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Batman v Superman : film ultime de super-héros, ou ratage atomique ?

Par La Rédaction
26 avril 2023
MAJ : 21 mai 2024
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Batman v Superman : L’Aube de la justice : Batman v Superman une réussite ?

Avant Justice League et le Zack Snyder’s Justice League alias Snyder CutBatman v Superman : L’Aube de la justice de Zack Snyder a passionnément divisé le public. Retour sur ce combat de titans, mené par Ben Affleck et Henry Cavill.

La machine de guerre DC/Warner a des hauts et des bas, malgré les succès critiques de The Suicide Squad et The Batman, il y a eu les fours Black Adam et Shazam ! la Rage des dieux. Ainsi l’arrivée prochaine de The Flash et le nouvel univers cinématographique DC sont attendus de pied ferme par les fans. Pourtant il y a un film qui continue d’alimenter des débats des années après : Batman v Superman. Ridicule, grotesque et boursouflé pour les uns, épique, passionnant et complexe pour les autres, le film de Zack Snyder est un sujet sans fin. Comme le public (et la critique), l’équipe d’Écran Large n’est pas d’accord sur le sujet.

Après notre critique enthousiaste de la version cinéma de BvS, et encore plus heureuse de la version longue de Batman v Superman, retour sur ce gros morceau super-héroïque de 3 heures en ultimate cut.

 

 

OUI : LE DÉBUT 

Dans les comics, en dessin animé, en jeu vidéo, au cinéma… on ne compte plus les relectures du trauma originel de Bruce Wayne, qui vit ses parents assassinés sous ses yeux dans une ruelle lugubre. Autant dire qu’on pensait en avoir soupé. Mais c’était sans compter sur le goût de Zack Snyder pour les ouvertures léchées, son amour des cadres sophistiqués et d’une symbolique un peu lourdaude. 

Une recette qui lui permet de revisiter ces images pourtant connues et d’y apposer sa marque, son style, quand sous nos yeux, le jeune Bruce endeuillé, nimbé de chauves-souris, s’élève soudain du sol, pour mieux nous annoncer les ténèbres à venir et l’appétit avec lequel Batman s’y plongera. Cette introduction quasi-mystique est prolongée par une seconde, beaucoup plus rugueuse et matérielle, qui sert de contrechamp au climax de Man of Steel

Wayne tente d’y sauver ses collaborateurs dans un Metropolis devenu champ de bataille stellaire, alors que deux Kryptoniens la pulvérisent pour régler leurs différends. Allégorie du 11 septembre, nouveau trauma pour Bruce, et la naissance d’une froide résolution : neutraliser Superman. Cette deuxième couche offre au film une entrée en matière immersive, à la gravité stupéfiante. 

 

photoLa chute du pur

 

TRÈS BIEN : combat mythologique et politique

Zack Snyder a beau entrechoquer ses représentations mythologiques avec la finesse d’un enfant en crise d’hyperglycémie, l’entreprise réussit, grâce à la cohérence des figures qu’il convoque. Tous ses personnages reviennent à la matière première de ce qui fait la spécificité de DC Comics : traiter les super-héros comme des déités précipitées parmi les hommes. Ce souhait de puissance, cette volonté de se dépasser, situe tous ces fous-furieux dans un commentaire nietzschéen beaucoup plus nuancé que d’habitude chez le réalisateur. 

Car la confrontation des valeurs entre Superman et Batman le contraint à envisager le Dark Knight pour ce qu’il est devenu : une allégorie de l’impérialisme américain, qui considère toute remise en cause de ses acquis ou de ses intérêts matériel (tant l’exergue est mis sur les dégâts causés à l’entreprise Wayne) comme une menace inacceptable. Batman est la guerre préventive, quand Superman renvoie à une autre tare : l’accusation d’impureté idéologique. Peu importe que Batou combatte pour le bien et obtienne des résultats, ses méthodes ne sont acceptées par le Kryptonien qui veut obtenir sa soumission. Un choc des philosophies et des civilisations qui passionne Snyder. 

