Avant de la retrouver avec ses amies dans le film de Cathy Yan, on revient sur l’histoire d’Harley Quinn, un des personnages féminins de comics les plus cultes.
S’il n’est pas rare aujourd’hui de voir plusieurs personnages féminins de comics dans les kiosques ou sur les écrans, certaines ont lutté pendant des décennies pour en arriver où elles en sont, à l’instar de Wonder Woman, qui a dû devenir la secrétaire de la Ligue des Justiciers avant d’être considérée comme un membre à part entière de l’équipe. Harley Quinn, de son côté, n’a pas attendu aussi longtemps et a préféré faire une entrée fracassante, fidèle à elle-même.
En moins d’une trentaine d’années, elle a renversé les codes, marqué la pop culture et s’est hissée au même rang de popularité que Batman ou Superman, jusqu’à devenir l’un des personnages les plus rentables de l’univers de DC Comics et incarner aujourd’hui une icône féministe encore plus importante que n’importe quel autre personnage féminin de comics, n’en déplaise à Wonder Woman.
Alors que Birds of Prey et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn s’apprête à arriver sur les écrans pour raconter l’émancipation de celle qui s’est fait connaître comme étant la partenaire du Joker, on revient sur l’histoire (tout aussi fantabuleuse) d’Harley Quinn.
Margot Robbie en Harley Quinn dans Birds of Prey et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn
EN ROUGE ET NOIR
Si elle représente aujourd’hui une des figures emblématiques de DC Comics et notamment de l’univers de Batman, Harley Quinn n’est pourtant pas issue des pages des comics, contrairement à ses petits camarades, mais de l’imagination de Paul Dini et Bruce Timm, pour les besoins de Batman, la série animée, diffusée dans les années 90. Alors qu’il était en train de plancher sur le script d’un des épisodes à venir autour du Joker, le scénariste voulait absolument inclure un personnage féminin parmi les sbires du Clown Prince du Crime.
Après plusieurs jours sans trouver d’idée, Paul Dini se souvient de la performance d’Arleen Sorkin lors d’une séquence dans le feuilleton Des jours et des vies. Dans cette scène tout droit sortie d’un conte de fées, l’actrice, qui interprète l’amusante Calliope Jones, se retrouve à jouer le bouffon du roi sur une paire de rollers pour amuser la famille royale.
Arleen Sorkin dans Des jours et des vies
Paul Dini reprend le maquillage, le costume et certains traits de la personnalité d’Arleen Sorkin, qu’il avait connue à l’université, pour créer ce nouvel acolyte du Joker qu’il nomme Harley Quinn, puis il soumet son idée à son partenaire Bruce Timm, en charge des dessins pour la série animée. L’artiste reprend l’ébauche peu flatteuse de son associé, ajoute la tenue d’arlequin rouge et noire à la jeune femme et lui donne une apparence aussi reconnaissable que pour le Joker.
Le scénariste invite ensuite Arleen Sorkin, qui avait quitté Des jours et des vies, afin qu’elle double le personnage qu’elle avait inspiré. Après quelques heures d’enregistrement, la magie opère entre la voix nasillarde de Brooklyn de l’actrice et ce personnage haut en couleur. Harley Quinn est née et apparaît pour la première fois à l’écran dans l’épisode Chantage à crédit, diffusé le 11 septembre 1992 (et dont on parle en détail ici).
Bonnye and Clyde peuvent se rhabiller
ONCE UPON A TIME… IN GOTHAM
Si dans un premier temps elle est seulement utilisée comme la copine du Joker et qu’elle n’a pas un rôle prépondérant dans l’épisode, Harley Quinn marque quand même les esprits dès sa première apparition, avec son apparence singulière, son attitude infantile et désinvolte ainsi que son amour aveugle et passionné pour le Clown Prince du Crime.
Prévue à l’origine comme un second couteau, elle réapparaît finalement plusieurs fois dans la série animée, au point d’avoir certains épisodes qui lui sont entièrement consacrés : dans Harley & Ivy, elle entame une relation sulfureuse avec Poison Ivy, puis elle aide Batman et Robin à stopper le Joker dans Harlequinade (en essayant de le tuer) et tente même de reprendre une vie normale dans La Journée d’Harley après avoir obtenu sa réhabilitation.
Harley et Ivy qui passent par la boutique souvenir du musée de Gotham
Ces épisodes permettent non seulement au public de s’attacher au personnage, mais sont surtout l’occasion pour Paul Dini et Bruce Timm d’étoffer la personnalité vaudevillesque d’Harley Quinn et d’approfondir la relation masochiste qu’elle entretient avec le Joker.
La jeune femme est consciente du mal qu’il lui fait et derrière ses airs de victime se cache une forte tête qui s’avère être la seule à pouvoir maîtriser son Monsieur J. Une femme plus indépendante que quiconque, féminine sans être sexualisée, qui s’habille comme elle veut, dit ce qu’elle veut et traîne même avec Batsy si elle en a envie. Avec cette caractérisation féministe, directement héritée de Poison Ivy, loin de l’image sexy (et misogyne) des autres personnages féminins de l’époque, Harley gagne encore plus en popularité.
