Il y a les films qui inquiètent, ceux qui nous font trembler, et les grandes trouillasses. Celles dont Christopher Smith est un des grands chefs d’orchestre. Pour la sortie en France du ténébreux Banishing – La Demeure du mal, on décortique son cinéma.
Quand surgit Creep en 2004, c’est un petit choc au sein de la communauté des amateurs d’horreur qui tâche. Terrifiant, le premier film de Christopher Smith impose d’emblée un auteur, un artisan déjà maître en matière de terreur, et un technicien en pleine maîtrise des moyens à sa disposition.
C’est presque 20 ans plus tard que nous débarque en France son nouveau long-métrage, Banishing, un récit aux faux airs de maison hantée classique, dans lequel on retrouve tous ses motifs. Mais qu’est-ce que c’est, un film de Christopher Smith ? Pour accompagner la sortie de cette nouvelle bouffée d’horreur, disponible en DVD, Blu-Ray et VOD, voici un petit guide des cauchemars made in Christopher Smith.
« Auriez-vous un instant pour parler de notre seigneur et maître, Christopher Smith ? »
TOUT POUR LA PEUR
Le cinéma fantastique ou d’horreur demeure, depuis des décennies, un des genres les plus populaires, celui qui draine souvent un public jeune, en quête d’adrénaline et de bizarreries sanguinolentes projetées sur un grand écran. En témoigne les succès de nombreuses franchises, parmi lesquelles Conjuring, mètre étalon de l’exploitation industrielle.
Pour plaisants que soient parfois ces longs-métrages, cherchent-ils véritablement à angoisser leur public ? A le faire se recroqueviller dans leurs sièges ? Pas tout à fait, comme l’indique leur mécanique la plus fréquemment usitée : le jump scare. Soit un sursaut qui vise à procurer l’adrénaline, plus que la peur. Une scène inoubliable de Creep, le premier film de Smith, démontre qu’il prend cette question par l’autre bout de la lorgnette.
Après une demi-heure de récit, alors que nous n’avons toujours pas pu voir à quoi ressemble la chose mystérieuse qui découpe des quidams dans le métro. La malheureuse Franka Potente s’est dissimulée dans les ténèbres, espérant lui échapper. Alors que nous n’entendons plus que sa respiration, tout indique que nous allons violemment sursauter.
Mais pour y parvenir, Smith n’y va pas à coup de mixage sonore tonitruant, ou de mouvement de caméra brutal. Pas même un surgissement dans l’image. Il allume la lumière, le plus simplement du monde, l’accompagnement du modeste, presque irréel cliquetis d’un interrupteur, et dévoile le visage impassible de son monstre, sans musique, sans expression, sans affect.
Cette apparition “nue”, faussement simple permet au public d’investir lui-même son angoisse, de nourrir cette apparition de son propre inconscient et de la rendre d’autant plus insupportable qu’il est impossible de s’en détourner ou de se focaliser sur un endroit de l’écran plus sûr. Ce procédé puissant, sorte d’anti-jump-scare qui joue sur les différences de lumière, le gros plan et l’inéluctabilité se retrouve bien sûr dans Banishing, notamment lorsque Jessica Brown Findlay est finalement confrontée aux noirs secrets maudissant sa demeure.
APPARENCES TROMPEUSES
Les choses ne sont jamais ce qu’elles paraissent chez Smith. Ses univers se retournent toujours inexorablement, comme autant de gants. A nouveau convoquons Creep. Le scénario prend d’abord des airs de slasher, puis la photographie nous immerge dans une fantasmagorie qui emprunte aux cinémas italiens et ibériques, avant de se transformer en réflexion démente et terrible sur une certaine forme de violence médicale.
Le procédé est encore plus frappant dans Severance, où ce qui devait être un jeu de rôle pour cadres cyniques va d’une part se révéler un authentique jeu de massacre perpétré par les victimes des armes que vend leur entreprise, mais aussi faire des travailleurs fâlots de véritables meurtriers de masse.
A ce petit jeu-là, c’est sans doute l’impressionnant Black Death qui aura joué la carte la plus puissante. Là où le spectateur se demande bien dans quel type de conte surnaturel il a été abandonné en rase campagne, il va assister à une révolution d’une brutalité sans nom. Ces chevaliers qui investiguent un mystérieux village épargné par la peste noire ne s’avéreront pas de nobles âmes venues en remontrer à une sorcière, mais bien les porteurs de l’intolérance religieuse, du fanatisme et in fine, de la mort la plus noire qui soit.
DANS LES TENEBRES
Bien sûr Christopher Smith a peuplé ses films boogeymens découpeurs, de boucles temporelles transformant d’innocents plaisanciers en tueurs en série forcenés, d’esprits frappeurs… mais jamais le cinéaste ne confie à ses monstres ou éléments perturbateurs la tâche de porter sur leurs épaules l’horreur du monde. Et s’ils sont des vecteurs d’effroi radicaux, s’ils fondent sur nos héros, c’est d’abord parce qu’ils nous permettent d’en comprendre les zones d’ombres, les ténèbres intérieures.