 

photo, Henry CavillDeux symboles s’affrontent

 

BOF : un duel artificiel

Superman a peut-être sauvé le monde entier, mais il a cassé plein d’immeubles et causé beaucoup de victimes, donc Batman a un problème avec lui. Batman, lui, essaie peut-être de sauver Gotham en l’expurgeant de ses gangsters et trafiquants d’humains, mais comme il n’hésite pas à être violent et faire régner la peur, Superman a un problème avec lui.

Si les enjeux de BvS peuvent être à ce point simplifiés, pour devenir ridicules et grossiers, c’est parce que le film ne les creuse pas – ou pas assez. Ils sont établis comme des faits, des évidences, que le spectateur doit accepter. Batman v Superman, c’est le titre, c’est l’enjeu, c’est comme ça. Il faudra plus ou moins se contenter de l’intro du film et quelques répliques pour comprendre la colère de Bruce Wayne, et même si c’est plus étalé côté Superman, ça reste léger. En quelques scènes, Clark découvre Gotham, découvre Wayne, découvre Batman, et décide que c’est un ennemi à stopper, ou abattre si nécessaire.

C’est d’autant plus frappant que BvS est un film qui privilégie la parole à l’action, et passe énormément de temps à écouter ses personnages. Il y avait donc toute la place pour expliciter ces colères, ces peurs, et montrer les déchirements moraux des personnages. Un peu de temps consacré à l’évolution et les étapes du « v » entre Batman et Superman aurait certainement donné plus de chair à leur affrontement.

 

photo, Ben Affleck, Henry CavillJ’aimerais que tu me beurres la biscotte, Bruce

 

NON : l’évolution trop rapide de Superman

Si Batman est la nuit (il est d’ailleurs filmé au début comme un monstre de film d’horreur), Superman est le jour, et le porteur d’espoir. Clark Kent l’incarne aussi, notamment lorsqu’il découvre la réalité de Gotham City, loin d’être aussi propre que Metropolis. Et la détermination de cette figure du Bien sera mise à rude épreuve face à Batman : il voit un grand danger dans ce justicier qui n’hésite pas à frapper, torturer et punir pour nettoyer les rues. Pour le monsieur propre de Krypton, l’homme chauve-souris est forcément un ennemi.

Mais comment écrire ce Superman qui va aller jusqu’à affronter un simple humain, alors qu’il avait hurlé de douleur en devant tuer Zod (certes son copain de planète, mais clairement devenu un monstre) ? C’est l’une des nombreuses facettes compliquées du scénario de BvS. Superman accepte de redescendre sur Terre et se présenter au sénat, pour rendre des comptes aux citoyens. Arrêter Batman, qui se place lui aussi au-dessus des lois, va dans ce sens. Mais Superman décide très (trop) vite de s’opposer violemment à Batman.

La colère et la frustration de Superman ont du sens dans sa trajectoire, mais elles sont un peu trop survolées dans l’intrigue. D’autant que contrairement à Batman, lui a déjà eu droit à sa présentation dans Man of Steel, ce qui a certainement pesé dans la balance pour BvS.

 

photo, Henry CavillStarlight, I will be chasing a starlight…

 

OUI : le choix de Ben Affleck

Choisir Ben Affleck n’a absolument rien d’anodin. Comédien reconnu, son expérience du côté des super-héros (avec Daredevil) a été un cuisant échec, et malgré l’électricité autour d’Argo, il est de notoriété publique que l’artiste lutte depuis plusieurs années avec de lourds problèmes d’addiction, qui ne l’ont pas aidé à gérer au mieux sa carrière. 

Un passif que Ben Affleck porte avec lui, et qu’il offre à Bruce Wayne. Malgré son indéniable puissance physique, on sent l’homme fatigué, prêt à basculer dans la méchanceté et le cynisme. Sa gloire passée n’est plus perceptible que par instants. C’est donc une véritable pulsion de mort qui habite le protagoniste, et en fait une incarnation unique du personnage, que l’ombre menace sans cesse d’engloutir.

