-on censé avoir peur que Captain Marvel se prenne un coup et soit décoiffée ? Qu’elle tombe du train (alors qu’elle a survécu au début du film à un crash depuis l’espace) ? Que la voiture de Nick Fury soit rayée ? Même le plan où le train avance vers le tunnel échoue à créer la moindre tension, à la fois parce qu’il est bizarrement composé (ce tunnel est si loin et mal mis en avant), et parce que l’écriture l’évacue en quelques secondes.

Spider-Man, lui, est virevolant : Sam Raimi s’amuse avec sa souplesse, opposant la force mécanique d’Octopus à son agilité incroyable. Ici, le décor urbain est acteur de la scène (se baisser sous un pont, passer à travers les grilles d’un autre, éviter un autre train, passer entre les voitures, plonger depuis un immeuble) ; les personnages se battent littéralement sur le flanc du train, qui devient un décor réel ; l’intérieur et extérieur sont réunis pour l’énergie globale de la scène (là où Captain Marvel divise l’affrontement en deux, et casse l’énergie). Le temps et l’espace sont dilatés, donnant l’impression d’une généreuse tranche d’action en plusieurs actes. 

 

 

AVENGERS 2 vs X-MEN

Comparaison très simple là encore. Entre 2014 et 2015, Quicksilver est apparu dans X-Men : Days of Future Past et Avengers : L’Ère d’Ultron, avec deux acteurs différents (Evan Peters et Aaron Taylor-Johnson), et dans un cadre contractuel un peu absurde : la Fox et Marvel Studios revendiquaient tous les deux ce personnage, et chacun a pu l’utiliser avec l’interdiction de mentionner les héros de l’écurie d’en face, d’où l’absence du mot mutant et de Magneto côté MCU.

Bryan Singer a ouvert le feu dans son X-Men, et marqué les esprits avec une scène devenue culte où Quicksilver sauve Magneto, Xavier et Wolverine. La réussite de cette séquence est d’autant plus énorme que le personnage reste très secondaire dans le film, contrairement à Avengers : L’Ère d’Ultron. Mais c’est là que le talent et la présence d’un réalisateur a un sens.

 

photo, Evan PetersL’un des grands moments de la saga X-Men

 

Dans X-Men : Days of Future Past, Quicksilver a ainsi droit à une scène entièrement tournée sur lui, ses pouvoirs, et son style. Un shoot de cinéma, d’énergie et de cool d’à peine deux minutes sensationnelles, où Bryan Singer a une brillante idée : ne pas filmer Quicksilver comme une flèche qui attaque en un éclair, mais s’adapter à lui pour dilater l’instant à l’extrême, et ouvrir une parenthèse de son point de vue.

Techniquement, c’est une claque, avec du ralenti léché. Stylistiquement, c’est un bonheur, avec l’utilisation de Time in a Bottle de Jim Price, et une richesse à l’image appuyée par une très belle photo. La scène devient alors un ballet hypnotisant et absurde, à la fois grotesque (la joue du garde tordue par un pouce, le pantalon remonté) et spectaculaire, porté par un sens du timing irréprochable (cette conclusion où tout le monde est neutralisé, avant un plan large très drôle).

L’équipe n’y a pas été de main morte puisque Bryan Singer racontait qu’il avait fallu un mois et demi de tournage pour ces quelques minutes explosives, avec des caméras 3D, et des mouvements complexes gérés par ordinateur.

 

 

 

Comment passer après ça ? C’est la grande question que s’est posée Joss Whedon pour Avengers : L’Ère d’Ultron, où il voulait inclure des héros dotés de pouvoirs stimulants après avoir constaté les limites visuelles de l’équipe dans le premier film. Débarqué avec sa sœur Wanda alias Scarlett Witch, Quicksilver a un rôle dans plusieurs scènes d’action, s’attaque même aux Avengers eux-mêmes, et se sacrifie dans le climax. Pourtant, ce Vif-argent n’est pas à la hauteur.

