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Matrix : Equilibrium, Resident Evil, Zack Snyder… le meilleur et le pire du phénomène

Par La Rédaction
24 décembre 2021
MAJ : 21 mai 2024
20 commentaires
Equilibrium : photo, Christian Bale

Avant Matrix Resurrections, la trilogie Matrix des Wachowski a inspiré un paquet de films et cinéastes. Petit tour d’horizon, du meilleur comme du pire.

Avant Matrix, les héros et héroïnes à Hollywood couraient à vitesse normale, portaient des lunettes de soleil uniquement la nuit, et n’étaient pas fétichistes des manteaux en cuir et gros calibres filmés littéralement sous tous les angles. Mais le film-phénomène des Wachowski a changé la donne, et réécrit les Tables de la loi du cinéma d’action hollywoodien.

Après Matrix, il y a eu Matrix Reloaded et Matrix Revolutions, mais pas que. L’illusion où se battaient Keanu Reeves, Carrie-Anne Moss et Laurence Fishburne a créé une réalité de copies plus ou moins conformes, avec des films surfant sur la vague, dans le fond et/ou dans la forme. Petit tour d’horizon de ces films, entre sous-Matrix, post-Matrix, simili-Matrix, et autres héritiers parfois déviants.

Avertissement : ceci n’est qu’un échantillon, parce que s’il fallait lister tous les films et toutes les séries influencées par Matrix, l’équipe aurait besoin de 4 à 8 mois encore

 

 

LE MATRIX DE VITRINE

« Matrix c’est cool, mais juste pour le style et la frime » 

Si les ambitions philosophiques et thématiques vertigineuses du premier Matrix ont été débattues ardemment après sa sortie, si la contre-culture qu’il révélait au grand jour a instantanément marqué au fer rouge le 7e art, les producteurs hollywoodiens sont sortis de leur séance en beuglant : « Ouais, trop cool les mecs en noir qui volent au ralenti ! ».

Sans trop se préoccuper des véritables origines des envolées stylistiques du film, ils se sont empressés de copier le « style » Matrix, persuadés que son succès au box-office tenait surtout à son utilisation des CGI et à l’overdose de lunettes de soleil. Dans Matrix, on croise plus de gringalets en robe noire et de flingueuses en combinaison de cuir que dans les clubs souterrains berlinois un dimanche matin, donc Hollywood allait bientôt ressembler à une techno-parade allemande. Une techno parade qui mettrait des années à se disperser définitivement.

 

 

Ce sont les Matrix de vitrine : sans jamais vraiment copier la saga des Wachowski, ils en prélèvent certains morceaux, dans l’espoir d’arracher à leur public un tonitruant : « Trop stylééééééé ». Les caméras se sont envolées, les raccords numériques ont proliféré, parfois même au sein de franchises 100% yankee, comme les Charlie et ses drôles de dames et leurs balles numériques toutes droites sorties des canons des Agents, leur BO pleine de The Prodigy et surtout leurs cascades numériques, effectuées par les doublures… et les objectifs.

Certains cinéastes en ont même fait une spécialité (nous y reviendrons), mais généralement, ces distractions, devenues ringardes en un temps record, apparaissent dans de purs produits de studio, créés de toute pièce pour draguer un public cible, parfois celui dévoilé aux yeux de l’industrie par les sœurs Wachowski. Le jeu des influences hollywoodiennes ne manque pas d’ironie : dans le très laid (une caractéristique essentielle des films de cette catégorie) The One, le génial Jet Li, dont les aptitudes martiales ont probablement fasciné les Wachowski, arrête une pluie de balles arrivant sur lui au ralenti non pas avec sa main, mais avec un cadavre de policier.

