Helen Hunt et Bill Paxton chassent des tornades dans le film catastrophe de Jan De Bont. Et c’est toujours aussi bon.
Ecran Large avait grande envie de reparler de ce petit film culte des années 90, où Helen Hunt et Bill Paxton chassent des tornades.
Le film de Jan de Bont produit par Steven Spielberg a marqué les fans du film catastrophe, et plus personne n’a imaginé les tornades de la même façon après avoir vu une vache et un camion s’envoler. Retour sur Twister, un film qui reste un modèle du genre.
JURASSIC STORM
Derrière Twister, deux célèbres noms : Steven Spielberg et Michael Crichton. Le réalisateur et l’écrivain sortent du succès monstrueux de Jurassic Park, tiré du roman de Crichton, qu’il a lui-même adapté avec David Koepp. Il y aura un avant et un après, pour eux comme pour à peu près tout le monde.
C’est Spielberg qui apporte sur un plateau le projet des tornades à Crichton, et comme le business est littéralement une affaire de famille, Twister sera co-écrit par Anne-Marie Matin, femme de l’écrivain. Le couple aurait touché 2,5 millions de dollars, somme pas du tout anodine à l’époque (à titre de comparaison, le salaire record de Joe Eszterhas pour le pré-achat de Showgirls était d’environ 2 millions).
Producteurs fouillant dans les tiroirs pour dénicher une pépite
En réalité, il manque un nom dans l’équation : celui de Jeffrey Hilton. Inconnu au bataillon, il a écrit une ébauche de scénario sur des chasseurs de tornades, envoyée à Amblin Entertainement en 1992. Une petite graine déterrée par Spielberg. Avec en plus la maîtrise grandissante des effets visuels, et le retour du blockbuster option film-catastrophe (Independence Day sort la même année que Twister, et Godzilla, l’année suivante), c’est une aubaine.
Godzilla a d’ailleurs un rôle dans cette histoire, puisque Jan de Bont devait à l’origine réaliser le blockbuster sur le gros lézard. Propulsé par le succès de Speed, il passe une bonne partie de l’année 1994 sur le projet, et développe un scénario et divers effets avant de tout quitter. En cause : le studio refuse de valider son budget de plus de 100 millions. Roland Emmerich le remplacera, changera presque tout de l’histoire et des visuels, et Godzilla sera retardé de deux ans.
Grâce à cet alignement des astres hollywoodiens, la tornade Twister pourra démarrer.
Jan de Bont au milieu de ses acteurs
SPEED-BORDEL
Mais avant d’être un carton en salles, Twister aura traversé une pluie de problèmes plus ou moins graves. Le scénario très cher des Crichton est le premier frein, puisqu’il sera réécrit pendant plus d’un an et même pendant le tournage. La première plume amenée est celle de Joss Whedon, alors un script doctor réputé, souvent engagé pour retravailler les dialogues et apporter de l’humour – il l’avait d’ailleurs fait sur Speed. Le créateur de Buffy contre les vampires est engagé au printemps 1995, et continuera jusqu’au début du tournage en mai 1996.
Entre temps, la production appelle Steven Zaillian, scénariste prestigieux de La Liste de Schindler. Et enfin, Jeff Nathanson sera envoyé sur le tournage, et y restera jusqu’au bout afin de mettre la main à la patte à la moindre demande. Aucun d’entre eux ne sera crédité. À l’époque, en pleine promo pour Entertainement Weekly, Jan de Bont ne le cachait pas : « On réécrivait le scénario jusqu’au dernier jour de tournage ». Bill Paxton confirmait l’ambiance : « On essayait toujours de choper ces moments opportuns pour tourner avec la météo, et le scénario était sans cesse retravaillé. Beaucoup de gens paniquaient, et Jan devait garder la tête froide ».
Donnée non négligeable dans l’équation : Jan de Bont, dont le comportement et le caractère auraient été plus que compliqués à gérer. Le cinéaste était de toute évidence une force de la nature, et Helen Hunt était la première à le reconnaître, en parlant de son désir ferme de la caster : « Tout le monde lui disait qu’il ne pouvait pas mettre en danger un film à 80 millions parce que je devais retourner filmer la série Dingue de toi en août. Même les films à gros budget qui sont sous contrôle ont besoin d’une marge si besoin. Jan répondait, ‘Je le fais’. » Et le monde s’est plié à lui, puisque le tournage de Dingue de toi a été décalé, lorsque Twister a effectivement nécessité une rallonge.
