Réalisateur prolifique, jadis porté aux nues, Ridley Scott est un metteur en scène infatigable. Dans sa carrière, Kingdom of Heaven, avec Orlando Bloom, Liam Neeson et Eva Green, tient une place à part, peut-être une des plus éclatantes. Essayons de comprendre pourquoi.
POUR LA GLOIRE
À sa sortie, le blockbuster de Ridley Scott est attendu des amateurs du cinéaste qui ne s’est jamais caché de vouloir réaliser un film sur les Croisades. L’artiste vient de terminer Les Associés, une production plus modeste et son projet de transposition de la bataille de Tripoli vient de tomber à l’eau. Le scénariste de cette fresque ambitieuse a un autre scénario à lui proposer, consacré à la période historique qui passionne Scott.
Plus précisément, William Monahan s’intéresse à la période paix troublée entre musulmans et chrétiens, précédant la reprise de Jérusalem par Saladin.
Ridley Scott est partant et va même jusqu’à suggérer à son scénariste de réintroduire un premier acte qu’il a jugé plus prudent de retirer, craignant que son script soit bien trop long pour être validé par un studio. Initialement, le récit devait démarrer après la tempête qui laisse le personnage de Balian inconscient, sur une plage inconnue. Mais Scott souhaite raconter le quotidien de son héros en France, et veut travailler sa relation avec son père.
La Fox, qu’il retrouve pour la première fois depuis Alien, le huitième passager, valide le scénario de 166 pages et accorde au film un budget pharaonique de 135 millions de dollars. S’en suivra un long tournage entre l’Espagne, le Maroc et la France, qui réunira jusqu’à 1500 figurants lors de ses grandes batailles.
DUEL DE VERSIONS
La production est d’une ampleur sidérante. Cinq mois de construction seront nécessaires pour métamorphoser les décors “naturels” (comme la forteresse d’Essaouira), ou bâtir fortifications, intérieurs, tours de siège. Le roi du Maroc, ami personnel du réalisateur, lui permet d’embaucher plus d’un millier de figurants, dont plusieurs centaines bénéficiant d’une formation militaire. L’entreprise est gargantuesque. 2 500 drapeaux et bannières, plus de 12 000 costumes. Le seul décor de Jérusalem aura nécessité plus de 600 tonnes de matériaux de construction et s’étale sur plus de 300m de longueur. Mais c’est lors de la post-production que le studio s’inquiétera de la longueur de Kingdom of Heaven.
La Fox redoute notamment que la multiplication des intrigues noie l’ensemble et fasse perdre de vue au spectateur l’intrigue centrale, ainsi que la destinée de Balian. Vieux briscard rompu au management des blockbusters massifs, Scott a dès la conception de son film construit une œuvre “à la découpe”. Conscient qu’il ne pourrait s’opposer à un studio décidé à charcuter le film, il le bâtit de manière à pouvoir en retirer des pans entiers, pour éventuellement les réintégrer en vidéo. Ainsi, les scènes avec le roi Baudoin, ainsi que les séquences incluant Sybille et son fils ont été écrites pour pouvoir être extraites du montage.
Personnage fondamental ou sacrifiable ?
Comme il le révèle dans le commentaire audio du long-métrage (disponible dans l’édition DVD de 2006), le metteur en scène est parvenu à sauver la sous-intrigue d’Edward Norton, mais a été contraint de sacrifier l’essentiel des scènes d’Eva Green, ainsi qu’une partie de celles de Liam Neeson. Des manquements dont la presse n’a pas connaissance quand elle découvre le film en 2005, mais qui ont certainement joué dans la réception glaciale du film.
Aux États-Unis, la majorité des critiques y voit un film bien trop naïf dans sa peinture des guerres de religion, à la narration mécanique, quand les chrétiens conservateurs le décrivent comme un scandaleux tract pro-islam (un sujet loin d’être anodin, 4 ans après le traumatisme du 11 septembre 2001).
Sans être un flop, avec 218 millions de dollars au box-office, Kingdom of Heaven est une déception. Malgré tout, le cinéaste parvient à mettre en boîte une version longue contenant 40 minutes et 500 plans truqués supplémentaires. Il la considère comme le véritable montage de son long-métrage, et pour ceux qui ont eu la chance ou l’opportunité de la visionner, la question est entendue : il s’agit d’un des très grands films de son auteur.