La scène du train (encore) se compare bien avec celle de Days of Future Past : dans les deux cas, il s’agit de sauver in extremis des gentils. Avengers est même censé avoir l’avantage du spectacle vu qu’il y a un train qui s’écrase dans une rue de Seoul. A l’image, c’est néanmoins nettement moins spectaculaire. Le pouvoir de Quicksilver se résume à laisser une traînée bleue derrière lui, et effectuer des actes assez normaux pour un héros (taper un gros robot, sauver un innocent sur une route) très rapidement. Les exploits sont trop simples, trop classiques, trop courts, et trop peu mis en lumière par la mise en scène ; l’utilisation des ralentis reste très basique, et ne sert jamais le côté extraordinaire du personnage.

La scène n’est même pas mauvaise, et bénéficie d’un montage plus solide que bien d’autres morceaux du MCU. Mais elle est terriblement attendue, scolaire, expédiée, et traitée de manière industrielle. Zéro place pour le style, le point de vue, le parti pris.

X-Men : Days of Future Past a resserré toute sa scène dans un décor de pauvre cuisine, avec une couleur dominante, et une menace réduite à quelques policiers bedonants (et Singer tombera dans le piège de la redite en plus gros dans X-Men : Apocalypse). Avengers : L’Ère d’Ultron a lancé un train à toute vitesse pour qu’il déraille, explose quelques murs et maisons, menace des dizaines de passants, avec trois super-héros en action pour sauver la situation. Ou comment dépenser beaucoup d’énergie pour bien peu à l’écran en termes de sensation et idées.

 

 

 

CAPTAIN AMERICA vs JOHN WICK

Assez curieusement, les bastons de Captain America : Le soldat de l’hiver ont beaucoup fait pour la réputation du film, lequel a précipité les frères Russo au sommet de la chaîne alimentaire Marvel. Pourtant, quand on se penche sur les nombreuses scènes d’action qui émaillent le film, l’embarras est de mise.

Dans celle-ci, on voit bien quels sont les procédés employés : la caméra tremblote, et le monteur multiplie les coupes pour essayer de dynamiser l’action (et masquer la doublure de Scarlett Johansson par exemple). Malheureusement, ce procédé aboutit au résultat exactement inverse. Quand Natacha se jette sur le Soldat de l’Hiver, son action est ainsi tronçonnée en cinq plans distincts, annihilant toute fluidité. Interrompant presque systématiquement les mouvements de chorégraphies au demeurant très réussies, le montage en entame énormément la visibilité.

Pire : il ne permet jamais de se faire une idée du degré d’acrobatie ou de maîtrise des personnages. Et cette atomisation de l’image interdit de se repérer clairement dans le décor. Les différents personnages sont entourés de voitures, mais les distances, les champs de visions et les limites du terrain sont des plus floues.

 

 

Enfin, cette méthode bourrine à souhait a deux autres effets secondaires indésirables. Premièrement : trop occupé à fragmenter l’action pour nous exciter la rétine, le film oublie de penser son style, d’où un résultat gris, dont on ne distingue jamais de véritable intention ou parti pris. Et enfin, les effets spéciaux largement déficients du film sont cruellement soulignés.

Qu’il s’agisse de bruitages cache-misère, ou d’un sol retouché numériquement, chaque approximation semble d’autant plus apparente que la structure de la séquence donne l’illusion de vouloir jeter chacune de ses imperfections au visage du public.

 

Photo , Captain America : Le soldat de l'hiver Soldat in the street

 

Le contraste est saisissant lorsqu’on compare cette scène avec celle où Keanu Reeves et Common se tapent dessus dans John Wick 2. Ici, ce sont les corps des acteurs qui donnent le tempo à la caméra et au monteur, jamais l’inverse. Ainsi, il est rare que le découpage interrompe un geste, ce qui confère beaucoup d’harmonie et de souplesse à la scène.