Les héros de Smith sont souvent des héroïnes, et Banishing ne fait pas exception à la règle, tant le métrage se plaît à nous plonger au coeur de la psyché d’une mère de famille que le dévoilement de secrets monstrueux va forcer à reconsidérer son quotidien. Cette figure traverse le cinéma de Smith, dès Creep, où une berlinoise aux airs de fashionista cocaïnée va être confrontée à une violence masculine, laquelle écrase tout sur son passage, à commencer par ses auteurs. On pourrait en dire autant de Black Death, dont les héros ne seront ni les prêtres ni les gens d’arme, mais bien une sorcière (dans l’acceptation première du terme) génialement interprétée par Carice van Houten.
Une certaine idée du désespoir
Mais ce principe est sans doute le plus génialement mis en image dans Triangle, où Melissa George tente de comprendre par quelle diablerie elle s’est retrouvée coincée dans une boucle temporelle insoluble. Il sera là aussi question de violence, d’oppression, mais pas d’origine mâle. Nulle guerre des sexes ici, le mal ultime que doit confronter Jess, c’est sa culpabilité, sa certitude d’être une mauvaise mère, qui ne lui laisse plus d’autres alternatives que revivre ad vitam la même spirale de violence irrépressible.
Implacable, noir et puissant, tout le cinéma de Christopher Smith nous attend dans Banishing – La Demeure du mal, et on s’en réjouit.
Ceci est un article publié dans le cadre d’un partenariat. Mais c’est quoi un partenariat Ecran Large ?
Personne ne parle de détour?
Pour moi son meilleur film dans les derniers et clairement le plus malin.
Triangle, très bien mais on comprend vite le principe
Severance et Creep sympa mais ça commence à remonter.
Black death, bof
Jetez vous sur détour si vous l’avez pas vu 😉
Triangle excellent, j’ai découvert Cohérence aussi le meme soir , les 2 bonne clakouz
Jamais vu Creep, faudrait que je me lance, il m’a toujours tenté.
Black Death et surtout Triangle sont vraiment très bons. J’ai bien aimé Severance avec sa touche humoristique.
Par contre le reste de sa filmo… Je sais pas, au vu des synopsis ça me dit trop rien
Triangle c’est quelque chose ! J’avais vu ce film le même soir que Timecrimes de Vigalondo !
A voir (les 2) et à faire connaitre !!!
@JR
Grabbers, pas vu mais je vais mater ça prochainement. Le monde est petit, dernièrement, j’ai vu Robots Supremacy du même réal, Gillian Anderson cachetonne dedans. Du young adult fauché mais ça passe malgré la faiblesse du scénario.
Banishing, je l’ai maté hier, pas son meilleur film pour moi. On retrouve plus ou moins la même thématique que dans Black Death, la duplicité comme toujours chez Christopher Smith est là mais bon j’ai l’impression qu’il suit plusieurs lièvres mais rien n’est développé. Le fascisme, l’avènement du nazisme sont plus ici pour situer l’époque du film à mon avis. Une ambition mort-née, la fin ne fait qu’illusion. C’est raté par rapport à un Black Death, Banishing pourrait se passer dans les années 80 que ça serait pareil. Sinon, la photographie fait vintage et colle à l’ambiance, les dialogues sonnent plutôt justes, de la bonne flippe par moment mais je visionnais plus que je le vivais.
Kyle Reese> Effectivement Christopher Smith a rarement eut accès aux salles en France. On est typiquement sur le genre de cas qui montre que le direct-to contient aussi du bon.
Un conseil: plongez dans sa filmographie à l’aveugle. Particulièrement pour Triangle qui gagne a ce qu’on ne sache rien du film en le lançant.
@kyle
En fait, ils ne font pas peur, à la limite peut-être un peu Creep (don’t j’adore la fin, qui répond parfaitement au début, facile mais bien écrit), mais il y a toujours une ambiance poisseuse.
@alulu
Vu Doghouse, beaucoup ri. C’était un peu le moment du grand revival film de genre UK (j’en vois moins ces derniers temps), je te conseil Grabbers en retour 😉
Alors là … je tombe des nus, je ne connais absolument pas ce monsieur Smith et ses films qui font vraiment peur. Comment est-ce possible ? Sont ils tous sorti en direct to vidéo ? Vous tous m’avez mis l’eau à la bouche. Va y avoir du rattrapage dans l’air. 🙂
Quand Billy meurt et que Maggie lui dit qu’elle sait….snif.
« Ce qui m’attriste, c’est que Neil Marshall est plus connu que Smith… » idem.
Doghouse, ou Danny Dyer et ses potes dégomment une horde sauvage 🙂 ce film vaut vraiment le coup d’oeil. Le mélange comédie potache horreur est moins bien dosé que dans severance mais il rend bien.
pas nécessairement, même si smith bénéficie d’une couverture médiatique moins grande.