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The Mask : du comics gore et violent au gentil cartoon pour enfants

Par arnold-petit
3 mai 2023
MAJ : 20 novembre 2024
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Ou comment le comics sanglant de Dark Horse est devenu le film avec Jim Carrey que tout le monde connaît et un dessin animé pour les plus jeunes.

De sa jaquette à ses répliques en passant par le personnage de Sancho le Cubain et son pas de danse endiablé, The Mask est considéré, et à raison, comme un film culte. Un long-métrage qui a permis à Jim Carrey de dévoiler tout son talent et qui a aussi lancé la carrière de Cameron Diaz, mais qui est surtout une adaptation aux antipodes des comics dont elle s’inspire. Si l’image du personnage de The Mask restera toujours associée au film de Chuck Russell et à Jim Carrey, il en existe différentes versions, toutes plus dingues les unes que les autres et pourtant si différentes.

 

The MaskTchitchikiboum tchitchikiboum tchitchikiboum

 

MAD MASK

Avant d’arriver dans les kiosques et sur les écrans, le personnage de Big Head (et non pas The Mask) a connu un parcours plus que laborieux. Il émerge d’abord de l’esprit de Mike Richardson, en 1982, qui se base sur le concept du docteur Jekyll et Mr Hyde et l’imagine comme une sorte de mélange entre le Joker et le Creeper. Quelque temps plus tard, il lui donne vie pour la première fois avec une simple esquisse, publiée dans APA-5, un fanzine créé par Mark Verheiden.

En 1986, après avoir fondé Dark Horse Comics, en mettant un point d’honneur sur la liberté artistique et la propriété intellectuelle des créateurs, il soumet son idée autour de cet obscur personnage à Mark Badger, qui officiait chez Marvel à l’époque. Le scénariste et dessinateur le réinvente pour une série de comics nommée Masque, sauf que tout ne se passe pas comme prévu et au bout d’à peine un an, la publication est interrompue. Même s’il laisse Mark Badger aller au bout de son récit, Mike Richardson estime que la série s’enlise, manque d’intérêt et présente même ses excuses aux lecteurs pour le manque de cohérence narrative dans le dernier numéro.

 

photoÀ la française

 

Big Head reste au fond d’un tiroir pendant un certain temps et en 1989, Dark Horse le confie à Chris Warner, qui lui donne cette apparence si caractéristique avant de le remettre à deux étoiles montantes du milieu, le scénariste John Arcudi et le dessinateur Doug Mahnke, afin qu’il apparaisse avec d’autres personnages dans une mini-série en quatre numéros, intitulée Mayhem.

Masque devient alors The Mask et démarre avec l’homme qui se cache derrière l’artefact, Stanley Ipkiss, un pauvre type qui achète le masque chez un antiquaire pour l’offrir à sa petite-amie, Katherine. En sortant, il observe une bande de motards aspergeant sa voiture sur leur passage et se fait tabasser par eux en pleine rue après les avoir insultés. En route vers l’appartement de sa petite-amie, Stanley imagine différentes façons de leur rendre la pareille, en leur fracassant le crâne avec une batte de base-ball, en leur tirant dessus ou en les brûlant avec un lance-flammes.

Au milieu de la nuit, il aperçoit le masque, arrivé mystérieusement dans la salle de bains, et décide de l’enfiler. Dès lors, Stanley se change en Big Head, capable de défier les lois de la physique, de faire apparaître et disparaître à peu près tout ce qu’il veut et de survivre à n’importe quoi, pouvant ainsi laisser libre cours à ses pulsions vengeresses.

 

photoAu revoir Stanley, bonjour Big Head

 

Aussi sadique que ravagé, Big Head déclenche une tuerie partout où il passe, mais Stanley n’est pas effrayé par le masque. Il devient psychotique, asocial et tombe progressivement sous son emprise, enivré par le pouvoir qu’il lui confère. En l’espace d’un mois, il troque son gilet par un treillis, dresse une liste de tous ceux avec qui il a des comptes à régler et ose même lever la main sur Kathy après qu’elle lui ait fait une remarque à propos de son changement de comportement.

Il la quitte et se remet en quête des personnes de sa liste, n’hésitant pas à tuer des innocents, frapper des gosses, étrangler une institutrice devant une classe entière ou à embrocher des mécaniciens qui l’ont arnaqué. Une séquence qui sera reprise et largement édulcorée pour le film, les deux mécanos finissant chacun avec un pot d’échappement enfoncé dans le rectum plutôt qu’au fond de la gorge.