Afin d’augmenter l’immersion comme l’impact des coups, les plans tendent à durer, laissant deviner le moins d’artifice de cinéma possible. En matière de cascade (le réalisateur Chad Stahelski vient de là), une fois encore, c’est le corps qui impose son rythme. Celle qui se veut le gros morceau de cette séquence est simplement constituée d’une interminable chute dans un escalier. Geste fort car simple, limpide, qui donne le sentiment de ne pouvoir être truqué, il s’avère d’une sobriété spectaculaire.

 

  

 

Après quoi on note un soin dément en matière de chorégraphie. Ici, plus encore que les coups ou poses iconiques, ce sont les micro-détails qui sidèrent. Les gestes chirurgicaux de Reeves, alors qu’il resserre son flingue d’une main, tout en se faisant étrangler, composent un festival de précision jubilatoire.

Et cette jubilation provient précisément du fait que tous les stratagèmes de cinéma mis en place par John Wick 2 visent à un effet unique : donner à ressentir une forme de douleur. Les coups portés marquent, chaque chute nous fait vibrer les os, quand les prises d’étranglement provoquent un véritable malaise. Plus qu’un opéra poseur de la violence, le film réfléchit constamment à la meilleure manière de nous faire ressentir à la fois le talent de son héros, mais aussi la fatigue et la nervosité accrue qui le consument.

Et bien sûr, la photographie très soignée (signée Dan Laustsen, collaborateur de Guillermo del Toro) ajoute une touche de style fort agréable, purement cinématographique.

  

Photo Keanu ReevesKeanu je-te-pète-les-genoux Reeves

 

THOR : RAGNAROK vs 2012 

Après le 11 septembre 2001 et ses images virales du World Trade Center s’écroulant, les scènes de destruction massive sont apparues de plus en plus fréquemment dans le cinéma américain, formant quasiment un genre à part entière. Sur le papier, elles forment une sorte de fruit de l’époque un peu empoisonné, pas évident à assaisonner, entre la soif d’effets spéciaux, la curiosité malsaine d’assister à un ersatz d’apocalypse et la perpétuelle invisibilisation des victimes.

Du coup, emballer une scène de destruction porn est beaucoup moins aisé qu’on ne le croit. Et Thor : Ragnarok en est la preuve. La séquence contient pourtant tous les ingrédients d’une apothéose. Située en fin de film, la scène narre la destruction et le sacrifice nécessaire d’Asgard, demeure des Asgardiens. Sa disparition marque un point de non-retour dans la mythologie du MCU, de grands bouleversements pour le héros et le climax du blockbuster.

Mais à force de couleurs, de valeurs de plans et d’idées vues mille fois, il n’y a littéralement aucune émotion qui se dégage de l’ensemble. Et pour cause : totalement vidée de ses habitants, ayant lieu après la mort de la grande méchante et se voyant totalement désamorcée par une grosse vanne de la part d’un alien (qu’interprète le réalisateur Taika Waititi en personne), le résultat n’a aucun impact et donne le sentiment d’avoir été vu 7 milliards de fois.

 

 

Regardons à présent comment celui qui a quasiment créé l’iconographie de la destruction totale gère une scène de destruction. Rien de mieux pour cela que le 2012 de Roland Emmerich, où le fameux réalisateur se donne pour mission de détruire purement et simplement la planète.

Tout d’abord, il s’amuse de notre propre désir de chaos, grâce au personnage de Woody Harrelson, qui symbolise le regard du public affirmant, hagard, combien il est ravi de la désolation qui s’annonce. Ce clin d’œil effectué, Emmerich prend un plaisir fou à rendre le tout extrêmement ludique en multipliant les techniques : fonds verts, incrustations, maquettes, cascades, véritable pyrotechnie, etc…

L’image se transforme progressivement en bac à sable, où le spectateur ne sait où donner de la tête tant l’écran est saturé d’effets surréalistes. Et dans ce magma bizarroïde, c’est le goût du détail qui fournit le vertige. La destruction ne pouvant être sérieusement offerte au public comme un sommet d’angoisse, on la transforme donc en jeu absurde, dont la grandiloquence devient euphorisante. Et si l’humour est présent, il paraît beaucoup moins problématique, car il n’entre jamais en conflit avec ce que le film raconte.

