Certes, Krokmou est super mignon, et le film est un bijou narratif. Mais le vrai génie de Dragons ne résiderait-il pas dans sa musique ?
Si le studio Dreamworks s’est principalement démarqué de son concurrent Pixar par son second degré, le premier volet de Dragons s’est révélé être un petit miracle inattendu. En allant chercher Chris Sanders et Dean DeBlois (qui avaient auparavant travaillé sur Mulan ou encore Lilo & Stitch), la firme a signé une adaptation flamboyante du roman jeunesse de Cressida Cowell.
Point de départ de la trilogie d’animation la plus cohérente, magnifique et complète depuis Toy Story, Dragons ne doit pas son succès qu’au charme évident de Krokmou. Grâce à une variation rigoureuse autour du cycle héroïque campbellien, DeBlois (seul à la barre sur les suites) a permis à Harold, son protagoniste, de devenir le porte-étendard d’un récit puissamment universel.
Mais pour donner corps à ce parcours initiatique et à son merveilleux univers de fantasy, Dragons a pu se reposer sur une musique proprement exceptionnelle, considérée à raison comme l’une des bandes-originales les plus importantes de ces vingt dernières années. Du coup, revenons ensemble sur cette prouesse, due au talent de John Powell.
Attention, ce vol s’annonce inoubliable !
Qui a fait ça ?
Comme beaucoup de compositeurs ayant débuté leur carrière dans les années 90, John Powell a rejoint Media Ventures, le fameux studio d’Hans Zimmer aujourd’hui appelé Remote Control Productions. Très vite, il a commencé à s’imposer parmi les collaborateurs importants de son modèle germanique, après avoir fait ses armes sur Volte/Face de John Woo. Mais là où Zimmer a parfois souffert de son approche épurée (qui a dit limitée ?) du solfège, Powell s’est affirmé comme l’un de ses meilleurs disciples, en s’appropriant à la fois sa gestion de l’électronique et du sound-design, mais aussi une palette orchestrale plus riche et complète.
De cette façon, l’auteur est devenu un caméléon particulièrement productif, capable de passer des techno-thrillers de Paul Greengrass (les Jason Bourne, Vol 93) aux pingouins dansants de George Miller (Happy Feet). Mais surtout, il a beaucoup partagé le crédit de ses premières partitions, notamment avec Zimmer et Harry Gregson-Williams sur de nombreux films d’animation, à commencer du côté de Dreamworks. Après Fourmiz, La Route d’El Dorado, Shrek et Kung Fu Panda, John Powell a trouvé une forme de consécration en s’occupant seul de la bande-originale de Dragons. Ça tombe bien, c’est son chef-d’œuvre !
Krokmou de Pavlov
On ne dit jamais assez à quel point l’introduction de Dragons est une pure merveille d’efficacité. En une poignée de scènes et la voix-off parfaitement écrite d’Harold, on comprend tout de l’île de Beurk, de ses Vikings et de leur combat ancestral contre les dragons. Tout en parvenant à introduire le héros, son père Stoïck ou encore la jeune Astrid, le film laisse à John Powell un boulevard pour placer la plupart de ses motifs musicaux, condensés dans la géniale piste This is Berk.
Alors que le leitmotiv entourant Harold se déploie doucement avec des cors durant le logo Dreamworks, le morceau enchaîne avec une fluidité désarmante une palette où chaque instrument a l’occasion de briller. Tandis que les percussions et les cuivres soulignent le courage et les dogmes des Vikings, les clarinettes et les flûtes abordent la magie du monde des dragons, nous invitant plus que jamais à pénétrer dans ses couleurs chatoyantes.
La BO accompagne ainsi la mise en scène entraînante de la séquence, et impose son écriture orchestrale épique, puisant tour à tour dans les monuments de la musique classique (Wagner en tête), dans les inspirations jazzy de John Williams (en particulier sa gestion du contretemps) et dans la rythmique des violons celtiques.
Stoïck, le meilleur rôle de Gerard Butler
Dès lors, les thèmes immédiatement reconnaissables de Dragons ont surtout le mérite d’être implantés dans l’esprit du spectateur le plus tôt possible, facilitant ainsi un parcours émotionnel fondé sur les variations de ces mêmes thèmes. À vrai dire, le brio de John Powell est d’avoir, comme le film, gardé sa meilleure cartouche pour la suite, en conservant le leitmotiv de Krokmou pour sa première véritable apparition dans le récit (The Downed Dragon). À travers un violon et une guitare aux atours presque orientaux, la Furie Nocturne est immédiatement renvoyée à son aspect rare, voire exotique, avant que le compositeur n’introduise de nouveau sa suite de quartolets sautillants dans un mode majeur revitalisant.
