Neil Marshall a beaucoup fait parler de lui récemment, grâce à (à cause de ?) sa version de Hellboy, dézinguée par la critique et boudée par le public (malgré des qualités indéniables, mais l’avis de l’auteur de ces lignes n’engage que lui). Néanmoins, le metteur en scène n’a pas toujours été aussi méprisé. Avant ça, il a mis en boite quelques excellents épisodes de Game of Thrones, Doomsday et surtout le définitif The Descent.
Mais les vieux de la vieille et les amateurs de lycanthropes se rappellent aussi du long-métrage qui l’a révélé, un modèle de série B avec des tripes et autant d’humour que d’amour : Dog Soldiers. Donc avant de replonger dans les grottes hantées qui en ont fait un artiste de la terreur (ça sera pour la semaine prochaine), on revient sur ce petit film au grand coeur.
Les loups-garous de Thiercelieux : l’escape game
Who let the dogs out ?
Tour à tour adulé, moqué et honni, qui est Neil Marshall, le sujet de discussion favori de tous les cinéphiles bourrins ? Son parcours est très classique : jeune nerd gavé trop tôt au cinéma d’horreur, il fait des études de cinéma dans son Angleterre natale et finit monteur indépendant. Une formation logique quand on s’intéresse à ses films. Il se prend d’amitié pour Keith Bell, un autre cinéphage, et les deux hommes décident de chacun écrire un film, produit par l’autre. Une fois le contrat, griffonné sur un coin de table une soirée de biture, signé, ils imaginent très vite une confrontation entre des soldats pas très expérimentés et une horde de loups-garous féroces.
Comme toujours pour un premier long-métrage, et surtout une série B d’horreur, la production de Dog Soldiers est longue. Le réalisateur / auteur présente l’idée en 1995, et son film sort en 2002, après un tournage débutant en 2001. Sept ans de malheur durant lesquels différents décors sont testés, abandonnés (le Canada ou même l’île de Man ont été envisagés), et de multiples réécritures maladives se succèdent, pour aboutir à un potentiel modèle d’efficacité, compte tenu du budget très réduit, à peine 2,3 millions de livres.
Il faudra donc faire sans effets spéciaux trop spectaculaires, décors trop grands et sans stars en devenir, puisque Jason Statham, un moment attaché au projet, a préféré tourner Ghosts of Mars pour Big John et que Simon Pegg, envisagé pour le rôle de Spoon, avait promis à Edgar Wright que son premier rôle au cinéma serait Shaun of the Dead.
Qu’importe : grand amateur de cinéma de genre, Marshall se débrouille avec ce qu’il a et use de ses armes à lui (un sens du montage acéré et une cinéphilie à toute épreuve) pour aller jusqu’au bout de ce qu’il considère avant tout comme une série B anonyme, mais honnête, pas vouée à rester dans les esprits. Et en un sens, il a raison.
Les jours sombres du chevalier Oignon
Lunaire
« Tout le monde s’est dit : ‘Ça va être un super film à regarder en revenant du pub’. Et c’était le public visé : le public post-pub du vendredi soir. » confiait le réalisateur à la chaîne HeyUGuys à l’occasion de la re-masterisation du film en 4K. Même si Dog Soldiers est « Trop ambitieux pour un premier long-métrage », il s’impose comme une série B parfaite dans son imperfection. Il faut dire qu’elle parvient à émerger in extremis, alors que le cinéma et les effets spéciaux numériques vont bientôt envahir les festivals spécialisés où s’épanouissent ce genre de péloches.
Le réalisateur refuse de métamorphoser ses loups-garous via le morphing, cette technique de la préhistoire du CGI gâchant la moitié des productions horrifiques de l’époque. S’il faut une transformation – et que serait un film de loup-garou sans une scène de transformation ? -, elle se fera derrière une table. Caoutchouteux, Dog Soldiers l’est assurément. Fauché, il l’est indéniablement. Fun, il l’est encore plus.
Un petit air de La Nuit des morts vivants, aussi
Au niveau de la technique, il survient aussi au bon moment : le tournage se fait en 16mm, format pris en charge par des caméras bien plus légères que les grosses machines du 35mm. Une décision qui permet de filmer vite et bien, mais surtout de dynamiser en permanence l’ensemble grâce à une impression de légèreté a priori impossible à obtenir avec si peu de budget. De fait, si la mise en scène parait à première vue absolument anarchique, elle est en réalité extrêmement travaillée, et si elle sur-découpe autant l’action, c’est autant pour ménager les apparitions des bestioles et le cardiogramme des investisseurs que pour muscler l’empoignade entre deux camps qui ne supportent pas les plans longs.
Certes, Dog Soldiers souffre parfois de son statut de premier film et de son budget. En pleine nature, pendant la première moitié, le directeur de la photographie Sam McCurdy doit forcément composer avec des moyens réduits, et l’âpreté du look de cette partie le prouve bien. Marshall a également tendance à un peu trop surligner les effets ou les éléments qui lui ont coûté cher, histoire de les rentabiliser un maximum. Un travers cormanesque qui donne par exemple l’atterrissage de l’hélicoptère au début. Pour mettre à profit l’engin, probablement loué à prix coûtant, il le case dans 21 plans en plus d’une minute, sans même compter les plans aériens qui encadrent la séquence.