 

 

 

BLACK PANTHER vs BABY DRIVER 

Rarement aura-t-on vu poursuite motorisée moins intéressante que celle de Black Panther. On note d’abord combien la séquence est pauvrement éclairée et photographiée. Aucun élément ne retient l’attention, rien ne permet de caractériser les différents quartiers traversés (sauf le pont) par les véhicules, eux-mêmes presque impossibles à différencier. Le découpage ne favorise jamais la compréhension de la géographie, et on n’a pas la plus petite idée de là où se situent les personnages, les uns par rapport aux autres.

L’autre problème essentiel vient du fait que la quasi-intégralité des effets pensés comme spectaculaires sont la responsabilité des effets visuels numériques. Inutile de multiplier les cascades affolantes si elles sont le fait de doublures numériques, le film étant alors presque totalement conçu en post-prod, avec des délais imposés par la cadence du MCU. Cette grosse mélasse s’exprime jusque dans l’écriture de la scène, qui a beaucoup de mal à choisir son  style entre brochette de gags plus ou moins réussis, et confrontations de mâchoires serrées entre grands gentils et grands méchants.

Signe peut-être le plus évident de l’échec de la scène : c’est une poursuite sans objet. A part échapper aux gentils, on ne sait pas où veulent aller les méchants. On n’a donc jamais conscience de l’avancée du processus – vont-ils gagner, ont-ils de bonnes chances de s’échapper ? Si bien que la poursuite en elle-même n’a aucun intérêt, et c’est pourquoi la scène préfère se concentrer sur des échanges de tirs, des gros lasers et des lances, plutôt que sur son principe actif, à savoir une poursuite.

 

 

 

Soit tout le contraire de Baby Driver, dont l’ouverture demeure une des plus grandes leçons de narration par l’image et le son, vues sur un écran ces dernières années. Le concept est simple : Baby est un chauffeur dont chaque seconde d’existence se vit par et pour un morceau de musique. D’où une poursuite ahurissante, qui épouse littéralement la moindre note du morceau qui l’habite.

Non seulement le procédé exige une précision diabolique lors de sa conception, mais Edgar Wright s’est encore compliqué la tâche en usant presque exclusivement de cascades « en dur », conférant une réalité troublante à son trip cartoonesque.

Plus qu’une poursuite, cette scène d’ouverture devient donc la présentation d’un personnage, dont la mise en scène fait le choix, a priori intenable, de retranscrire chaque synapse, neurone et bouffée d’énergie. C’est ici la fièvre, la musique et son incarnation à l’image qui nourrissent le spectacle, lequel n’a même plus besoin de tôle froissée pour nous laisser bouche bée. 

 

 

AVENGERS 2 vs MAD MAX : FURY ROAD 

Sur le papier, voilà une scène d’Avengers : L’Ère d’Ultron qui a tout pour nous titiller la rétine. Captain America s’attaque à Ultron sur un camion, lancé à toute vitesse au beau milieu d’une circulation dense. Natasha le rejoint, passant du vaisseau des Avengers à sa grosse moto. Plusieurs niveaux d’action, un décor mobile qui se transforme, des interactions dans le cadre et la richesse d’une scène d’action pensée autour du mouvement : l‘occasion pour tout film qui se respecte d’aligner morceaux de bravoure, manoeuvres risquées et sens de la chorégraphie.

Seulement voilà, personne ne paraît vraiment aux manettes de ce momentum. L’image apparaît curieusement fade, grisâtre, voire parfois un peu jaune, et on ne peut pas dire que cette palette de couleur ou de textures soit particulièrement attrayante – à titre de comparaison, la baston sur autoroute de Matrix Reloaded avait autrement plus d’identité, en dépit d’un décor comparable. Cette plate photo est d’ailleurs trop courante dans le MCU.