 

 

Les productions empruntant les effets de Matrix se comptent par dizaines, du moins jusqu’à ce qu’ils passent de mode. Et si Hollywood a toujours tenté (on dit bien tenté) de jouer la carte de la subtilité, d’autres industries ne se sont pas gênées pour importer des pans entiers du film et de ses suites. Le cinéma indien par exemple, ne s’en est pas privé. Dans Awara Paagal Deewana (2002), Vikram Bhatt reproduit plan par plan la scène de la fusillade dans le hall, sous couvert d’humour. Rebelote dans Main Hoon Na (2004), qui moque cette fois le célèbre bullet time de Neo. Plus généralement, une quantité non négligeable de divertissements locaux s’est vautrée dans le ralenti post-Matrix.

Toujours à l’intersection entre l’hommage, le vol et le trait d’humour, d’autres ont profité d’arriver un peu après la bataille pour foncer tête baissée et fesses en l’air dans le kitsch débiloïde, quitte à vider de leur sens toutes les saillies stylistiques des Wachowski et à s’affirmer en dégénérescence terminale du sous-genre. On pense évidemment au génialement stupide Wanted, qui a le culot de s’approprier le bullet time pour mieux le corrompre. Ici, les tueurs au métier à tisser font des courbes avec leurs balles, les cascades numériques vomissent sur les lois de la gravité et Chris Pratt se mange un clavier dans la tronche au ralenti.

La bulle post-Matrix éclate peut-être à ce moment-là, une fois le facteur cool des scènes qui ont fait la renommée de la saga dépossédé de son originalité et martyrisé jusqu’au point de rupture. Il ne reste alors plus qu’à se moquer, purement et simplement.

 

Wanted : choisis ton destin : photo, Angelina JolieC’est con, mais c’est bon

 

LE MATRIX PARODIÉ

« Regarde regarde REGARDE, on a vu et on adoré Matrix comme toi »

Étape inévitable du succès : la parodie. Et Matrix y a vite eu droit dans tous les sens, à tous les rayons, de manière plus ou moins gratuite. Dès 2000, les ralentis, bullet time et autres effets de style des Wachowski ont commencé à inonder les films, films d’animation et séries, dans un mouvement sans fin de clins d’œil adressé au public.

En 2003, en promo pour Matrix Reloaded chez WhoaIsNotMe, le producteur Joel Silver s’amusait de cet effet de mode : « Au début, on a tous trouvé que c’était sympa et amusant. Mais ensuite, c’est devenu la norme. Un peu comme s’il fallait obligatoirement avoir un plan bullet time pour faire un film d’action cool. Même Daredevil l’a repris pour les scènes de combat ».

 

Matrix : photo, Laurence FishburneHollywood pompant le seul film original de l’année

 

C’est bien le caractère universel (comprenez : partout et pour tout le monde et tout le temps, même quand ça n’a aucun sens) qui caractérise ce phénomène. Matrix devait être casé dans la mise en scène et le scénario, d’une manière ou d’une autre, et tant pis si c’était pensé à l’envers. C’est particulièrement révélateur du côté des productions destinées aux mioches ou ados.

Dans Shrek premier du nom, Fiona tabasse Robin des bois et ses copains comme dans la matrice. Dans la série Disney Lizzie McGuire, c’est dans un flashback où Larry s’imagine en Neo, dans une parodie où le bullet time met en jeu un plateau-repas, avec buritos et pomme au ralenti. Dans Gnoméo et Juliette, la parodie de Romeo et Juliette se paye une parodie de Matrix lorsque le héros affronte son ennemi, dans les airs. Idem dans Osmosis Jones. À chaque fois, c’est dans un effet visuellement fade, et avec une touche d’humour (Fiona trouve le temps de replacer une mèche, Gnomeo et son ennemi stoppent leur baston pour reprendre une pose de nains de jardins afin de ne pas être repérés par l’humain).

 

 

Du côté du cinéma d’action, c’est moins absurde, mais pas forcément moins moche. Impossible de ne pas reparler de Kung Pow, gros délire de Steve Oedekerk, réalisateur, scénariste et acteur qui se prend pour l’Élu (tel est son seul nom dans le film) digne de Bruce Lee. La parodie de films de kung-fu hong-kongais passe inévitablement par du Matrix, lequel était largement influencé par ce cinéma. De ce point de vue, c’est peut-être l’idée parodique la plus logique et malicieuse, qui permet de boucler la boucle. Ce qui n’excuse pas la vache en CGI, parfaitement indigne et susceptible de rayer le cristallin.