Pas d’argent, mais des histoires glauques à raconter
Le Marshall et les shérifs
Mais ça reste un film de monteur, et même de monteur très malin, clairement formé à l’école Sam Raimi. Comme dans Evil Dead, auquel il fait d’ailleurs allégrement référence, la caméra est moins un point de vue que le rouage d’une machine de mouvement perpétuel, multipliant les audaces pour faire de chaque scène un délice grotesque et bourrin. Il faut voir ces plans suivants méticuleusement, les va-et-vient d’un rechargement de fusil à pompe insérés en rythme avec les coups de feu : Marshall a tout pensé comme matière à montage, d’où cette impression d’immense clip gore.
Il se place aussi dans le sillage d’autres maîtres, s’étant au début des années 1980 essayés au genre du film de loup-garou et plus généralement de grosses bestioles (trop rare malheureusement), qu’il honore sans singer. Il y a John Landis évidemment, Russell Mulcahy, mais surtout Joe Dante, lui aussi un ancien monteur aux rennes d’un film d’horreur plein de griffes, de pleines lunes et de violence. L’ombre d’Hurlements plane sur chaque photogramme de Dog soldiers, que ce soit dans le design des bestioles, très imposantes, dans leur mystification, ou dans l’art de la rupture de ton.
Des loups-garous qui s’épilent, quand même
Il n’y a que des monteurs aguerris pour si bien parvenir à passer de l’horreur pure à la comédie, au gré des raccords et des répliques. Presque aussi référentiel que son mentor (même Matrix et Zabriskie Point y passent), Marshall distille son humour en misant sur une forme d’absurdité tout droit héritée des canons dont il s’inspire. Dans le scénario original, le pauvre sergent éventré se faisait croquer les tripes par le chien. Dans le résultat final, c’est son bandage que le canidé boulotte, mais ça ne change pas grand-chose : grinçant, crado, parodiant la brutalité obscène des survival guerriers, le scénariste s’amuse subtilement sans jamais complètement trahir son postulat horrifique.
Voilà peut-être la marque d’une série B réussie, un « cult movie », comme ils le désignent outre-Atlantique. Le cinéaste cultive le sens de la réplique qui tue (« va chercher ! »), injectant ce qu’il faut de digressions humoristiques dans un film de monstre. La recette du divertissement type, servie par une mise en scène inspirée quoi qu’imparfaite et un amour transparent du cinéma de genre et de la figure du lycanthrope. La carte de visite idéale, en somme.
Le professeur Lupin a la dalle
Les portes de l’enfer
Réalisateurs en devenir, observez bien Dog Soldiers : en se laissant aller à la démonstration de mise en scène fauchée et en citant tout un pan du cinéma d’horreur étasunien, le film a clairement été l’élément clé de la carrière du réalisateur. On sait les producteurs américains très friands des festivals spécialisés, où ils recrutent les plus brillants des auteurs indépendants. Dog Soldiers est taillé pour l’exercice : c’est, sans jeu de mots, une bête de festival, parlant directement à l’âme des bisseux les plus experts. Il a d’ailleurs raflé le corbeau d’or et le prix du public lors du prestigieux, traditionnel et non moins délirant BIFFF (Brussel International Fantastic Film Festival) en 2002.
C’est bien pour ça qu’au lieu d’être officiellement recontacté pour une suite amorcée par le plan où Megan se coupe sur du verre (une sombre histoire d’ADN lycanthrope était à l’étude), Neil Marshall est passé à l’étape supérieure avec son chef-d’œuvre The Descent, abandonnant totalement au passage le sur-découpage pour le sur-cadrage. Il restera toujours un monteur avant tout.
Au cinéma, les entretiens d’embauche peuvent coûter plusieurs millions de livres, et c’est exactement ce qu’est Dog Soldiers. Un gigantesque entretien d’embauche tout en style, en balbutiements et en maîtrise, validé par ses recruteurs, c’est-à-dire les studios, mais aussi la presse, qui n’a pas manqué de souligner l’inventivité de la proposition.Un fait rare pour un film d’épouvante gentiment stupide au début des années 2000.
Finalement, c’est typiquement ce que le public veut voir, Marshall compris, puisqu’après deux excellents épisodes pour la plus grosse série de la décennie (Game of Thrones) et plusieurs longs-métrages boudés soit par le public (l’épique bide Centurion), soit par la critique (Doomsday), soit par les deux (Hellboy), il revient en 2020 avec une nouvelle série B destinée à mettre l’ambiance lors des grandes messes fantastiques de l’année : The Reckoning. Un retour aux sources inespéré, et qu’on attend avec impatience, malgré la situation sanitaire.
Petit budget pour un bon film de genre…de Neil Marshall je conseillerai Doomsday une autre bonne série b du genre apocalyptique…
l’un de mes marshall favoris, de la bonne série b comme on aime, plutôt bien interprété par ailleurs, sean pertwee, kevin mc kidd, liam cunningham, entre autres, j’adore également la musique, vraiment chouette,
j’espère vraiment voir un deuxième film, avec un plus gros budget, cette fois!!
Très bon film de Loup-garous (genre trop rare sur les écrans) malgré son petit budget
Avec la petite touche d’humour finale. L’existence des Loups Garou se diffuse dans la presse mais le grand public n’est intéressé que par le 0-5 encaissé par les Lions face aux teutons en foot. 🙂
à noter qu’une suite serait actuellement à l’étude, marshall revient à ses premiers amours!!
ha bon ben je vais finir par m’abonner, si vous me prenez par les sentiments!!
Je me rappel l avoir loué au vidéo club à l époque, ça m’avait marqué d ailleurs, faudrait que je le revoie.
Autre top l’unique saison de « La malédiction du Loup-Garou » avec ses loups magnifiques !
Trop top
Euh, rectification, c’est Wolfman (director cuts) le dernier que j’ai apprécié.