Au loin, la 53e version du scénario arrive
JAN PAS BON
Côté moins glorieux, Jan de Bont était perçu comme possiblement ingérable et insupportable. Du moins, c’était la rumeur à l’époque, et la légende depuis. La réalité, confirmée par les acteurs, c’est que le tournage a au minimum été brutal et difficile, et que le réalisateur n’était pas spécialement tendre avec eux. D’un vaccin anti-hépatite après une scène dans de l’eau bien sale, à une porte qui l’a assommée et stoppé le tournage pour la journée, Helen Hunt a raconté avec un certain humour l’expérience. Jan de Bont voulait un rendu aussi réel que possible, quitte à foncer dans le tas, avec ses acteurs en première ligne.
Rien que la question de l’éclairage mérite d’être détaillée. Pour créer artificiellement un ciel sombre de tempête derrière les acteurs, des lumières extrêmement fortes étaient placées sur eux, pour un effet de contraste donnant l’illusion d’un arrière-plan plus noir. Une bonne idée pour le film, tourné en extérieur, mais pas pour les yeux des comédiens. Bill Paxton raconte être rentré à moitié aveugle, à tel point que les yeux de Helen Hunt et les siens ont fini par avoir droit à quelques jours de repos et traitement.
« TU ES LA HELEN, JE NE TE VOIS PAS »
La légèreté de Jan de Bont vis-à-vis de tout ça a été entendue jusqu’en promo, où il a expliqué que Helen Hunt était en réalité maladroite, pour expliquer ses nombreux accidents. Ce à quoi elle a répondu par médias interposés : « Maladroite ? Le mec a brûlé mes rétines, mais je suis maladroite… Je pense que j’ai été bonne joueuse. »
Une partie de l’équipe technique a moins rigolé, puisque le directeur de la photo Don Burgess a quitté le tournage. Version de Burgess et son équipe : Jan de Bont ne savait pas ce qu’il voulait, s’énervait vite, et s’en est même pris physiquement à un assistant suite à une erreur. Version du réalisateur : Burgess ne supportait pas de gérer la part d’improvisation liée aux conditions météo changeantes, et n’avançait pas assez vite.
Appelé à la rescousse, le directeur de la photo Jack N. Green aura un point de vue plus modéré et poli, détaillé avec EW : « J’ai connu des réalisateurs bien plus difficiles que Jan. Et j’en ai connu des bien plus faciles. (…) Il est intensément concentré sur son travail, il est extrêmement exigeant, et les conditions de ce film étaient les plus difficiles que j’ai jamais connues. En combinant tous ces éléments – la pluie, la grêle, le vent, les débris – avec 5 caméras minimum et 13 pour les plus grosses scènes -, le degré de concentration doit être intense. »
PLUS VRAI QUE VRAI
Le tournage a effectivement été un gros défi technique, des prises de vue réelles jusqu’à la post-production, en passant par la montagne d’effets spéciaux sur le plateau. Beaucoup d’éléments ont vraiment été jetés, écrasés, détruits et mis en scène face aux acteurs, loin du confort des fonds verts devenus depuis la norme. La preuve : avec un budget estimé entre 70 et 90 millions (dont 2 ou 3 pour Jan De Bont), Twister a coûté autant voire plus cher qu’Independence Day (75 millions), pourtant considéré comme plus massif côté spectacle.
Lorsque Bill Paxton est mort en 2017, Jan de Bont reparlait de l’énergie de l’acteur, et son désir de plonger dans l’aventure jour après jour :
« Cette scène où ils vont vers la grosse tornade, il a tout fait lui-même. À cette époque, il n’y avait pas les effets visuels, il fallait vraiment le faire. Donc il était à l’arrière d’un pick-up, et devant lui il y avait trois autres camions : un chargé de gros blocs de glace, un autre avec un hachoir pour découper la glace et un troisième avec d’énormes souffleurs pour cracher la glace vers le camion de Bill. Ce n’était pas des machines très précises. Certains morceaux de glace faisaient 7 ou 10 centimètres. Il a été blessé. C’était comme si des rochers lui tombaient dessus. Si vous regardez bien le film, vous pouvez voir les blessures sur son visage – de vraies blessures. »
Les plus attentifs pourront repérer divers signes de ce tournage périlleux, comme lorsque les héros affrontent des tracteurs tombés du ciel (qui étaient réellement lâchés sur la route, par des hélicos) : dans un plan, le pare-brise est explosé par une barre en métal, avant d’être intact dans les plans suivants.
L’actrice oscarisée expliquait à EW la complexité du tournage : « Quand il n’y a qu’une caméra qui tourne, l’attention de tout le monde va là, pour savoir comment avoir ce qu’on veut à l’image tout en garantissant la sécurité de l’équipe. Quand il y a quatre caméras qui tournent, l’attention de tout le monde est divisée. Ajoutez à ça qu’une fois les machines à vent lancées, personne n’entendait plus rien. On ne pouvait pas dire, attendez cette personne est encore dans le passage, ou je dois vérifier ça. »
Le second directeur de la photo Jack N. Green sera lui aussi blessé à la fin du tournage, lorsqu’un décor censé s’écrouler pour une scène, a été accidentellement activé avec lui à l’intérieur, et qu’un plafond lui est tombé dessus. Envoyé à l’hôpital avec un dos abîmé, il a ainsi raté les deux derniers jours du tournage. Jan de Bont prendra le relais, lui qui a d’abord été directeur de la photo – notamment auprès de Paul Verhoeven et John McTiernan.