Une reine qui retrouve son trône dans la version longue
DERNIER ARRÊT AVANT LA MISANTHROPIE
Ce qui frappe en premier lieu quand on (re)découvre aujourd’hui le film, c’est combien il tranche avec la vision du monde qui préside depuis aux œuvres de Ridley Scott. Si à partir de Prometheus et suite à la mort de son frère, le réalisateur a totalement embrassé la misanthropie qui a toujours baigné ses travaux (et culminera dans Alien : Covenant), il explore dans son récit des Croisades la possibilité du bien, auscultant le combat des hommes de bonne volonté.
Bien sûr, les menteurs, les veules et les salopards sont de la partie, à tel point qu’ils y provoquent la chute de Jérusalem. Mais toute l’intrigue est mue par les concepts enseignés à Balian, qui apprendra auprès de chevaliers décidés à protéger l’universalité de Jérusalem, jusqu’à ce qu’il soit lui-même en mesure de le faire, sauvant les habitants, grâce au sens de l’honneur de Saladin, son adversaire. Certes, le désenchantement est présent, la destinée de Sybille pourra sembler cruelle ou ironique, tandis que Scott sous-entend, lorsque son héros refuse de comploter contre Guy de Lusignan, que la vertu absolue entraine des catastrophes.
Guy de Lusignan, ou la tentation du chaos
Il n’empêche, Kingdom of Heaven est indiscutablement un grand récit d’aventures qui assume sa candeur et fait le pari que le meilleur est entre les mains des hommes, et jamais inaccessibles. Un angle rare dans sa filmographie, qui sied parfaitement à ses grandioses décors et à la lumière qui s’y répand.
La version longue du film met particulièrement en avant ce paradoxe, presque tout entier porté par les épaules de la reine jouée par Eva Green. C’est elle, plus que tout autre, qui incarne le multiculturalisme de la ville sainte, souhaitant prolonger son héritage, assurer sa survie, plus que son propre règne. Et c’est ironiquement son amour, son humanité, qui briseront cet équilibre fragile, la suzeraine ne pouvant accepter de laisser son fils, lépreux, vivre une vie de douleur, à l’instar de son oncle Baudoin.
Là encore, le chaos et la mort interviennent, mais ne sont jamais qu’incidents, des menaces qui rôdent, et ne peuvent guère que consumer leurs ambassadeurs (Renaud de Châtillon, Lusignan), tandis que les hérauts du bien, s’ils sont durement éprouvés, en triomphent. En témoigne la conclusion du film, qui voit certes notre chevalier renoncer à son Royaume de grâce et de progrès, mais sauver néanmoins celle qu’il aime, et balayer symboliquement l’horreur et la misère qui présidaient à son existence au début du film.
Tiberias, homme de paix dans la tourmente
UN SPECTACLE TOTAL
Au cours de la décennie précédant Kingdom of Heaven, Ridley Scott a mis en scène Gladiator et La Chute du Faucon Noir, deux des plus sidérants spectacles hollywoodiens de l’époque. Avec une maîtrise qui force le respect, il progresse ici encore dans l’ambition et la captation du geste épique, proposant un divertissement qui coupe le souffle à maintes reprises. Un défi d’autant plus complexe que son intrigue fait la part belle à la politique, aux tensions, aux escarmouches, plus qu’à une succession de séquences musclées.
Avant ses 45 minutes de siège final, le film orchestre quelques combats, peu avares en gerbes de sang, mais passé le tronçonnage forestier qui conclut son premier acte, le film déporte le spectacle du côté de l’ampleur. La vision des milliers d’hommes en armure marchant sur Karnak, les perspectives des forts de Jérusalem, la poussière transpercée de rayons de soleil sur les terres d’Ibelin, tout concourt à composer un film-monde. Il n’est pas un plan, pas une image, qui n’impressionne pas instantanément la rétine.