 

photo, Ben AffleckAttention à la Bat-bonne-humeur

 

BOF : l’écriture de Batman

Dans BvS, Batman passe son temps à vouloir tuer Superman, en rageant de ne pas y arriver, et en culpabilisant de n’avoir pu sauver tant d’innocents écrasés dans Man of Steel. Dans Justice League, il passera son temps à regretter la mort de Superman, en rageant et en culpabilisant de n’avoir pu le sauver. La mécanique est répétitive, et enferme Bruce Wayne dans un nuage de tristesse un peu artificiel, comme s’il portait une pancarte « Droopy en thérapie » autour du cou.

Un sentiment exacerbé par la construction du personnage dans Batman v Superman, qui traverse un musée de traumas du début à la fin. Non seulement la mort de ses parents est remise en scène dès le début, mais le film alourdit le tableau par la suite. Un costume de feu Robin, une référence à Gotham qui abîme les meilleurs d’entre nous, et le milliardaire semble porter toute la misère du monde sur ses épaules carrées.

Sauf que le film passe finalement peu de temps à explorer, justifier et mettre en scène ces douleurs, préférant les poser comme des faits dans le décor. Si Batman en est là, c’est parce qu’il a coché toutes ces cases de la tragédie. Le scénario de David S. Goyer et Chris Terrio oscille ainsi entre les gros sabots (la mort des parents, à grands coups de ralentis et effets-chocs) et la simple évocation, avec une expression grave sur le visage de Ben Affleck pour insister. D’où la sensation d’un drame artificiel et forcé, voire crispé, qui condamne le personnage à avancer sur la même ligne droite de colère-désespoir, forcément monotone sur trois heures.

 

Photo Ben AffleckAlerte trauma

 

OUI : Lex Luthor

Bien des spectateurs ont été décontenancés par cette vision de l’ennemi juré de Superman. Pourtant, elle est à bien des égards fidèle à la nature profonde du personnage. Grand capitaliste ivre de pouvoir, humain désireux de s’élever jusqu’à l’Olympe, symbole de réussite sociale et grand complotiste devant l’éternel. 

Mais plutôt que de dupliquer simplement son apparence issue des comics, ou de singer les performances de Gene Hackman et Kevin Spacey, Snyder s’amuse à décliner ses principes à son époque. Luthor n’est donc plus uniquement un industriel, mais un petit génie de l’entrepreneuriat numérique et de l’innovation, une sorte de dark Zuckerberg qui flirte allègrement avec la caricature. Il est sauvé par le premier degré du réalisateur, qui ne veut jamais le tourner en ridicule, mais plutôt dévoiler sa dimension pathétique. 

Une relecture réussie également grâce à Jesse Eisenberg, qui met une invraisemblable foi dans son interprétation. Toujours sur le fil du surjeu et du cabotinage, il parvient à faire de son Lex une victime de son propre égo, un mégalomane sur le point d’implose et capable de distiller un authentique malaise, comme lors du discours exalté qu’il tente de donner lors d’un gala de charité. 

 

photo, Jesse Eisenberg« Sympa cette green lantern »

 

Oui : la musique

N’en déplaise aux oreilles fatiguées par les mélodies de Hans Zimmer (qui a inévitablement fini par se répéter vu son omniprésence), la bande originale de Man of Steel qu’il avait en partie composée avec Junkie XL était déjà une petite merveille, avec des morceaux fantastiques comme Arcade. Pour BvS, le duo s’est retrouvé, et c’est idéal : deux titans s’affrontent à l’écran, et la symphonie de ce duel est orchestrée par deux artistes très différents. Si Hans Zimmer représente l’archétype du compositeur hollywoodien émérite, à la trajectoire parfaite, Junkie XL est la nouvelle garde, venu de l’électro et la new wave.