 

photo100% réel (non)

 

Ensuite, on note une nouvelle fois de gros problèmes en matière d’effets spéciaux. Au sein de la même scène cohabitent un Ultron numérique quasi-parfait, un Captain trimballé par des câbles beaucoup trop rigides, une Natasha dont on sent bien qu’elle pilote sa moto depuis un fond vert… De même, on s’étonne de la quantité de répliques qui émaillent l’ensemble, pour nous donner des infos dispensables, nous sortant de la scène. Et pour finir, on ne voit ici rien qui ressemble à du style.

La caméra de Joss Whedon (et le réalisateur de deuxième équipe John Mahaffie, qui a occupé ce poste sur Green LanternAvengersThor : Le Monde des ténèbresSpider-Man : Homecoming ou encore Shazam!) paraît n’obéir qu’à une seule et unique logique : conserver une action lisible. Ce n’est déjà pas si mal certes, mais on s’étonne, vu la complexité de l’action, de n’avoir quasiment jamais un plan marquant à se mettre sous les yeux. Tout semble en pilote automatique, et jamais un personnage ne semble en danger.

 

 

En comparaison, la scène de Mad Max : Fury Road fait très mal. Le dialogue cesse sitôt que les personnages s’activent, et dès lors on assiste à une impeccable synergie entre son, musique et mouvements. Les plans sont nombreux mais toujours lisibles.

Pourtant, le film de George Miller n’est pas dénué de ce « numérique » utilisé sur Avengers : L’Ère d’Ultron, quasiment tous ses décors étant dopés par ordinateur. Mais il paraît évident que c’est la cascade à l’ancienne qui sert ici de cœur au dispositif scénique, et le résultat en termes de suspension d’incrédulité est très fort.

De même, le métrage compose chacune de ses images à la manière d’une peinture mouvante. On pense à ces motos apparaissant sur la ligne d’horizon quand notre regard se cristallise sur le moteur rugissant du camion, ou bien au ballet de motos jaillissant de part et d’autre, transformant la scène en pur instant de danse suspendue.

 

 

 

Miller n’en reste pas là et parvient même à faire du désert un accessoire ultra-efficace. De volutes de poussière en projection de sable, il redessine constamment les volumes et la tessiture de l’image. Métal rouillé, fumée, flammes liquides ou explosion, tous mis en lumière par la photo de John Seale : tout ici concourt à nuancer et multiplier les mouvements, comme pour transformer l’écran en un terrain de jeu imprévisible et perpétuellement mutant.

Par conséquent, c’est bien les corps qui forment les notes de cette mélodie et les cascades qui nous émerveillent. La caméra s’arrête ainsi complaisamment sur les peaux, nous laisse sentir la violence des coups, la brûlure de la sueur. Mad Max : Fury Road célèbre ses artisans de la cascade avec une dévotion que très peu de films ont su offrir.

 

Photo Charlize Theron, Nicholas HoultCharlize Theron dans son meilleur rôle de conductrice après Braquage à l’italienne

 

THOR vs MAN OF STEEL

Deux scènes où le héros teste ses limites et affronte au moins un ennemi bien plus puissant dans la rue principale d’une petite ville (Smallville pour Superman). Il y a même dans les deux cas une station service qui explose. Là encore, grosse différence en terme de spectacle, ambition, mise en scène et énergie.

Zack Snyder mutliplie les coups, les vols, les explosions, et orchestre un ballet de bruit et de fureur. Présentés au début comme dans un western, Superman et Faora rayent le goudron, sont envoyés dans tous les sens, avec un réel sentiment de puissance et lourdeur à mesure que le héros est piétiné, jeté, tapé, et évite des coups montrés comme dévastateurs.

Snyder ajoute des lasers, des militaires, un camion qui vole, des sauvetages, avec un sens de l’action indéniable, soutenu par la musique épique de Hans Zimmer. Smallville devient un champ de bataille incroyable, où le réalisateur pousse toujours plus haut le curseur de la destruction. La saturation guette, le cartoonesque aussi, mais l’action reste claire et épique. Le meilleur : ce n’est absolument pas le climax.
 