Ne pouvant plier la météo à ses désirs pour filmer des horizons orageux, le cinéaste a demandé à la société d’effets visuels ILM de doubler le nombre de plans où le ciel est retouché numériquement. Stefen Fangmeir, superviseur des effets visuels, expliquait à EW : « Jan nous a dit qu’avec 150 plans, ce n’était pas un film de tornade. C’était un film avec des scènes de tornades ». Ce sera donc un coup de speed total pour terminer la post-production, ILM allant au bout du bout de la date de rendu possible. Que Warner Bros. ait, entre temps, décidé d’avancer la sortie d’une semaine (pour s’éloigner de Mission : Impossible), n’a pas arrangé l’histoire.
À noter que Twister a eu droit à des reshoots, un mois ou deux avant sa sortie – apparemment pour le flashback de l’héroïne qui voit son père mourir.
Acteurs fuyant réalisateur de mauvais poil
VENT SIMPLE
Twister a été un succès immense. Avec plus de 495 millions au box-office mondial, c’était le deuxième plus gros succès de 1996, (loin) derrière Independence Day qui a culminé à 817 millions. La tornade a écrasé Mission : Impossible et Rock, les poids lourds concurrents. En France, avec 2,5 millions d’entrées, c’était le 9e plus gros carton, derrière Independence Day (5,6 millions), Seven (4,9 millions) ou encore Mission : Impossible (4,1 millions). Le film a fait la joie du studio Warner Bros. jusqu’aux Oscars, côté technique (nommé au meilleur son et meilleurs effets visuels, lequel sera remporté par Independence Day). Même si en parallèle, le Razzie du pire scénario a été décerné à Michael Crichton et Anne-Marie Martin.
Hormis une attraction aux studios Universal (distributeur du film) avec la participation de Helen Hunt et Bill Paxton, et la rumeur d’un remake annoncé avec apparemment Jospeh Kosinski (Tron : L’Héritage), Twister a été un peu oublié. Pourtant, c’est un petit modèle modeste du genre, qui étonne par son efficacité et sa générosité avec le recul.
Côté narration, tout semble réduit au minimum, pour une efficacité claire. L’action se déroule sur un jour ou deux, avec un sentiment d’urgence qui normalement n’envahit l’écran que dans le troisième acte d’un film catastrophique classique. Les personnages sont peu nombreux, l’accent étant largement mis sur Jo et Bill. Et la mécanique des divorcés qui réapprennent à s’aimer dans la tempête (héritée d’Abyss) amène d’emblée des conflits, créant une dynamique amusante dans le couple. C’est une équation très simple, qui dénote dans la formule habituelle alourdie par les ellipses, les mises en place longuettes et les sous-intrigues.
Tempête de boulettes de glace géantes
Côté spectacle, c’est au contraire d’une grande générosité. Après un prologue qui annonce la couleur, la première tornade arrive au bout d’une demi-heure, emportant une ferme, la voiture des héros, et quasiment les héros eux-mêmes. Avec au total huit tornades à l’écran, Twister donne au spectateur sa dose de sensations. Les voitures, les toits, les vaches et les arbres s’envolent, les camions explosent, et les maisons sont réduites en miettes, à mesure que l’équipe de choc se rapproche du climax, où à peu près tout est rasé.
La partie CGI a pris un logique coup de vieux, notamment dans le climax, même si les plans larges des tempêtes restent très solides. Mais Twister bénéficie de la réalité des cascades filmées à l’époque, si bien que tout ce qui concerne les carcasses de véhicules reste par exemple très spectaculaire. Avec en plus le talent de Helen Hunt et Bill Paxton, dont l’alchimie est évidente, et les seconds rôles très amusants (Philip Seymour Hoffman, Jami Gertz), le cocktail reste assez parfait dans le genre. Surtout avec la musique de Mark Mancina, qui fleure bon les mélodies des années 90.
Cary Elwes est là aussi (et ça finit mal pour lui)
TWISTHERITAGE
Des années plus tard, cette sobriété narrative couplée à une générosité dans l’action, fait toujours de Twister un film spécial. Depuis, ce type de spectacle a eu tendance à multiplier les personnages, étaler son récit et se perdre dans des ambitions plus ou moins bien senties. Entre le versant premier degré où la valeur famille est mise en scène à tous les étages, et le versant Z où la blague est tellement revendiquée que le cynisme tue tout plaisir, l’efficacité naturelle du genre a été souvent perdue.