Cette association a donné lieu à une musique extrêmement riche, qui contribue à la complexité de BvS. Grandiloquente, sensationnelle, mélancolique, explosive, la bande originale de Batman v Superman est à l’image d’un film qui déborde d’envie, et va dans plusieurs directions.

Difficile de ne pas s’attarder sur le thème inattendu de Wonder Woman, qui tranche avec le reste par sa légèreté, et les sonorités du violon électronique de Tina Guo. Mais il y a aussi le thème de Lex Luthor, avec The Red Capes Are Coming, qui traduit brillamment la folie un peu baroque du personnage, ou encore New Rules, un morceau plus sobre, mais très beau.

 

  

OUI : le sens du « Martha »

Pour beaucoup, la carte Martha a eu des airs de joker malvenu, de deus ex machina sorti du chapeau. C’est pourtant la clef (et quelle clef) de la superstructure imaginée par Snyder. Colosses aux pieds d’argile, dieux adolescents, Batman et Superman se sont laissés emporter par une spirale égotique et violente, quitte à être manipulés par celui qu’il prenne pour un vermisseau. 

Et quand tous deux s’affrontent, prêts à en découdre et causer la mort de leur adversaire, la seule chose qui peut les ramener sur terre, l’unique disjoncteur à cette machine folle, tient en 5 lettres. Si “Martha” calme si promptement leurs ardeurs, c’est parce que le patronyme dévoile leur vraie nature : deux orphelins traumatisés qui ont utilisé leur volonté de puissance à la manière d’une béquille, ici rompue par l’évocation de leur mère. 

En outre, il est plutôt malin de la part de Sndyer d’avoir ainsi recours aux figures maternelles, quand les mythologies respectives des personnages ont souvent mis l’emphase sur les legs paternels. Une manière de surprendre, mais aussi d’ancrer ces héros dans une humanité plus identifiable et concrète. 

 

photoUne perle cette Martha

 

MOYEN : lE SURJEU SUR « Martha »

Comme souvent dans BvS, il y a un gouffre entre l’intention et l’exécution. L’humanisation express de Bruce et Clark a beau avoir du sens dans le scénario, elle est écrite et mise en scène avec la finesse des chaussures compensées de Batman. Les dialogues lourdingues (« Find him ! Save Martha !« ), les flashbacks lourdingues (la tombe, la mort, le collier, la douleur), l’interprétation lourdingue (« What did you say that name ?!« ), et bien sûr l’arrivée de Lois pour sous-titrer la scène, le tout emballé dans une petite musique larmoyante… il y a quelque chose de lourd et grotesque, dans cette scène.

Après 18 mois de haine cocotte-minute contre Superman, il aura suffi d’un instant à Bruce Wayne pour baisser les armes, et ouvrir les yeux. Derrière le demi-dieu, il y a un homme. Qui a une maman. Et un petit coeur, comme lui. Cet ennemi n’était qu’un frère, et cette bataille, une bêtise.

Encore une fois, l’idée n’a rien de problématique dans le principe. Mais ce moment a beaucoup marqué, car c’est un possible point de rupture ultime : pour ceux qui étaient gênés par l’écriture, le ton et les enjeux, c’est la goutte d’eau. Celle qui amène à se demander pourquoi Superman n’a pas essayé de mentionner Lex à un moment ou un autre, pourquoi ce combat s’éternise alors que les yeux lasers auraient très bien pu cramer la chauve-souris très vite, ou pourquoi le film s’appelle Batman v Superman si leur affrontement n’est même pas l’apothéose, et est réglé en 30 secondes avec la mention de maman.