 

 

Enfin, il y a le cas Scary Movie, rouleau compresseur parodique qui a souillé la moitié des films à succès (ou pas) des années 2000. Si la logique de pastiche de film d’horreur a été violée par tous les trous au fil de la saga (Harry Potter, Titanic, Taxi Driver, Le Seigneur des anneaux, 8 Mile, Black Swan y sont passés, tout de même), la bêtise cynique était là dès le premier, avec une scène où Anna Faris se la joue Trinity. Inutile de dire que c’est parfaitement affreux, techniquement dégueulasse et complètement dispensable.

PS : personne ne sera surpris de savoir que Les Simpson a parodié Matrix tellement de fois qu’il y a des montages entiers sur YouTube.

 

 

LE MATRIX DE WISH

« On refait Matrix avec un pistolet à eau ? Allez ! »

Peut-être la catégorie la plus fascinante de ce dossier, où l’on trouve des artistes d’un genre bien particuliers, de ceux qui, s’ils étaient vignerons, seraient convaincus de réinventer la viticulture à coups de Beaujolais nouveau. Une entreprise incertaine, dont le résultat est systématiquement synonyme de migraines et sent le vomi. Penchons-nous d’abord sur le plus digeste de ces ersatz frelatés : Ultraviolet. Le film a cela de fascinant qu’il essaie de dupliquer quasiment toute la recette Matrixienne, sans jamais la comprendre.

Il y est question de dictature, de manipulation des masses, d’illusion, de combats mêlant kung-fu, fusillades et improbables cascades numériques, le tout sous l’oeil torve et trop maquillé de comédiens assoupis (pauvre Milla Jovovich). Remugle post-Resident Evil (lequel copulait déjà salement avec les codes Matrixiens), le film est à ce point incapable de comprendre les ingrédients qu’il dépiaute tel un épagneul sous Xanax, qu’il mute progressivement vers l’hommage involontaire aux Power Rangers.

 

Ultraviolet : photoElle est surtout ultra violette

 

Même verdict du côté d’Aeon Flux, où la catastrophe se teinte d’une tragique ironie. Non seulement les artisans de cette daube recuite sont de valeur (de Karyn Kusama en passant par Charlize Theron, le film ne manque pas d’intervenants talentueux), mais son univers était bien assez riche pour aboutir à un blockbuster délirant, tenant sur ses deux jambes. Malheureusement, en tentant de s’hybrider avec la grammaire mal intégrée des Wachowski, et une direction de la photo indigne d’un castor lapon daltonien, on arrive rapidement aux frontières de la parodie. Le tout est d’autant plus tragique que le dessin animé Aeon Flux, diffusé sur MTV en 1991, est un pur hallucinogène cyberpunk, dont il y a fort à parier qu’il a directement influencé les Wachowski, notamment en termes de représentation des corps.

Il est donc sacrément cruel que cette expérimentation pop et vertigineuse se soit transformée en comédie involontaire, dont les méchantes ont des mains en guise de pieds, où le gazon égorge, mais ne maudit pas, pendant que Charlize flingouille au ralenti. Déviant, insupportable et fluo, le film n’est jamais aussi navrant qu’une autre contrefaçon, qui porte la constipation à un niveau de puissance supra-cosmique.

Il s’agit bien sûr de Max Payne, vibrant témoignage de ce que le cynisme incontinent peut produire de pire. Quand sort le jeu vidéo Max Payne en 2001, l’influence de Matrix est alors évidente, le jeu s’évertuant à traduire en mécaniques de gameplay le fameux bullet time qui a fait sensation deux ans plus tôt au cinéma. Mais il n’en restait pas là, et incluait cette promesse ludique dans une réflexion profonde et immersive sur le polar hardboiled et le film noir. Un équilibre qu’a jeté aux toilettes l’adaptation cinématographique, qui se retourne vers son modèle pour mieux le régurgiter.