Avec un style tranchant et une violence sans limites, John Arcudi et Doug Mahnke laissent libre cours à leur imagination à chaque case, à chaque page, dans ce qui ressemble à un immense défouloir bourré de rage et d’hémoglobine, mais qui cache toute une réflexion sur le libre arbitre, l’augmentation de la violence et la notion de justice, incarnée dans les comics par l’inspecteur Kellaway. Stanley Ipkiss est un détraqué qui enfile volontairement le masque pour aller trucider des gens en sachant pertinemment qu’il ne peut rien lui arriver.

 

photoÀ conserver hors de la portée des enfants

 

S’il ne jouit pas encore d’une immense popularité, le personnage de Big Head rencontre un certain succès auprès des lecteurs et revient définitivement en 1991 dans sa propre série de comics, The Mask, qui reprend les quatre numéros de Mayhem en guise de numéro 0 et se concentre ensuite sur l’inspecteur Kellaway, à qui Katherine donne le masque. Le flic bourru l’utilise alors pour combattre le crime et traquer les membres de la mafia d’Edge City, mais toujours avec des méthodes plus que discutables.

Alors qu’il s’apprête à faire exploser son partenaire à coup de dynamite dans la bouche, il prend conscience qu’il est devenu incontrôlable et décide de se débarrasser du masque. Le personnage reviendra ensuite dans une autre série en 1992, The Mask Returns, mais un autre projet en préparation allait lui donner une tout autre ampleur.

 

photoLancelot du Mask

 

ARRÊTEZ-MOI OU JE FAIS UN MALHEUR

À la fin des années 80, New Line approche Dark Horse pour une adaptation de The Mask au cinéma et acquiert les droits en 1989. Bien qu’il ait produit plusieurs films de John Waters et qu’il ait distribué Massacre à la tronçonneuse ou Evil Dead, le studio était surtout connu pour Les Griffes de la nuit, au point d’hériter du surnom de « The House That Freddy Built », et espérait donc trouver un successeur à Freddy Krueger en adaptant The Mask sous la forme d’un film d’horreur. Une idée qu’a refusée catégoriquement Mike Richardson :

« Au début, c’était vraiment de l’horreur hardcore qu’on me proposait, et je disais non. Je me souviens qu’une des premières versions était qu’un fabricant de masques mettait des masques à des adolescents qui se transformaient en zombies sans cervelle, ce qui n’avait rien à voir avec le personnage que j’avais présenté à New Line. »

Face au refus du créateur du personnage, également fondateur et président de Dark Horse, New Line se ravise et la production reste empêtrée dans les discussions autour du scénario pendant un bon moment. Pour la mise en scène, New Line se tourne vers Chuck Russell, qui avait notamment réalisé Freddy 3, les griffes du cauchemar, mais le cinéaste trouve que les comics sont bien trop violents et pense qu’il faudrait en faire une comédie, imaginant déjà le rôle aller à Jim Carrey, qu’il avait vu et adoré sur la scène du Comedy Store de Los Angeles. Il contacte alors Mike Werb et lui demande une ébauche de script, qu’il rend au bout de six semaines.

 

photo, Freddy 3, les griffes du cauchemarUne production prise de tête

En 1990, un premier scénario est rédigé par Michael Fallon d’après ce que Mike Werb avait écrit, mais Mike Richardson n’est toujours pas convaincu et demande à Mike Veirheiden, qui avait assisté à la naissance du personnage dans APA-5, de repasser dessus pour apporter une ambiance cartoonesque à la Tex Avery et alléger le ton, encore trop proche des comics originels. Différents éléments comiques sont alors rajoutés par le scénariste, comme Milo le chien, fidèle compagnon à quatre pattes de Stanley, ou encore le numéro de danse de Sancho le Cubain, qui permet à Big Head d’échapper à la police.

Stanley Ipkiss passe de cinglé sanguinaire à brave type amoureux qui travaille dans une banque avec son copain Charlie et affronte malgré lui Dorian Tyrell, un criminel qui tente de prendre le contrôle de la pègre d’Edge City. Il ne se sert pas du masque pour se venger, mais pour réprimer les torts et essayer de séduire les femmes. Les quelques scènes choquantes, comme la mort de la journaliste Peggy Brandt, sont supprimées et la violence graphique des comics disparaît au profit d’un humour un peu potache.

 

photoAllez Milo, va appâter les enfants

 

Chuck Russell reste sur son idée de départ et donne le script à Jim Carrey, persuadé que le rôle a été écrit pour lui. L’acteur avait bien fait quelques apparitions au cinéma dans des longs-métrages comme Peggy Sue s’est mariée de Francis Ford Coppola, mais restait surtout associé à ses sketchs dans l’émission In Living Color dans laquelle il incarnait des personnages tous plus extravagants les uns que les autres avec ce style humoristique dont il a fait une marque de fabrique. Conscient qu’il a en face de lui un immense terrain de jeu dans lequel il va pouvoir se déchaîner, Jim Carrey accepte presque immédiatement.