 

Batman v Superman : L'Aube de la justice : Photo Henry Cavill Diane LaneL’autre Martha

 

BOF : le climax laid de Doomsday

On a beaucoup critiqué l’affrontement final opposant Batman, Superman, Wonder Woman et Doomsday, comme étant un exemple de ce que les blockbusters contemporains ont de pire à offrir en matière d’orgie numérique. Et si indiscutablement, cette longue scène d’action tranche avec l’illusion de réalité tangible qui a traversé tout le récit jusqu’alors, elle est loin d’être intégralement à jeter. 

Tout d’abord, si déluge d’effets numériques il y a, ils sont globalement d’excellentes factures, à mille lieues des scènes d’action rarement finalisées du Marvel Cinematic Universe. Dès la naissance de Doomsday, les jeux de perspective, le travail sur les masses et le rendu organique de la créature impressionne. Une fois le monstre à l’air libre, Snyder peut se plaire à mélanger les francs hommages à Dragon ball Z et l’imagerie de catho-apocalypse qu’il affectionne. Visuellement, le résultat est souvent splendide, et intensément spectaculaire. Reste la question de la direction artistique, à savoir l’apparence de Doomsday, sorte de petit-déjeuner digéré à la va-vite, qui jure avec ce qui a précédé.

 

Batman v Superman : L’Aube de la justice : photo, Henry CavillForce rouge

 

Malheureusement, ce pauvre Doomsday n’est pas un personnage, même pas un symbole, et à peine un levier scénaristique utilisé pour conclure le récit. Par conséquent, il ne peut provoquer de conflits ou d’enjeux émotionnels dignes de ce nom. Un constat d’autant plus frappant que le film en vient à maltraiter une nouvelle fois le personnage de Lois, condamnée à aller récupérer la fameuse lance à Kryptonite, lors d’une séquence artificielle qui fait une fois de plus du personnage une demoiselle en détresse ajoutée vainement à l’ensemble. 

Le constat est d’autant plus rageant que l’enchaînement d’images fortes, la maîtrise technique de l’ensemble et l’ambition visuelle de Snyder laissent rêver à ce qu’aurait pu donner un film pensé pour narrer l’avènement de Doomsday, qui aurait laissé libre cours à l’inventivité de son réalisateur et à la veine catastrophiste de son intrigue. 

 

PhotoLa gueule de bois, une allégorie

 

BOF : BvS avec un climax sans Batman v Superman

Pour le spectateur qui s’impatientait de découvrir Batman v Superman, le blockbuster risque de déboucher sur une sacrée désauce. Dans Batman v Superman, l’affrontement entre Batman et Superman… n’est pas du tout le point d’orgue de la relation entre Batman et Superman. Et mine de rien, ce choix risqué joue à plusieurs niveaux contre le film et son impact sur le public. 

Le film n’a-t-il donc pas compris nos attentes ? S’en est-il moqué ? Difficile d’y voir clair dans cette dichotomie entre le programme annoncé et celui auquel nous avons. Il y avait pourtant tant à raconter autour de ces deux figures, et l’intrigue l’avait joué avec tant de force, d’emphase, jusqu’alors. On peut imaginer pourquoi le studio souhaitait une conclusion qui ouvre véritablement sur le film suivant déjà programmé pour être fabriqué à marche forcée, mais cette orientation abîme beaucoup la valeur du résultat final.

Le procédé donne l’impression que toute la progression dramatique opposant les deux super-héros a été parfaitement stérile, et qu’en fin de compte, ce scénario ne savait pas bien quoi nous raconter. Tout aussi embêtant, il contraint les nouveaux enjeux ainsi balancés dans le récit (l’alliance, le sacrifice, et la nécessité de former la Justice League) à se précipiter à toute vitesse, et dans le désordre. 

 

photo, Henry CavillQuelle idée de se battre en Bretagne aussi

 

NON : Lois LANE (ou lame)

Le moment Martha a tellement généré de colère et blagues que la nullité de Lois Lane dans la dernière partie du film a presque été oubliée. Certes, ce personnage de super-journaliste super-charmante super-naïve-qui-ne-reconnaît-pas-Clark-avec-ses-lunettes n’a jamais été le plus simple à écrire dans les adaptations de Superman, et la version incarnée par Amy Adams est certainement l’une des plus solides. Le choix d’une actrice si talentueuse, et si loin de la potiche, n’y est pas étranger.