 

En revanche, c’est bien le climax dans Thor de Kenneth Branagh. Il y a là aussi un gros soldat métallique qui détruit tout sur son passage, mais c’est la carte de la lourdeur et solidité qui est jouée ici : ce petit frère du Gort de Le Jour où la Terre s’arrêta carbonise tout et n’importe quoi pour impressionner ses ennemis, et avance aussi lentement que le tueur d’un mauvais slasher. Et hormis ce petit twist (littéralement) où le robot se retourne sur lui-même, la mise en scène est ici très pauvre.

Les cascades sont ridicules, avec des héros qui sautent au ralenti sans procurer le moindre sentiment de vitesse, agilité, voire intelligence. Branagh sert un plan débullé toutes les 15 secondes (et parfois ralenti en même temps), mais avec une musique générique, une photographie très ordinaire et un décor qui a tout d’une rue en studio, l’impression d’artificialité est omniprésente. Le spectacle, la tension, l’action, les cascades… sont réduits à quelques miettes, autour d’une poignée de plans si déconnectés des héros qu’ils ressemblent presque à une bande démo.

Même la toute fin du climax, où Thor provoque une tornade pour neutraliser le Destroyer, est d’une platitude folle, car dénuée d’enjeux, de tension, d’étapes dans l’action.

 

 

Il faut bien sûr replacer les deux films dans leur contexte. Thor est arrivé tôt dans le MCU, le studio marchait sur des œufs, et le budget était de 150 millions (soit 170 avec l’inflation). Premier film du DCEU, Man of Steel est arrivé post-Avengers, avec une nécessité de s’imposer sur le marché ; d’où un budget de 225 millions (environ 240 avec inflation), et une petite demi-heure de plus pour expliquer en partie le coût.

Mais ça n’explique pas tout : Thor n’a simplement aucune inspiration dans sa construction de l’action, et il lui manque un art du montage, de la cascade et tout simplement du cinéma à grand spectacle, pour briller.

 

Photo Henry CavillComment détruire un boulevard, par Snyder

 

Si Les Gardiens de la Galaxie, Iron Man, Avengers et quelques autres n’ont pas été cités, c’est que le MCU est aussi capable d’offrir des scènes amusantes, rythmées, excitantes, voire très ambitieuses. L’idée ici n’est donc pas de mettre tous les films dans le même sac, mais de tenter de comprendre pourquoi tant d’entre eux laissent l’impression d’un spectacle générique, similaire, auquel il manque quelque chose de simplement cinématographique.

Et le récent Captain Marvel en est malheureusement un très bon exemple, comme expliqué dans notre dossier.

Avengers : Endgame sort le 24 avril.

 

Affiche IMAX

Rédacteurs :
Tout savoir sur Captain Marvel
Vous aimerez aussi
Commentaires
36 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
sylvinception

Vous ne comparez pas l’essentiel : les résultats au box-office!!

(Comment ça on s’en cogne ?? 😉

Geoffrey Crété

@Cronos

De rien ! Toujours un plaisir d’échanger 😉

Cronos

@Geoffrey Crété

Ok je vois l’angle d’attaque, effectivement les comparaisons sur la grammaire et les codes ça peut être intéressant (même si du coup je suis pas d’accord avec tout, mais eh, c’est le principe des débats!)
Merci pour les explications 🙂

sylvinception

Galetas a tout dit.