DOCTEUR QUINN, FEMME MÉDECIN
Deux ans après sa première apparition, Paul Dini et Bruce Timm sont finalement chargés par DC Comics de raconter les origines d’Harley Quinn dans un one-shot unique : Mad Love. Publiée en 1994, cette œuvre, devenue une référence aujourd’hui, a connu un immense succès dès sa sortie et a décroché le prix Eisner du meilleur numéro en racontant la véritable naissance d’Harley Quinn, que tout le monde connaît désormais.
Avant même de rejoindre le Joker dans ses virées explosives, la jeune femme était déjà une manipulatrice, prête à tout pour parvenir à ses fins. Après avoir obtenu son diplôme de psychologie de l’université de Gotham (par des moyens peu scrupuleux), Harleen Quinzel réussit à obtenir une place à l’asile d’Arkham, dans l’espoir d’écrire un best-seller sur les super-criminels. Lors de son premier jour, alors qu’elle visitait les locaux, elle croise le Joker, qui accepte de mener des séances de thérapie hebdomadaires avec elle.
Semaine après semaine, la psychiatre se laisse manipuler jusqu’à se prendre d’affection pour le criminel psychotique et le plaint quand il lui raconte ses affrontements avec ce trouble-fête de Batman, puis, finalement, elle tombe sous le charme du Joker et se transforme en Harley Quinn avant de le faire évader et de s’échapper avec lui pour vivre ce qu’elle imaginait être une folle histoire d’amour.
Une fois de plus, Paul Dini et Bruce Timm ont usé de tout leur talent en tant que scénariste et dessinateur pour offrir un récit qui révèle le passé d’Harley Quinn et lui permet de se distinguer des autres hommes de main à la botte du Clown Prince du Crime. Dans Mad Love, Harley est une jeune femme qui choisit de le suivre par amour, de son plein gré, même si elle sait qu’elle ne pourra jamais rivaliser contre l’obsession du Joker pour Batman. Cette histoire, plus tragique que comique autour de la violence et des relations abusives, la rend beaucoup plus humaine et plus complexe que ce qu’on pouvait imaginer.
Une Harley Quinn pas si joyeuse
Rapidement, Harley Quinn prend de plus en plus d’ampleur et, même si elle avait été aperçue dans les pages du numéro 12 de Batman Adventures en 1993, elle intègre officiellement l’univers de DC Comics en 1999 avec la publication de Batman : Harley Quinn (disponible dans le tome 4 de Batman : No Man’s Land en France), puis hérite de son propre titre deux ans plus tard, sobrement intitulé Harley Quinn. En 2002, elle prend vie à la télévision sous les traits de Mia Sara et devient l’antagoniste de la série Les Anges de la nuit (à laquelle on a consacré un dossier par ici).
Les beaux jours n’ont pas duré pour Harley et tout a très vite changé. Véritable échec critique et commercial, Les Anges de la nuit s’arrête au terme d’une saison, puis, après 38 numéros publiés, Harley Quinn est annulé en 2003 et le personnage ne se retrouve qu’à faire des apparitions sommaires dans d’autres séries d’animation et certains titres de DC Comics entre deux aventures des Gotham City Sirens avec Catwoman et sa vieille copine, Poison Ivy. Mais la belle histoire d’Harley Quinn n’allait pas s’arrêter là et s’apprêtait à connaître un tournant, qui allait à nouveau la propulser sous les feux de la rampe.
Harley Quinn, apparemment, un peu, de loin
50 NUANCES D’HARLEY
La renaissance d’Harley Quinn s’est effectuée d’une manière encore moins conventionnelle que pour sa venue au monde. Née sur les écrans dans Batman, la série animée, elle a pu retrouver le devant de la scène en 2009, au sein du jeu vidéo Batman : Arkham Asylum de Rocksteady Studios. Écrit par Paul Dini, ce premier opus de ce qui deviendra une immense saga adulée des fans du Chevalier Noir (et on explique pourquoi ici) présente une version bien différente d’Harley Quinn.
Si elle est le personnage féminin le plus présent au cours du jeu et qu’elle a conservé son côté fantasque, le costume d’arlequin rouge et noir a été troqué pour une espèce de déguisement d’infirmière, composé d’un corset au décolleté béant, d’une mini-jupe et d’une paire de bottes de cuir à semelles compensées, tandis que deux couettes blondes ont remplacé le traditionnel chapeau à grelots. Malgré le succès du jeu vidéo, les premiers reproches sur une hypersexualisation du personnage n’ont pas tardé à se faire entendre. Ce n’était rien à côté de qui allait suivre.
Si son apparence a ensuite été (très légèrement) améliorée dans Batman : Arkham City, la suite de Batman : Arkham Asylum sortie en octobre 2011, la situation a pris une tout autre dimension à peine un mois plus tard, lorsque DC Comics, après avoir entamé une refonte de son univers et de ses personnages avec le New 52, a révélé la couverture du premier numéro de Suicide Squad, que la jeune femme allait intégrer.