Peu importe son humour, sa bravoure, son intelligence et sa carrière, Lois revient irrémédiablement au rôle d’éternelle demoiselle en détresse. Elle a alors tendance à finir menacée ou tuée par les méchants, utilisée comme un joli jouet par les scénaristes pour arranger l’intrigue (elle est kidnappée pour attirer Superman et Superman doit voler à son secours, elle est là au bon moment pour le regarder avec amour). Illustration magnifique de cette boucle infernale : la fameuse scène de la chute dans le vide et sauvetage de Superman, répétée dans Man of Steel et BvS.

 

photo, Amy AdamsAttention, ça va tomber

 

Mais ce n’est pas le pire dans BvS. Utilisée comme leurre par Lex, elle arrive pile-poil au bon moment du combat pour sauver Superman et expliquer le mot-clé Martha (ce qui est à peine moins grotesque que son arrivée dans la gare à la fin de Man of Steel). Ensuite, elle gère la fameuse lance de kryptonite. Parallèlement au chaos, elle va donc trouver un coin où s’en débarrasser, et la jette dans l’eau. Le temps qu’elle ressorte, le climax CGI a commencé au loin : elle comprend instantanément (et sans raison crédible) que Doomsday vient de Krypton, et que la lance pourrait le tuer.

La voilà donc repartie en arrière, à la pêche à la kryptonite. Sauf que tout s’écroule, qu’elle manque de se noyer, et que Superman vient la sauver. Il y aura aussi la scène d’adieux avant le sacrifice, et les larmes à la fin. Bref, le b.a-ba de la dramaturgie super-héroïque, pas forcément atroce, jamais vraiment intéressante, et parfois ridicule à souhait.

 

Amy Adams Henry CavillEt si tu restais chez toi avec un verre de vin ?

 

OUI : le style Snyder

Le cinéaste fait partie de ces créateurs d’images reconnaissables entre 1000. Son amour des ralentis, son désir d’entamer ses récits via des introductions stylisées à outrance, son rapport très emphatique à la musique, ses choix colorimétriques, tout concourt à en faire un des rares auteurs à encore pouvoir imposer leur patte au sein des blockbusters contemporains. Et quand vient l’heure de nous en mettre plein les mirettes, on retrouve tous les fondamentaux de l’artiste. Mais plus encore que du côté de la pyrotechnie, c’est dans ses séquences faussement calmes qu’il exprime toute sa verve.

 

Batman v Superman : L'Aube de la justice : Photo Ben Affleck, The BatmanDiscrétion des messages chez Snyder, allégorie

 

Que Superman traverse les couloirs du Sénat, ou que Luthor reçoive dans son bureau une politicienne qu’il méprise, il parvient toujours à insuffler une force épique à l’ensemble, en dépit d’une grande quantité de personnages, de sous-intrigues, et d‘un script qui ne lésine jamais sur les dialogues. La grandiloquence qui le menace toujours ne se départit jamais d’un ton terre-à-terre, totalement premier degré, qui permet à cette épopée de ne jamais perdre de son aura.

Mais ce qui achève de réjouir, ce sont les séquences les plus graves ou sombres, dans lesquelles Zack Snyder renoue avec une atmosphère quasi-horrifique, assez proche de ses trouvailles de L’Armée des morts. Ainsi, le cauchemar durant lequel intervient un alter ego de Batman évoquant Man-Bat ou encore la première scène à dévoiler le Dark Knight sont autant de profondes incursions dans l’horreur, qui tranchent puissamment avec les représentations actuelles des super-héros. Non seulement la grammaire cinématographique du metteur en scène est demeurée intacte face à ce bulldozer hollywoodien, mais ce sont toutes ses facettes qui sont ici convoquées.