 

 

Aeon Flux : Photo Charlize TheronTête la première dans le bide

 

Sans comprendre que le cinéma d’action hong-kongais était une autre inspiration fondamentale, John Moore tente de copier la photo et le découpage du premier Matrix, avec une emphase passablement ridicule. Ignorant que son modèle ne se contentait pas de flinguer à tout va, Max Payne ne se questionne jamais sur le langage cinématographique, sur les émotions que doivent véhiculer ses joutes… et se perdra jusqu’à explorer un délire hallucinogène et infernal, resté comme une représentation de la montée en puissance des drogues de synthèse parmi les plus bêtes du monde. D’autant plus stupide qu’elle s’efforce de reproduire une certaine « pilule bleue »…

Et puis, dans cet égout de copies trop conformes, de calques accomplis veaux marins, se trouve un évident écho, aux vêtements rapiécés, aux chaussures élimées, mais indéniablement respectueux du patron. Equilibrium a ses fans, séduits par la dimension profondément respectueuse de l’héritage Matrixien, dont il reprend la dystopie, le discours sur l’aliénation et plus important encore, la volonté de convoquer un leg culturel et spectaculaire pour le réinventer. Le résultat est souvent cheap, parfois un brin embarrassant, mais toujours modeste, et perpétuellement sincère. Et c’est cette dernière qualité, qui le hisse au-dessus de son statut de copie comme nous l’exliquons dans le dossier que nous lui avons consacré : Equilibrium : classique de la science-fiction ou vulgaire copie de matrix.

 

 

LES carrières MATRIXÉes

« Matrix m’a donné envie de faire du cinéma »

Matrix vous a donné envie d’aimer le cinéma ? Le film des Wachowski a visiblement donné envie à certains de FAIRE du cinéma, ou en tout cas de repenser leur manière d’appréhender la chose. La Matrice a certes infusé l’industrie hollywoodienne tout entière, mais difficile d’imaginer que les carrières de certains réalisateurs auraient eu la même allure sans Matrix.

Premier suspect : Len Wiseman. Cet ex-technicien sur les blockbusters de Roland Emmerich, devenu réalisateur de pubs et clips, a émergé en 2003 avec son premier film, Underworld, sorti entre Matrix Reloaded et Matrix Revolutions. Ce qui tombe bien puisque les aventures de Kate Beckinsale au pays des manteaux en cuir, des mitraillettes fumantes, des bastons au ralenti et des combats dans l’ombre n’auraient probablement pas vu le jour sans le succès des Wachowski.

Il n’y a qu’à regarder la première scène d’action du premier Underworld pour voir l’évidence : le décor du métro est quasiment identique à celui de Matrix, lorsque Neo affronte Smith. Certes, les Wachowski n’ont pas été les premières à filmer des gens se fusiller sur un quai de métro, mais impossible de ne pas voir les similitudes à tous les niveaux. Et bien sûr, Len Wiseman usera et abusera des effets de style type bullet time dans la saga des vampires et lycans. Il s’est un peu calmé par la suite, avec Die Hard 4 et Total Recall version naze, mais ses deux Underworld, qui ont lancé sa carrière, portent le sceau de la Matrice (et Romeo et Juliette) (et tous les clichés de vampires depuis 50 ans).

 

 

Autre copycat de qualité relative : Paul W.S. Anderson avec Resident Evil. Pour le premier film sorti en 2002, le réalisateur avait seulement pioché chez Matrix quelques bêtes effets de ralentis, avant de laisser la place à d’autres hommes de main pour Apocalypse et Extinction (qu’il a tout de même écrits et produits). Mais à son retour derrière la caméra, Mr Anderson (comme Thomas) a pété un plomb.