Une jeune mannequin souhaitant devenir actrice du nom de Cameron Diaz passe ensuite une audition pour un petit rôle, mais le studio est tellement ébloui qu’il décide de la retenir parmi les candidates pour interpréter Tina Carlyle, la copine du méchant dont Big Head va tomber amoureux. Après plusieurs dizaines de répétitions avec Jim Carrey et six semaines d’essais, qui mettent ses nerfs à rude épreuve, elle décroche finalement le rôle. Le reste du casting est complété et en août 1993, le tournage peut enfin débuter.

 

photoCoup de cœur immédiat

 

Pour les effets spéciaux, essentiels à l’ambiance cartoonesque du film, New Line fait appel à Industrial Light & Magic, le célèbre studio fondé par George Lucas à qui l’on devait déjà les formes liquides dans Abyss, le T-1000 de Terminator 2 : Le Jugement dernier ou les dinosaures de Jurassic Park. Fidèle à sa réputation, ILM réalise un merveilleux travail pour animer les pouvoirs du personnage, renommé Le Masque, qui s’écrase sur le pavé avant de se relever, se change en Loup de Tex Avery ou sort deux immenses mitrailleuses bardées de lance-missiles de ses poches, avec un esprit et un design typique des Looney Tunes.

Le film recrute également Greg Cannon pour les maquillages, connu pour son travail sur Dracula de Francis Ford Coppola.

À la fin du mois de juin 1994, The Mask arrive sur les écrans et crée l’événement, avec 119 millions de dollars de recettes à domicile et 352 millions à l’international pour un budget de 23 millions (hors inflation et frais marketing). Il devient l’adaptation de comics la plus rentable de l’histoire du cinéma, jusqu’à ce que Joker le détrône en 2019.

photoDe quoi calmer tout le monde

 

Les critiques encensent le film, les effets spéciaux, le charme de la jeune Cameron Diaz, mais surtout la performance de Jim Carrey. Une interprétation qui lui vaudra une nomination aux Golden Globe et le rendra encore plus populaire auprès du grand public après Ace Ventura, détective chiens et chats, sorti quelques mois plus tôt. Avec ses grimaces, sa gestuelle et ses imitations, l’acteur semble totalement investi, presque possédé à son tour par le pouvoir du masque, comme s’il y avait été destiné, et le plaisir qu’il a pu prendre se ressent chaque fois qu’il intervient ou apparaît à l’écran.

Alors que les adaptations de comics concernaient d’abord les super-héros et oscillaient entre géniales et médiocres, The Mask est venu donner un coup de pied dans la fourmilière dans un genre que personne ne prenait vraiment au sérieux, prouvant au passage qu’une adaptation réussie ne doit pas forcément rester fidèle à son matériau de base et permettant à Jim Carrey de passer d’un salaire de 450 000 dollars pour The Mask à 7 millions pour Dumb & Dumber, sorti juste après, en décembre 1994.

 

photoGimme My Money

 

SUPERMASQUE

Espérant profiter de cette bonne dynamique, Dark Horse Entertainment, la branche de production audiovisuelle de la maison d’édition, continue de voir plus loin et après le cinéma, elle décide désormais de s’attaquer à la télévision, en capitalisant directement sur le succès de The Mask. Dans la foulée, elle s’associe avec différents studios d’animation étrangers et avec New Line Television pour créer The Mask, la série animée, basée sur le film de George Russell et diffusée sur CBS dès août 1995. Elle sera ensuite suivie par d’autres séries d’animation inspirées de films avec Jim Carrey, comme Ace Ventura ou Dumb & Dumber

Sans être conçu comme une suite, le dessin animé reprend à la fois des éléments du film et des comics, mais semble se dérouler dans une autre continuité. Au lieu d’avoir jeté le masque au fond de l’eau, Stanley l’a gardé et l’utilise pour protéger Edge City des différents méchants qui sont à sa recherche, comme le diabolique scientifique Pretorius, mais aussi Walter, l’ennemi juré de Big Head dans les comics. Le masque ne se manifeste plus seulement la nuit, mais l’objet reste quand même possédé par l’esprit de Loki et continue de faire ressortir la personnalité refoulée de celui qui le porte.