 

photoL’heure de signer le constat

 

BOF : le style Snyder quand il va trop loin

Ceux qui aiment le cinéma de Zack Snyder en aiment les couleurs exagérées, les lumières éclatantes, les ralentis à l’extrême, et les effets de style outranciers. Et ceux qui détestent le cinéma de Zack Snyder citeront probablement les mêmes raisons. Batman v Superman a donc logiquement provoqué les mêmes crises dans ses excès, sans surprendre ses fans ou détracteurs.

Toutefois, même les âmes sensibles à son style peuvent trembler ou ricaner. Par exemple, dans l’intro où Bruce Wayne sauve une petite fille qui manque d’être écrasée par un poteau métallique en forme de croix, avant de regarder vers le ciel d’un air affecté. Ou face à Wonder Woman, mi-iconique mi-ridicule avec ses poses mettant en valeur son brushing ou sa moue.

Zack Snyder cherche perpétuellement à marier son amour des comics à celui du cinéma, pour retranscrire la beauté iconique des cases dans le mouvement d’un plan – c’était particulièrement évident et vivifiant dans Watchmen, précisément critiqué pour ça. D’où un maniérisme qui frôle parfois le grotesque, avec des acteurs réduits à des figurines dénaturalisées, où tout (le jeu d’acteur, le rythme, la cohérence) peut être sacrifié pour l’image et l’effet.

 

photo, Gal GadotPub pour après-shampoing ou moment héroïque ?

 

BOF : l’univers étendu, clé USB 

Pour dévoiler son univers étendu, le cinéaste a fait un pari audacieux : celui d’une séquence, connue sous l’appellation Knightmare, dont le statut est pour le moins flou, au cours de laquelle Batman mène une insurrection désespérée au beau milieu d’un monde post-apocalyptique. Parfaitement mise en scène, intrigante, spectaculaire et conclue par une petite introduction spatio-temporelle de Flash, la scène a de quoi impressionner, et surtout, ne prend pas le spectateur pour un bébé auquel il faut tout prémâcher. 

Sauf que voilà, pour un concept aiguisé et plastiquement abouti, il faudra également se fader une sous-intrigue interminable, qui voit Bruce hacker mollement les données de Lex-Corp, passer deux siècles à lire le contenu d’une clef USB, avant de nous balancer une série de micro-teasers. Le résultat visuellement immonde et narrativement hideux, renforce l’impression d’une interconnexion totalement foireuse et artificielle. Ce constat est d’autant plus criant que la pauvreté du montage, l’incohérence consistant à accompagner chaque nouveau perso d’une petite mélodie et d’un logo rappelle plus un épisode anecdotique de Mortal Kombat que la naissance d’une vaste mythologie.

 

photo, Jason MomoaAqua-caméo

 

Revoir BvS, c’est donc voyager dans le temps, vers une époque où le film devait ouvrir un grand univers. Zack Snyder a depuis laissé entendre que Lois devait bel et bien mourir, ce qui aurait mis Superman sur une pente glissante vers le côté obscur de la Force. Le réalisateur avait mentionné l’équation Anti-vie, un élément important des comics convoité par Darkseid, et qui permet de contrôler les esprits. De quoi imaginer un Superman affaibli, et manipulé par le vilain pour encadrer son invasion. Bref, des aventures épiques.

Sachant que Snyder avait visiblement prévu une aventure cosmique avec une trilogie Justice League, en partie dans l’espace et avec Green Lantern dans le coin, il y a de quoi regarder ce Knightmare en bavant et fantasmant. La Zack Snyder’s Justice League sortie ensuite n’a fait que renforcer ce rêve brisé péniblement recollé d’un univers étendu qu’on attendait.

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Zurdo

J’ai aimé ce film même s’il a pas été au niveau de mes attentes, j’étais tellement hypé avant sa sortie… ce climax foiré et la chute de tension abrupte entre Batman et Superman avec le fameux Martha me fait mal au cœur à chaque visionnage.