Dès le retour de Milla Jovovich dans Afterlife, c’est le festival : l’armée de clones en cuir moulant voltige dans tous les sens, et balance des shuriken au ralenti, saute au ralenti, court au ralenti, évite les balles au ralenti, court sur les murs au ralenti. Il y a bien évidemment les inévitables gros plans sur les balles qui fendent l’air, et les cascades tellement aidées par les câbles que même la post-prod ne peut les faire oublier. C’est un best of de Matrix pour les nuls qui rend un « hommage » tellement palpable à la scène dans le hall d’immeuble du premier film, que même le béton des colonnes ressemble à celui des Wachowski.

Paul W.S. Anderson a continué ce joyeux cirque avec Retribution et Chapitre final, transformant le point Godwin en point bullet time dans chaque épisode, pour la gloire de l’obsession. Mais jamais avec le même panache déglingué que dans ce début d’Afterlife – même si l’intro slow motion à l’envers du cinquième épisode reste un petit monument de plaisir à peine coupable.

 

 

Enfin, cas à part s’il en est : Zack Snyder. Avec son amour des ralentis et des bastons à gros budget, le grand maître de la dilatation (la légende raconte que ses films durent en moyenne 37 minutes, à vitesse normale) a inévitablement été placé dans le sillage de Matrix. Il n’y a qu’à revoir la scène de Sucker Punch où l’héroïne affronte des kaiju-samouraïs : le réalisateur découpe l’action à grand renfort de ralentis, pour iconiser chaque mouvement, et souligner la vitesse des balles qu’évite Babydoll. Et le plan sur les douilles tombant au sol ressemble à un hommage pur et dur.

Mais Zack Snyder n’a pas à proprement parler pillé Matrix : il a puisé son inspiration aux mêmes endroits que les Wachowski (le jeu vidéo, l’animation, les comics). Dire que Zack Snyder est un produit de Matrix est moins une bêtise qu’un raccourci. En réalité, il est peut-être le fruit le plus juteux du succès de Matrix, qui a ouvert en grand certaines portes à Hollywood. D’un coup, cette manière d’envisager, penser et filmer l’action n’était plus uniquement un fantasme de geek ; c’était aussi celui des producteurs avides de succès.

En gros : Snyder n’a probablement pas eu l’étincelle en voyant Matrix, mais il y a fort à parier que sans Matrix, les studios n’auraient pas aussi vite misé sur lui.

 

 

Contrairement à un Len Wiseman ou un Paul W.S. Anderson, qui ont changé la forme de leurs jouets depuis, Zack Snyder n’a cessé de repousser les limites de ce modèle dans ses films. Son fameux Snyder Cut en est peut-être la démonstration la plus radicale et excessive, où il a pu pousser au maximum les curseurs pour quasiment autopsier les mouvements de ses super-héros, iconisés à l’extrême, et quasi renvoyés à leur statut de poupées de papier glacé.

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le cinéaste a filmé Superman, Wonder Woman, Flash ou encore Docteur Manhattan dans Watchmen : tous ont un rapport tordu au temps. Ils regardent le monde comme un tableau vivant, scruté sous tous les angles comme un objet mi-mort mi-vivant. Soit une définition du bullet time, qui découpe absolument les mouvements. Et c’est exactement ce que Zack Snyder fait dans ses films, où il s’attarde avec une fascination évidente sur ces êtres surhumains, capables de maîtriser le flux du temps. Comme des metteurs en scène, pressant la touche pause ou ralenti, pour contrôler leur monde.

 

Zack Snyder's Justice League : photo, Henry Cavill Après le bullet time : axe time

 

La théorie de l’écoulement à la matrix

« Matrix m’a donné envie de réfléchir à la vie, et d’écrire des histoires »

CODE LYOKO

Croyez-le ou non : la théorie du ruissellement n’est pas totalement fantaisiste. L’influence de Matrix a, par exemple, largement débordé du vase hollywoodien, jusqu’à arroser la télévision. Au début des années 2000, les univers virtuels étaient à la mode, y compris dans des œuvres destinées à la jeunesse. Et c’est en France qu’on en a eu la preuve la plus convaincante avec Code Lyoko, véritable madeleine de Proust collective et générationnelle, diffusée à partir de 2003, soit quelques années à peine après le choc initial des Wachowski.