Geoffrey Crété

@Cronos

On trouvait justement intéressant et pertinent de ne pas s’enfermer dans la case du super-héros. On a comparé à X-Men, Spider-Man, Man of Steel, mais le genre du super-héros est hybride, et reprend des codes du film d’action, catastrophe, etc. On a voulu élargir, car la grammaire du cinéma est la même dans tous les genres. Et ça apporte un peu de richesse et perspective à l’analyse 😉

Cronos

@Geoffrey Crété

Je comprends parfaitement l’idée, mais je trouverais ça plus viable de comparer des scènes de poursuites motorisées dans deux films de super-héros.
Dans Baby Driver on a un film qui est pensé comme un film de poursuite avant tout, où toute l’équipe technique est au service du montage, de la mise en scène de ces séquences parce que ça représente le coeur du film et ce pour quoi (principalement) les gens iront voir ce film.
Dans Black Panther, la séquence motorisée représente seulement un petit pourcentage du film, et du coup le degré d’implication n’est vraiment pas le même.

De même que Mad Max Fury Road repose essentiellement sur un voyage aller et retour et une logique de mise en scène qui s’articule autour d’un concept bien particulier, alors qu’Avengers 2 n’a jamais cette prétention et ne peut pas se permettre de mettre les mêmes moyens sur ces éléments-là.

J’aurais bien aimé avoir votre avis sur des comparaisons de scènes similaires entre le MCU et le reste comme la saga des X-men, Spiderman et autres, mais ça sera peut-être pour une prochaine fois 🙂

Simon Riaux

@J en prendrais pour 1 d

Oulah, les croisades très peu pour nous, d’autant plus qu’il y a des Marvel qu’on aime beaucoup.

Non, il est simplement question de cinéphilie, de mise en scène, et de se poser la question de comment fonctionne une scène d’action.

Geoffrey Crété

@Cronos

On compare ce qui est comparable : non pas l’intérêt scénaristique, la place dans l’histoire, mais la mise en scène. Peu importe que Black Panther n’ait qu’une course-poursuite et que Baby Driver en fasse le moteur narratif : la comparaison repose sur l’art du montage, du suspense, sur la mise en image de la tension, sur les cadrages et le découpage de l’action. Choses comparables entre tous les films sur des motifs de scènes similaires.

Si on voulait bêtement faire dans l’opportunisme, on aurait publié un bête dossier 5 fois moins long pour faire un récap des meilleurs costumes de super-héros du MCU. Ici, on a voulu parler un peu analyse, et proposer un autre angle de discussion avec un peu de recul sur le MCU (et le ciné d’action contemporain).

@J en prendrais pour 1

Etant donné qu’on a parlé en bien, voire très bien, d’un paquet de Marvel (quitte à être insultés ou moqués pour ça), et qu’on rappelle en conclusion que pas mal de films du MCU sont réussis : aucune croisade anti-ceci ou pro-cela.
L’intérêt : faire un peu d’analyse filmique, réfléchir l’art de la mise en scène, se focaliser sur la réalisation et l’utilisation des outils filmiques au sein de cet univers si populaire.

L’intérêt est aussi de dépasser le simple « plaisir », pour tenter de comprendre pourquoi certains Marvel ont une identité plus forte, laissent un souvenir plus fort, que d’autres.

j en prendrais pour 1 d

à quoi ça sert tout ça? c’est une croisade anti Marvel? essayer de convaincre ceux qui aiment qu’il y a mieux? dans quel intérêt? on peut aimer l’un et l’autre sans constamment comparer qui a la plus grosse, c’est juste une question de plaisir…

bubblegumcrisis

@Ludwig Van

///John Wick c’est pas du bon cinéma, c’est juste du mauvais John Woo.

Je suis assez d’accord avec toi. On va dire que pour du cinéma occidental post HK, c’est quand même généreux même si très beaucoup répétitif et lassant sur la longueur du métrage. Néanmoins, je trouve que Keanu Reeve donne de sa personne. Il a vraiment bossé le physique et la gestuelle pour être crédible même si les situations montrées à l’écran, elles, ne le sont pas.

De plus les dialogues sont quand même mieux écrit que dans un john Woo et la thématique de la bromance à deux balles avec envolées de colombes, évitée ^^

Sinon pour les scène d’action filmées en mullti caméra et le montage aux petits oignons, y’a pas photos, on n’a pas fait mieux, même en CGi’s, depuis John Woo.