Je suis partagé à la fois sur BvS et ZSJL (Man of Steel est pour moi quasi parfait) et sur Zack lui même. J’aime sa vision mythologique des super-héros et son univers. On l’aime ou pas mais il a une patte, un cinéma. Mais en même temps son côté manipulateur envers ses propres fans pour peser sur les studios et leur tordre le bras pour avoir une seconde chance pour rattraper ses ratages me dérange. Oui la version longue est meilleure, mais tous les réalisateurs n’ont pas une deuxième chance quand leur film se plante. La faute à Warner? Nolan (la encore on aime ou pas) est chez Warner et n’a pas besoin de seconde chance. Et JL était tellement mauvais que l’excuse du studio boucher est peut être réelle, mais clairement insuffisante.

J’attends Rebel Moon avec impatience. On verra s’il est encore capable de sortir un film solide du premier coup car Netflix n’est pas du genre à dépenser des millions pour faire un director’s cut et lui sauver la mise.

Les mots ont un sens

Ratage atomique? mais vous êtes sérieux de mettre des titres p… à clique comme ça ?
Stop avec les superlatifs qui n’ont plus aucun sens.
Vous êtes normalement des personnes qui maitrisent le pouvoir des mots et leur sens.
Autant un blogeur du dimanche et un gus qui commente, je peux la comprendre, c’est pas son métier, il n’a pas été formé pour ça, maitrise pas les code de la rédaction … contrairement à vous. Et oui, votre rôle c’est aussi de sauvegarder le sens des mots à leur juste valeur.
Aujourd’hui tout est atomique, naufrage, abyssale, chef d’œuvre et j’en passe. Du coup, quand vous les employez, il n’y a plus aucun poids au mots.
« Les mots ont un sens » non de non.
« peace » comme dirait un blogeur du dimanche

Grift

What did you say that name ? -> Why did you say that name ?

Lili44

Un grand oui pour la version longue. Malgré quelques lourdeurs et surenchères le souffle épique qui traverse BvS enterre les Marvelades kitsch et dégoulinantes de CGI bâclés. Au-delà de ses excès Snyder reste un authentique cinéaste avec un univers, du style et, surtout, une vision.

omg

On est d’accord. Il n’avait absolument aucune idée du film qu’il voulait faire, a mis tout un shacker et du coût c’est dégueulasse

Emeth

Pas sûre d’avoir vu la version longue mais je me suis endormie devant le combat final contre Doomsday, personnage que je trouve peu charismatique . Contrairement à Lex Luthor, qui ressemble à une version névrosée d’un entrepreneur de la Silicon Valley particulièrement dans la première moitié du film. J’ai trouvé certains personnages secondaires comme la sénatrice, le patron de Lois, Lois elle-même presque plus nuancés et intéressants que le trio de super-héros . Je reste nostalgique de Watchmen que j’avais adoré

DjFab

Film ultime de super-héros ! (version longue)

@Rayan : tu es passé à côté du film (fatigué ?) (à voir en version longue).

Rayan

Un des pires films que je n ai jamais vu, sans queue ni tête, je ne comprendrais jamais comment des exécutifs ont vu ça et ils se sont dit banco 1,5 milliard

Rastan999

Pour moi le problème c’est et le suivant: Zack et les studios ont adapté une histoire sombre inconnu du grand public. Avant de se taper dessus, superman et Batman sont avant tout amis. C’est là qu’il aurait fallu commencer. Cela aurait été beaucoup plus simple. Donc un film sur leur rencontre, la justice League et ensuite seulement l’opposition fratricide de deux amis exceptionnelles.. Le délire Batman vs. Superman est avant tout un délire de Frank Miller qui le construit sur l’affection qu’à le plublic pour l’amitié des deux héros. Or ici il manque cet élément. Le film est trop noir, trop vite.

Spooky

Un putain de film !