Inspiré d’un court-métrage d’animation intitulé Garage Kids, repéré par Moonscoop, qui partageait déjà les références des réalisatrices, Code Lyoko raconte l’histoire d’un groupe d’adolescents luttant contre un programme malveillant, Xana. Pour le combattre, ils se battent dans un univers virtuel, Lyoko.

 

Code Lyoko : photoPower rangeurs de chambre

 

Outre ce scénario directement inspiré des thèmes en vogue après Matrix, la série convoque par instants une ambiance cyberpunk (ils se rassemblent dans une usine désaffectée) et utilise surtout l’animation 3D – dans des proportions assez inédites à l’époque – pour différencier ses deux univers. On y retrouve cette idée d’implémenter dans la fiction les technologies numériques pour mieux profiter des possibilités qu’elles offrent, en l’occurrence ici les renvois au jeu vidéo et… l’action à la Matrix. Sans exploiter littéralement le procédé, bien sûr, certaines séquences imitent largement le bullet time.

Une fois n’est pas coutume parmi les héritiers des Wachowski, les créateurs de la série assument d’ailleurs totalement ses sources d’inspiration. L’un d’entre eux, Thomas Romain, racontait à BFM à l’occasion de la sortie de Code Lyoko sur Netflix :

« Je n’avais pas vu Tron à l’époque, mais Matrix m’a beaucoup marqué, moi qui apprécie beaucoup la science-fiction et les univers dystopiques. Son influence est énorme puisqu’on retrouve le même concept de machine qui permet de se plonger dans un monde virtuel avec la présence d’un opérateur qui supervise le voyage, tout comme la corrélation temporelle entre l’action dans le monde virtuel et dans le monde réel.

 

Code Lyoko : photoUn programme du code : tout est là

 

Côté Asie, l’animation japonaise nous a également influencés. C’est même peu dire puisque je vis et travaille moi-même dans l’animation à Tokyo depuis 2003. Nos séries de référence à l’époque étaient Serial Experiment Lain et Evangelion, entre autres. On retrouve la dimension inquiétante de l’informatique présente dans Lain, tout comme la présence d’entités dangereuses et impressionnantes qu’il faut combattre, comme dans Evangelion. »

Car finalement, c’est peut-être le plus louable des points communs entre les deux œuvres. Tout comme Matrix, la série profite de sa popularité – ici chez un jeune public – pour importer une culture différente dans les archétypes occidentaux. Code Lyoko regorge de références et de clins d’œil à la culture japonaise, et ce dès le premier épisode, une parodie de Godzilla. Et ça a marché. Non seulement elle a donné le goût d’une science-fiction plurielle à une génération entière (dont l’auteur de ces lignes annonce fièrement faire partie), mais elle a elle-même alimenté une passion globale pour le virtuel, décelable dans Galactik Football, par exemple.

 

Oblivion : photoEnter the Oblivion

 

OBLIVION

Comment reconnaître une digne inspiration de Matrix ? Parce qu’elle n’aligne pas bêtement les effets bullet time et manteaux en cuir, mais qu’elle saute aux yeux une fois qu’on a plongé dedans. Sorti en 2013, Oblivion n’a a priori rien à voir avec Neo et la Matrice : suite à une guerre contre des aliens, Tom Cruise est l’un des derniers survivants sur une Terre dévastée, et doit surveiller le périmètre contre les derniers ennemis, en attendant de rejoindre la colonie humaine. 

Mais Oblivion cache surtout une sombre histoire de clones, de réalité factice et de manipulation par une intelligence artificielle venue de l’espace. Brainwashé par une machine alien, le héros a été réduit en esclavage, au sein d’une grande et douce illusion. Il pensait être l’un des élus chargés de protéger l’énergie acheminée vers la colonie sur Titan, face aux derniers extraterrestres qu’il devait chasser ? Il découvre que les aliens ont gagné la guerre, pompent l’énergie de la Terre, et qu’il n’est qu’un clone sous muselière. Rangé dans sa petite zone, il n’est qu’un chien de garde pour l’ennemi, et nourrit la machine qu’il pense combattre.

