Quentin Tarantino a maltraité l’histoire avec Inglourious Basterds. Mais avant lui, Papy fait de la résistance avait déjà zigouillé la Seconde Guerre mondiale.
Il y a les films dignes, élégants, et puis il y a ceux où un nain en imperméable tire sur des nazis à la mitrailleuse lourde, pendant que le demi-frère ventripotent d’Hitler mange des œufs d’autruche à la coque. Longtemps regardé de haut, voire méprisé, le Papy fait de la résistance de Jean-Marie Poiré s’est petit à petit imposé comme une étrangeté pas loin d’être culte, une comédie absurde et urticante, où la France occupée par l’Allemagne nazie se voit concentrée dans un manoir d’Île-de-France.
C’est là qu’entre complots, veuleries, coups de folie, bassesses, repas ubuesques et arrestations absurdes, va se concentrer toute la galerie de personnages et de comportements qu’une certaine histoire de France s’est longtemps évertuée à mettre sous le tapis. Mais le film ne se contente pas de rire d’une période que le cinéma a rarement osé regarder en usant des lunettes de la comédie et du ridicule, il va beaucoup plus loin, et ose un geste peut-être plus radical, plus poétique, réécrivant occupation, collaboration et résistance à l’aune de notre médiocrité banale, présente comme passée.
VITRIOL Année 0
Lors de sa sortie et en dépit de quatre millions de spectateurs réunis dans les salles obscures, pas mal de monde, dans la presse comme le public, prend un peu le film de haut, et ne voit pas de raison de s’esbaudir devant, ou de le considérer comme un objet de cinéma singulier. C’est la nouvelle comédie de la troupe du Splendid, qui vient d’accoucher du délicieusement monstrueux Père Noël est une ordure. Mais attention, si la pièce est un triomphe de café-théâtre, son adaptation cinéma n’a pas marché, est à des années de triompher en vidéo et à la télévision.
Certes, on rit de bon coeur devant Papy fait de la résistance, mais pour trouver des réactions vives, il faut carrément traverser l’Atlantique. C’est sous la plume de David Denby dans le New Yorker qu’on peut lire une critique à la sulfateuse, où Jean-Marie Poiré est qualifié « d’idiot de cinémathèque », puis pointé du doigt au prétexte qu’il réinventerait largement l’histoire de France et l’embellirait jusqu’à « montrer sans doute Marie-Anne Chazel arrivant à Vichy avec l’orchestre de Maurice Chevalier, et donnant une interprétation spéciale de la chanson ‘C’était écrit’ tirée de l’immortel film de 1935 Folies-Bergères, avant de conduire les collabos à la tondeuse ».
Comme souvent quand elle s’inquiète de moral, la critique finit à côté de ses pompes. Mais le texte de Denby met néanmoins le doigt sur ce qui fait le sel et la valeur du métrage : la décomplexion avec laquelle il foule au pied l’histoire, aussi bien nationale que cinématographique. C’est ce que le réalisateur a expliqué dans les colonnes de Première, lors de la promotion du film.
« Papy… est beaucoup plus un film sur la vision de la résistance qu’on a aujourd’hui qu’un film sur la résistance. Nous sommes d’une génération qui ne connaît la guerre de 40 qu’à travers une flopée de mauvais films qui, tous, n’étaient que des imitations de deux ou trois chefs-d’œuvre du genre. Nous, on a préféré faire un chef-d’œuvre en imitant ces mauvais films ! »
En effet, les multiples passerelles avec des classiques français tels que La Grande Vadrouille ou La Traversée de Paris n’ont rien d’un hasard et sont évidemment conscientes. À bien y regarder, c’est même à un classique tel que Le Jour le plus long que se mesure notre grand-père, comme l’indique la malice avec laquelle il confie jusqu’à ses plus petits rôles à des visages emblématiques du cinéma français. Tout ici respire l’hommage, le faux, le détournement, jusque dans les ultimes secondes et leur mise en abîme (sur lesquelles il faudra revenir).