La BO de Dragons appelle d’ailleurs à une écoute active bien trop rare dans la musique de film, en variant son orchestration avec des instruments qui titillent immédiatement l’oreille, comme le xylophone et le marimba dans le morceau Forbidden Friendship. Mais surtout, cette variété fait du travail de John Powell un élément essentiel dans la réussite du long-métrage, un liant merveilleux pour l’un des rares films Dreamworks qui ne tombe pas dans la simple gaudriole cynique et sans enjeux. La partition jongle avec maîtrise entre l’émotion, l’humour et la dimension fondamentalement épique de ce récit de fantasy.
S’il ne fallait en garder qu’une…
Toutes ces qualités trouvent leur apogée dans la meilleure scène de Dragons, à savoir le premier vol d’Harold sur le dos de Krokmou. Pour rappel, ce dernier est incapable de s’orienter après avoir perdu un aileron de queue, et le héros lui construit donc une prothèse qu’il peut contrôler pour épauler son nouvel ami. Dès lors, John Powell utilise le morceau Test Drive pour marquer la complicité des deux personnages, en combinant leurs leitmotivs respectifs.
La piste se construit ainsi sur un crescendo, en laissant d’abord les instruments intervenir chacun à leur tour. Tout en soulignant le manque de confiance d’Harold, la musique se montre en adéquation parfaite avec les travellings amples de la séquence, nous embarquant avec le protagoniste dans sa redécouverte d’une nature sublime. Et puis, après une montée des cordes stressante lors de la chute de nos héros, l’orchestre se regroupe dans une explosion lyrique démente, magnifiant la symbiose des deux personnages avec une nouvelle mélodie qui dresse les poils sur l’épiderme.
Il en reste quoi ?
Avec ses sonorités particulières mêlées à un travail symphonique exceptionnel, la bande-originale de Dragons s’est imposée comme un modèle pour l’heroic fantasy contemporaine. Capable d’être retrouvée dans les playlists de compagnie des rôlistes, la musique de John Powell a nourri les cadors du genre, notamment du côté du jeu vidéo (on pense à certaines envies stylistiques de The Witcher 3 par exemple).
Mais surtout, avec ces fantastiques fondations, John Powell a pu transcender ses thèmes avec les deux volets suivants. En poussant dans leurs retranchements ses orchestrations, l’artiste a confirmé à quel point il était un rouage primordial dans le génie thématique des trois films.
Que celui qui n’a pas pleuré à la fin de Dragons 3 nous jette la première pierre
Aujourd’hui, Dragons est considéré comme l’une des sagas les plus intelligentes et touchantes sur le passage à l’âge adulte. Pour sûr, Powell a eu son rôle à jouer dans cette illustration parfaite du cycle héroïque campbellien, grâce à une compréhension aiguë du pouvoir des leitmotivs, directement héritée de John Williams.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Powell a fait partie des rares privilégiés qui ont repris le flambeau de l’univers Star Wars. Et si le bonhomme a dû se limiter à collaborer sur le décevant Solo : A Star Wars Story, il est néanmoins parvenu à transcender l’exercice. Et devinez quoi, on tient là encore l’une des meilleures musiques de film des années 2010. Il est fort ce John !
Chose a signaler le design des personnages a été fait par le français Nicolas Marlet, il a aussi fait le design de Kung fu Panda.
Une BO rare en effet. Une pépite.
La BO du 2 est un peu en dessous, selon moi. Mais celle du 3 finit par cet incroyable morceau « Once there were dragons », avec la reprise du thème dans une orchestration juste magique.
Tellement envie de voir/entendre ça en ciné-concert !!
Très bonne bo, en effet.
Par contre, je suis resté de marbre débat les suites de Dragon.
J’adore le 1 mais alors le reste n’a été qu’une pénible descente encore enfers. De génial, on est passé à cool puis à mehhh…
De dreamworks je préfère la trilogie Kung-fu panda.
D’ailleurs, j’ai les mêmes goûts que Guillermo Del Toro qui en est devenu producteur
Elle fait parti de mes bo qui tournent en boucle et que je chantonne sous la douche.
Et je chiale tout le temps sur certains morceaux.
Sinon Powell, et je ne crois que vous l’ayez mentionné, mais la bo de Hancock est aussi merveilleuse.
Je vous conseille d’enchaîner Death and Transfiguration et the moon and the superhero
https://youtu.be/YfsuVpbQGJk
https://youtu.be/gH52Z9cOPsE
FRISSONS
Entièrement d’accord!!! Tout simplement magnifique.
Une magnifique BO pour une magnifique saga, parmi les meilleurs films des deux dernières décennies pour les adultes ET les enfants.
Depuis, le nom de John POWELL au casting peut me suffire à aller voir un film. Bravo Monsieur.
Et complètement d’accord concernant le morceau Test Drive, j’en avais des frissons juste en lisant les lignes de l’article et en me remémorant la scène et sa musique ! De la pure magie, cette séquence est tout simplement parfaite !
Cette bande originale est magique