Avec ses cheveux bleus et rouges, ses tatouages sur les avant-bras et une tenue encore plus légère que dans Batman : Arkham Asylum, le nouveau look d’Harley Quinn s’est immédiatement retrouvé sous le feu des critiques, notamment de la part des fans de longue date. L’exacerbation de son côté psychotique au fil du temps et ses galipettes avec Deadshot n’ont pas arrangé les choses et après avoir reçu un tollé général, la série de comics a été annulée après la publication de 30 numéros.
AMOUR GLOIRE ET BEAUTÉ
Toujours aussi populaire auprès du grand public, l’image d’Harley Quinn avait pris un coup dans l’aile et DC Comics devait trouver un moyen pour tourner la page (littéralement) et redorer le blason d’un des personnages les plus connus de son univers.
En 2013, la maison d’édition décide donc de lancer une nouvelle série de comics Harley Quinn, qu’elle confie à Amanda Conner et Jimmy Palmiotti, deux figures réputées dans le milieu, connues pour leur travail sur d’autres personnages féminins comme La Pro de Garth Ennis, Power Girl ou Starfire. Le couple dispose d’une véritable liberté artistique et l’exploite jusqu’au bout avec une inventivité certaine, transformant ainsi la criminelle effrontée en véritable anti-héroïne.
Toujours aussi déjantée, Harley quitte Gotham et décide de vivre ses propres aventures, loin du Joker, à New York, dans un immeuble de Coney Island dont elle a hérité. Déterminée à prendre un nouveau départ, elle reprend sa profession de psychiatre à temps partiel, rejoint une équipe de roller derby et, même si son parcours est toujours jonché de cadavres ici et là, elle essaie (comme elle peut) de revenir dans le droit chemin.
Cette espèce de rédemption auprès de la société et des lecteurs fonctionne et le personnage retrouve sa renommée d’antan, avec un aspect féministe encore plus important après cette émancipation du Joker. Après son apparition dans le jeu de combat Injustice: Gods Among Us de NetherRealm Studios, l’incarnation du personnage pour la première fois au cinéma par Margot Robbie dans Suicide Squad en 2016 lui offre une visibilité sans précédent, finissant ainsi d’asseoir son statut de membre du panthéon de DC Comics aux côtés de Batman et Superman et lui permettant de devenir le personnage féminin de comics le plus rentable et prolifique, devant Wonder Woman.
La même année, elle apparaît dans au moins quatre titres de comics différents en plus de Suicide Squad, soit autant que Batman, puis elle continue de se démultiplier en jouets, figurines, déguisements d’Halloween et autres cosplays.
En 2017, elle s’allie à nouveau au Chevalier Noir dans Batman and Harley Quinn (dont vous pouvez lire la critique ici). Aujourd’hui, Harley Quinn n’a jamais été aussi populaire, aussi bien dans les comics avec Harley Quinn, Joker/Harley : Criminal Sanity ou Harleen, que sur les écrans avec la série d’animation Harley Quinn où elle est doublée par Kaley Cuoco (dont la critique du pilote se trouve ici), Birds of Prey et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn ou The Suicide Squad de James Gunn, prévu pour 2021.
Le succès de Joker pourrait donner des idées à Warner Bros. de développer un film sur les origines d’Harley Quinn et serait un moyen cohérent et efficace de ramener Joaquin Phoenix dans le rôle du Joker. Margot Robbie avait même évoqué un film sur Harley Quinn et Poison Ivy à une certaine époque. Et on imagine déjà Laura Prepon (Orange is the New Black) dans le rôle de la super-vilaine.
Le destin du personnage va sans doute dépendre de l’accueil commercial et critique de Birds of Prey et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn et de The Suicide Squad mais, dans tous les cas, Harley Quinn n’a pas fini de bouleverser l’univers de DC Comics à grands coups de batte de base-ball (ou de maillet pour les plus nostalgiques).
Et dire que le personnage a beaucoup plus de profondeur dans la série Batman des années 90 que ses récentes adaptations où elle une peroxydée insupportable.
Merci DC d’avoir dénaturé un si bon personnage.
Je la trouve tellement sans intérêt…
Franchement, au lieu de la traiter de dérangée ou je ne sais quoi, Harleen sera toujours pour moi une fille affectueuse et victime du Joker. Elle est une anti-héro et non antagoniste. A plusieurs reprises elle se retrouve à s’allier de ses ennemis. Certains DC Comics l’ont, je trouve, très mal représenter.
Mon amour pour Harley s’est terminé avec les new52 (ou renaissance chez urban). Le seul moment où j’aime bien ce personnage, c’est le elseworld injustice.
je vois pas l’intérêt dans fa4irr plus avec. il y a d’autres super vilains plus interessant. elle es juste 1 personnage secondaire
J’ai un soucis avec ces « super-méchants » qui se retrouvent au centre de leurs propres histoires, mais qui du coup deviennent doux comme des agneaux.
Parce que concrètement dans les films, Harley Quinn qu’est ce qu’elle fait de mal à part dire « f**k » et être effrontée ?