 

photo« Aaaaaaaaaattention, je suis le Masque ! »

 

D’autres personnages du film sont également présents, comme Madame Bonpoil, la propriétaire irascible de Stanley, ou Charlie, son collègue de travail. Tina Carlyle, probablement trop sexualisée pour apparaître dans un programme pour enfants, disparaît purement et simplement, remplacée par Peggy Brandt, qui a pourtant trahi Stanley dans le film, et le Lieutenant Kellaway n’est plus ce flic aseptisé, mais ressemble au personnage froid et obstiné des comics, qui voue une haine implacable au Masque.

Ben Stein, qui incarne le Dr. Neuman dans le film, le psychiatre que va consulter Stanley pour essayer de comprendre ce qui lui arrive, est le seul membre du casting de The Mask à assurer le doublage de son personnage. Jim Carrey est remplacé par Rob Paulsen, qui s’en tire assez bien même s’il tente de l’imiter, mais dans la version française, le doublage de Stanley est bien assuré par Emmanuel Curtil, qui capture toujours la folie du Masque.

 

photoDe zéro à héros

 

The Mask, la série animée emprunte le schéma traditionnel des dessins animés de super-héros, avec des méchants récurrents qui apparaissent à chaque épisode pour essayer de prendre le masque, jusqu’à ce que Stanley le récupère et les arrête en utilisant ses pouvoirs.

L’animation fait pâle figure à côté de ce que Todd McFarlane’s Spawn (qu’on aime beaucoup) ou Batman, la série animée (qu’on aime encore plus) pouvait proposer et le ton cartoonesque est évidemment plus prononcé, parfois à outrance, mais la bouffonnerie et les répliques du Masque parviennent toujours à faire sourire, encore plus lorsque la série se permet quelques références plus matures en parodiant d’autres œuvres comme RamboTerminator ou des personnages de la culture populaire, comme le faisait Jim Carrey dans le film.

Drôle sans être mémorable, distrayante sans être captivante, The Mask, la série animée ne manque pourtant pas de créativité et deux des épisodes seront même écrit par John Arcudi, mais elle reste surtout contenue à un gentil divertissement enfantin. Un divertissement dans la veine des autres dessins animés autour de super-héros, pour ceux qui ont aimé The Mask et les autres films de Jim Carrey, à l’image de ce crossover organisé entre les personnages du Masque et d’Ace Ventura dans les deux adaptations animées.

 

photoDeux pour le prix d’un

 

La série s’est achevée deux ans plus tard, au terme de trois saisons, et donnera lieu à une adaptation sous la forme de comics, Les Aventures du MaskDes comics au cinéma à la télévision aux comics. La boucle avait été bouclée. Big Head a eu le droit à une autre série de comics, The Mask Strikes Back, ainsi qu’à quelques autres histoires et à l’aube des années 2000, il est plus ou moins retourné dans l’oubli, l’engouement autour du film étant terminé et Jim Carrey commençant à s’éloigner de son image de comique de service avec The Truman Show et Man on the moon.

Dark Horse a bien tenté de le ramener sur le devant de la scène, en vain, avec sa rencontre avec le Clown Prince du Crime dans Joker/Mask et dans une suite, Le fils du Mask, un film atroce qui n’a que pour vocation de tuer cérébralement ceux qui le regarde. The Mask a récemment fait un retour dans les comics pour une mini-série, I Pledge Allegiance to the Mask, sous la plume de Christopher Cantwell, l’un des créateurs de la série Halt and Catch Fire, avec des dessins de Patric Reynolds et une histoire dans laquelle Big Head veut devenir président des États-Unis.

The Mask aura marqué l’histoire des comics et des adaptations, à sa façon, et Big Head est un personnage assez unique en son genre. Qu’il soit un psychopathe meurtrier avec des pouvoirs surhumains, un employé de banque éperdument amoureux ou un gentil héros qui passe son temps à faire n’importe quoi, il reste quand même assez splendide.

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Kyle Reese

Et dire que je n’avais pas aimé le film, j.ai du passé à côté, je crois que j’avais trouvé ça lourd et pourtant j’aimais bien les tex Avery et était passionné à l’époque par tout ce qui touchait aux sfx numérique. Une révolution.
Plus tard j’ai découvert les pitreries de Jim Carrey dans Ace Ventura en Afrique et là ce fut la révélation. Peut être que les sfx et maquillages avaient masqué à mes yeux le génie du comédien. Je ne me lasse pas de revoir ses sketchs, à chaque fois je me dis ce mec est fou, un génie.

Hova23

Avec le 5ème élément et le dernier des Mohicans, The Mask fait parti des 3 classiques de mon enfance 🙂 Que de beaux souvenirs.. et quelle surprise quand quelques années après j’ai lu la BD dont le film est effectivement très éloigné mais dispose d’autant de qualités. La dualité des 2 supports et finalement un plus je trouve.