PAS DE PRISONNIER
Sous ses airs de pastiche un peu épais, le récit dévoile une hargne peu commune. Au début des années 80, le récit d’une France largement résistante n’est pas fréquemment remis en question. Maurice Papon était ministre du Budget quelques mois avant la sortie du film de Poiré, et il faudra attendre presque 15 ans avant que s’ouvre son procès. Autant dire qu’en mettre plein la figure à la résistance ou moquer le portrait que fit le général de Gaulle de l’Hexagone n’a rien d’une évidence.
D’ailleurs, dans Papy, à première vue, tout le monde est un peu résistant. Les habitants du manoir ne portent pas les allemands dans leur coeur, certains travaillent activement à saper leur autorité, et on compte même dans les rangs de nos héros le fameux Super Résistant. Sauf que tous, sans exception, sont des caricatures de ce que la vulgarité, la vantardise et la bassesse peuvent produire de pire. Le réalisateur le dit lui-même, son projet était de représenter l’image d’Épinal d’une certaine résistance. Et c’est ce tour d’écrou qui confère à l’ensemble son acidité.
Tout est dans le regard des protagonistes et la méchanceté qui y réside. Un résistant héroïque aux airs d’Arsène Lupin de supermarché, un autre dont la lâcheté lui vaudra finalement de devenir ministre des anciens combattants, ou encore une femme du monde dont l’amour de la liberté pèsera bien peu face à son attirance pour un beau général nazi, ou encore une famille qui n’hésite pas bien longtemps avant de solliciter la milice collaborationniste pour se faciliter la vie et préserver son confort.
Dès lors, peu importe finalement que les gags soient inégaux, les performances des comédiens tantôt géniales, tantôt je-m’en-foutistes. La cruauté et l’outrance sauvent tout, à l’image de l’intervention de Gérard Jugnot dans l’invraisemblable séquence de la cave. La scène constituait pourtant un défi à plus d’un titre. Au-delà du rôle cartoonesque d’un concierge d’ascendance portugaise, devenu plus nazi que les nazis, le comédien avait sur les épaules une mission particulière, puisque le long-métrage fut (comme Le Père Noël est une ordure avant lui) une pièce, mais une pièce dont la quasi-intégralité se déroulait dans la fameuse cave.
Il s’agit donc ici d’en étendre et d’en condenser le propos, tout en démultipliant l’intensité, en grossissant encore la caricature. C’est bien ce qui fait du personnage d’Adolfo Ramirez une telle source de sidération. Ce milicio-collabo-SS n’est pas seulement drôle d’hystérie totale et de violence décomplexée, il est redoutable en cela qu’il existe surtout à travers les yeux de celui qui le scrutent. Il le dit lui-même, c’est en partie le mépris de classe de ses contemporains qui l’a amené à gravir les échelons sociaux en s’alliant au pire du pire. Et si ce petit salopard ridicule n’était que l’extension du regard du spectateur, prompt à moquer et dédaigner d’entrée de jeu le protagoniste, comme le font ses concitoyens ?
C’est la police françaiiiiiise
ROULER SUR L’HISTOIRE
Dans Inglourious basterds, Quentin Tarantino hybridait le film de guerre avec le western spaghetti, et en profitait pour imaginer la mise à mort d’Adolf Hitler et d’une partie non négligeable de son état-major, fourrés de plombs par des représentants des minorités qu’il ambitionnait de massacrer. C’est exactement le même geste qu’accomplissait deux décennies plus tôt Papy fait de la résistance, sous-traitant à un demi-frère fictif du Führer un poids dramaturgique et historique.
En nazi fou des oeufs d’Autruche à la coque, amouraché de Jacqueline Maillan, Jacques Villeret propulse le récit dans une pure hallucination. « Non, je n’ai pas changééééé », susurre-t-il à l’occasion d’une séquence qui ferait passer la franchise Austin Powers pour un happening bergmanien. Si les Français triomphent finalement avec légèreté et sans grands dommages de l’Allemagne nazie, ce n’est pas, contrairement à ce qui fut reproché, que son oeuvre ne prend pas la mesure de la gravité de l’Histoire, c’est bien qu’elle met en accusation ceux qui l’ont faite. Ou comment détourner pour mieux souligner.