D’autant plus que la tornade est largement restée en arrière-plan dans les films catastrophe depuis. De Sharknado à Hurricane, en passant par Le Jour d’après, elle n’a pas eu d’heure de gloire réelle, au-delà de quelques séquences ou films oubliables. Excepté une semi-remorque de séries B à dix balles, qui peuplent les sites de téléchargement et les disques durs des amateurs de tempêtes, le seul à se placer dans l’héritage direct de Twister est Black Storm, sorti en 2014, où une petite ville est retournée par une vague de tornades.
Mais entre un père qui cherche son môme, une équipe de chasseurs de tornades, des ados qui manquent de se noyer, plein de gens à sauver de tous les côtés et une niaiserie globale sur la beauté de la vie et de l’amour, la simplicité légère de Twister est très loin.
Toute ressemblance est fortuite, bien sûr
Ne reste plus qu’à espérer que le possible remake de Twister sera un bon remake. C’est-à-dire : qui ne reprendra pas bêtement les personnages du film de 1996, qui ne tentera pas de singer ses scènes marquantes, et qui ne tombera pas dans la surenchère facile ou le premier degré ordinaire. Avec a priori Joseph Kosinski à la barre, il y a en tout cas l’espoir d’une bonne surprise, visuellement soignée et ambitieuse. Le réalisateur a d’ailleurs commencé son décollage dans les nuages avec Top Gun : Maverick.
De son côté, Helen Hunt a expliqué qu’elle avait tenté de lancer une suite, qu’elle aurait réalisée et co-écrite, en plus d’y reprendre son rôle. Elle expliquait sur Watch What Happens Live en juin 2021 : « J’ai essayé. Avec Daveed Diggs et Rafael Casal et moi pour l’écrire, et une équipe de chasseurs de tornade noirs, et les producteurs n’ont pas voulu. J’allais le réaliser. On a à peine réussi à décrocher un rendez-vous pour en parler. Et c’était en juin 2020, où la question de la diversité était partout. Ca aurait été tellement cool ». L’actrice a expliqué que son personnage serait mort dès la scène d’intro.
Dans tous les cas, Twister restera un petit modèle du genre, et la fin d’une carrière qui avait commencé sur les chapeaux de roue pour Jan de Bont avec Speed. Car avec Speed 2 : Cap sur le danger, Hantise et Lara Croft : Tomb Raider – Le Berceau de la vie, la vraie tempête commençait à peine pour lui.
PS : depuis, le film Twisters a été annoncé, comme une sorte de suite à Twister
Je me souviens avoir vu ce film lors de sa sortie, et avoir été très déçu. Et je n’ai même pas envie de vérifier s’il s’est bonifié avec le temps.
C’est d’ailleurs assez rare que l’on réévalue un film en le revoyant quelques années plus tard. Par contre l’inverse est hélas assez fréquent.
@M.X.
Pas de souci, si tu en es content c’est ton droit. Comme le mien d’être mécontent de leur édition plus que passable quand tu prends un comparatif DVD Blu Ray. Mécontent quand ils ne font pas d’efforts pour cacher le fait qu’ils prennent des fichiers de personnes ayant retravaillé chez soi un film et que ESC le fout sur galette. Mécontent quand on voit parfois certains prix et des finitions, genre steelbook, complètement à côté de la plaque. Voilà c’est ton droit d’apprécier leur travail comme le mien de ne pas adhérer (coucou Elephant films…)
pourquoi tu craches comme cela sur ESC?
Perso, j’ai plusieurs éditions cultes de chez eux, et ils font des éditions superbes, alors je ne vois pas ou est le problème..
Je ne sais pas si je citerais le travail exécrable et opportuniste de ESC mais en tout cas c’est toujours un gros plaisir que de le revoir. Vu au cinoche, vraiment impressionnant
Revu grâce à l’édition VHS BOX de chez ESC et c’est toujours aussi bon, ça c’est même bonifié ! Le panard total…
@Karev
Pas si décrié que ça Twister mais oui en effet, on peut ré-évaluer pas mal de blockbusters d’hier au vu de beaucoup de ceux d’aujourd’hui.
La preuve de la médiocrité absolue des blockbusters d’aujourd’hui, ça réhabilite désormais les blockbusters décriés des années 90 !
@LCR
Tout à fait, je ne sais pas d’où j’ai créé cette erreur !
« Surtout avec la musique de Brian Tyler, qui fleure bon les mélodies des années 90. »
C’est plutôt Mark Mancina qui était à la composition, Brian Tyler ayant commencé sa carrière avec un petit film, Bartender, en 97
@BB Allo
Ce lapsus honteux ! Paxton est cité de nombreuses fois dans l’article, mais dans l’intro il y avait cette pauvre erreur… Merci !