« Tu ne peux pas test Game of Thrones ! »
Et quand il faut ordonner de grandes joutes, Ridley Scott atteint une réussite qu’il n’a pas égalée depuis. Beaucoup plus fluide, lisible que dans Gladiator, il ré-utilise la gestion de l’espace prodigieuse établie dans La Chute du Faucon Noir, et propose un opéra guerrier sidérant. Pourtant, la concurrence est rude, Le Seigneur des Anneaux ou encore Troie sont passés avant lui et n’ont pas lésiné sur les moyens. Mais rien à faire, le siège final est d’une précision et d’un sens du spectacle imparables.
D’ailleurs, le spectacle ne se trouve pas que dans l’action, et c’est sans doute ce qui achève de faire la réussite de Kingdom of Heaven. Le réalisateur ordonne une débauche de grands sentiments, mais il n’oublie jamais le sens du tragique. C’est même lui qui préside à l’essentiel des émotions qui s’abattent sur le spectateur. De Balian, contraint d’embarquer pour les Croisades par une famille “agressive”, aux tourments du diplomate Tiberias, jusqu’à la chute de Sybille, tous sont esclaves d’un passé qui leur tord le bras et les entraine dans un maelstrom inexorable, de plus en plus puissant, qui aboutira dans un dernier acte de sang et de fureur.
Allier ainsi un récit abreuvé de la dramaturgie classique et engagé politiquement aussi proche de la perfection technique, fait de la version longue de Kingdom of Heaven une fresque aux proportions miraculeuses, dont on n’est pas prêt de retrouver un équivalent.
J’ai du voir ce film 20x en version longue, c’est un chef d’œuvre. Et je trouve que Bloom campe bien ce personnage idéaliste perdu dans cette tumulte.
Très beau , bon film en version longue juste un petit bémol sur l’acteur principal bloom que je trouve pas ouff , l’impression que c’est trop gros pour lui pour l’époque il est jeune l’impression que parfois il se demande ce qu’il fout là, même si c’est l’idée du perso dans le scénario.
Mais ça m’a en rien empêché d’adorer ce film , juste après 12 visionnage me dis c’est si le principal protagoniste faisait un peu moins couillon peut-être que…
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Mais la mise en scène est impeccable , la musique , les seconds rôles de dingue, les décors , costume, l’idée du projet , le message a travers l’œuvre cinématographique, c’est beau, c’est classe..
Ce film est un chef d’oeuvre absolu. à voir en version longue. Magnifique et humaniste
Ce film est juste incroyable, extremement sous coté a cause de la version cinéma qui gache la complexité de l’oeuvre. A voir uniquement en version longue !
@Simao
Massoud est une révélation pour ce film. Il correspond à l’image que j’avais de Saladin. Beau, calme, respectueux, tacticien, l’acteur retranscrit tout cela à merveille. Le contre point Bloom, stoïque, paumé, naïf est absolument parfait.
Non, le dernier chef d’œuvre en date, c’est le dernier duel.
Il faut que je vois absolument la version longue de Kimgdom of heaven.
Un chef d’œuvre à voir UNIQUEMENT dans sa version longue !
La version cinéma m’avait laissé sur un mouaih, et je me souviens très bien de la découverte par hasard de la version longue en DVD et être resté scotché devant !
Un superbe film, une histoire épique sur un sujet des croisades forcément polémique mais traité avec maestria ici.
@Numberz complètement d’accord, Ghassan Massoud est absolument formidable dans le rôle de Saladin, c’est lui que l’on retient du film.
Pas encore vu dernier duel donc je peux pas juger celui ci, mais clairement une torgnole dans la tronche en VL. Avec un gros coup de Coeur pour l’acteur Massoud qui joue Saladin.
Eva je t’aime
Bloom bien fade et palot dans ce film (enfin dans tous ces films ! On est clairement pas sur un acteur de compétition)
Nan si le film reste dans les esprits c’est pour d’autres qualité, notamment son sujet (les croisades) et la reconstitution historique assez demesurée
Un chef d’oeuvre, un de plus pour Scott, aussi et surtout dans sa version longue!
Quand à Bloom, il incarne parfaitement la candeur et l’idéalisme que porte son personnage! Le reste du casting est par ailleurs magistral, avec son joyau, comme souvent, en guise d’émeraude, la belle Eva Green dans son plus beau rôle… quoique Vesper Lynd ne serait sans doute pas d’accord!