Lorsqu’il arrive à bord de la station spatiale Tet, qui est en réalité l’IA alien qui commande les opérations, le héros découvre l’armée de ses clones, accrochés aux murs dans l’attente d’être activés.

 

Oblivion : photoL’Attaque des clones commence ici

 

Asservissement par la technologie (même si la machine est ici alien), illusion paisible (même si l’illusion n’est pas virtuelle), libération par une mort et renaissance (littéralement, ici), réappropriation de sa mémoire et son identité : difficile de ne pas voir les ponts entre Matrix et Oblivion. D’autant que le projet a toujours été porté par une ambition visuelle : même si Oblivion était censé être un roman graphique à l’origine, le réalisateur Joseph Kosinski a expliqué que son envie avait toujours été cinématographique.

C’est le même Joseph Kosinski qui a réalisé Tron : L’héritage, et là encore, impossible de ne pas voir une logique. Tron est l’histoire ultime de réalité virtuelle, de combat entre les humains et la machine, à l’intérieur de la machine. D’une manière ou d’une autre, le premier Tron a certainement inspiré Matrix, et même Speed Racer, autre passionnant film des sœurs Wachowski. La boucle est donc bouclée.

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Sophie

*violé par tous les trous » waouh..

Thorvf

Les ralentis c est pompé sur la horde sauvage.western incroyable!!

Geoffrey Crété

@madgad

Parce que ce n’est tout simplement pas le sujet. On a décidé qu’on voulait parler des films inspirés par Matrix. Les films qui ont inspiré Matrix, c’est un tout autre article (et il y aurait mille choses à citer avant Dark City 😉

D’ailleurs, à ce sujet : Dark City est sorti en février 98, juste avant que Matrix ne soit tourné. Et le scénario de Matrix n’a pas été écrit et bricolé et validé entre les deux, en trois mois… Sachant en plus que les Wachowski bossaient sur Matrix depuis quelques années, et avaient donc déjà tout le concept (Joel Silver en a plusieurs fois parlé)… Difficile de considérer que Matrix a copié Dark City. D’autant qu’Alex Proyas a lui aussi parlé de ses inspirations diverses et variées, donc les deux se recroisent aussi car ils viennent d’endroits similaires.

madgad

article intéressant, mais pourquoi ne pas aussi parler du pillage de Matrix et notamment du film d’Alex Proyas ; Dark city 😉

La Rédaction

@morcar, blame, Chonrei

Nous avons consacré un dossier à Equilibrium qui ne méritait pas moins https://www.ecranlarge.com/films/dossier/1352242-equilibrium-classique-de-la-science-fiction-ou-vulgaire-copie-de-matrix

Si l'on résume..

2000 à 2010 Matrix et ses suites
2010 à 2020 MCU en tout genre
Avatar coincé au milieu de tout cela

Alors 2020 à 2030: plutôt Avatar, MCU à Gogo, ou Matrix Resurrifié (incluant John Wick 4 etc..)?

Maxibestof

Ecran Large, vous pourriez faire un sujet sur Total Recall qui a possiblement inspiré Matrix non (la scène de la pilule..)?
Joyeux Noël en tout cas et continuez avec vos super dossiers 🙂

Pi

Le seul truc de bien dans Equilibrium c’est le concept du Gun kata, pour le reste c’est assez poussif, mal joué et moche. Code Lyoko par contre est génial.

Chonrei

J’adore Equilibrium (esthétique, musique, univers, Christian Bale, …), je le trouve même supérieur à Matrix qui m’a profondément ennuyé.

Geoffrey Crété

@Chris68

On cite la carrière entière de Paul WS Anderson donc il en fait partie oui.