Tirer dans le tas, c’est tout un concept
C’est la très malaisante séquence finale qui donne la clef de ce dispositif corrosif en diable. Le récit s’interrompt, et nous voici sur un simulacre de plateau télévisé, où se retrouvent nos personnages, vieillis, invités à commenter la fiction inspirée de leurs mésaventures. Le dispositif génère un désarroi d’autant plus fort qu’initialement, ce studio télévisuel est aussi sinistre que crédible, tandis que les premiers échanges, ternes, atones, évoquent effectivement la poussière de l’ORTF ou le charme désuet des années 80.
Jusqu’à la pitrerie reprenne le contrôle des âmes et que le débat vire au pugilat surréaliste. Sous prétexte de rire un peu de l’esprit de sérieux de la télévision comme de son traitement de l’occupation ou de la résistance, Jean-Marie Poiré nous révèle que les « vrais » personnages sont aussi ridicules, infatués d’eux-mêmes et mesquins que leurs caricatures. Fiction, vérité, Histoire, rien ne va plus, rien ne vaut plus rien, devant l’étalage de veulerie et de médiocrité qui ravage l’écran.
Là où Quentin Tarantino sauvait l’histoire et notre mémoire en permettant à la fiction de réparer en partie les torts du réel, Poiré affirme qu’il n’y a rien à sauver, et qu’il faut justement revisiter les Heures les plus sombres pour comprendre combien la formule témoigne plus de notre nullité collective, que d’un grand récit national. En résulte un coup de boule hilarant, au ton faussement jubilatoire, qui demeure aujourd’hui un des plus beaux doigts d’honneur du cinéma français au roman national et à l’esprit de sérieux.
Ya pas de mot pour dire ce que vous êtes Monsieur Ramirez! Ya plus de mot!!
Enculé.
– C’est un monsieur ou c’est une madame?
– Z’est ein pépère!
«Rééducation intensive, volonté acharnée et voilà le résultat!»
ÉNORME!!!!
j’aurai apprecie voir de Funes, dans le rôle que tient son ami Michel Galabru, c’ était prevu pour de Funes, mais il est déjà en mauvaise sante au niveau coeur et des infarctus, dejà du temps de l’aile ou la cuisse , il avait dû modifie son Jeu d’acteur, et c’était fini de ses envolees coleriques, et puis il est decedé,
mais un top film, c’était le niveau de la Comedie française à cette époque, et vous pouvez tout à fait noter la degenerence du « cinema » français comique depuis 1 generation facile ainsi que la degenenrence française tres avancée en 2020 et qui necessite un great restet car ils ont fait de la merde depuis 1945
Découvert à la tv, sans doute assez éberlué au début , je devais être assez jeune et puis le film est devenu culte pour moi au fur et à mesure des rediffusions.
Ce film est fou, totalement décomplexé en effet et du coup jubilatoire. Et cette galerie de personnages avec l’équipe du splendide, qu’elle époque ! Mais mine de rien ce film était d’une grande et belle ambition.
J’adore la fin façon dossier de l’écran que je regardais
parfois quand mes parents l’autorisait. Qu’est ce qu’ils ont du se marrer a tourner ça.
Vu au ciné lors de mon adolescence, quelle déception, je n’ai quasiment pas rigolé une seule fois.
À part Jugnot en « gestapiste », pas grand chose à sauver.
Peut-être qu’en le revoyant, je changerai d’avis, mais c’est pas certain.
Ah la la…Un film culte, pour moi. Chaque fois que je le regarde, je pars dans un fou rire. Rien qu’au début avec le découpillage d’une grenade accidentel, lancé pour être renvoyé au propriétaire par un Allemand faisant du tennis. Digne d´un cartoon des Looney Tunes.
Comme ridiculiser un moment dramatique, dès le début du film. Et cela ne s’arrête que jusqu´à la fin, avec l’émission télévisée partant en bazar , à la fin xD.
Bref, un énorme film comédie, hommage à Louis de Funes. Bien que malheureusement, aucun acteur ne rivalise avec cette légende de l´humour.