En 1991, Kevin Costner passe pour la première fois à la réalisation avec Danse avec les loups, un western aussi fou qu’unique en son genre.
Le western a toujours été un genre de prédilection pour l’acteur Kevin Costner, et ce dès l’un de ses premiers grands rôles, dans Silverado de Lawrence Kasdan. Mais très vite, il aspire à des ambitions bien plus grandes et décide de se tourner vers la réalisation, en adaptant le récit de son ami Michael Blake, d’abord envisagé comme un scénario au début des années 80, avant que le cinéaste en devenir ne lui suggère d’en faire un roman pour qu’il puisse en acheter les droits.
Et c’est ainsi que Danse avec les loups voit le jour au début des années 90. Un western aux antipodes des productions de son époque, qui représente une véritable anomalie dans le paysage hollywoodien, de par son tournage atypique et les choix de son auteur, qui en font un cas assez unique dans son genre.
Quand Kevin sort le drapeau américain, c’est qu’il est chaud
Prince des Sioux
Tout d’abord, il est nécessaire de replacer Danse avec les loups dans son contexte de production, que ce soit par rapport à son époque ou au genre dans lequel il s’inscrit, afin de comprendre pourquoi le premier long-métrage de Kevin Costner a fait office d’anomalie à sa sortie. Au début des années 90, le western est un genre presque mort, qui connaît encore quelques soubresauts, avec des variations plus crépusculaires qui interrogent le genre à travers sa violence, à l’image notamment d’Impitoyable de Clint Eastwood, sorti un an après le film de Kevin Costner.
Cependant, ces deux approches ne sont en aucun cas comparables. Leur traitement et le regard que portent leurs cinéastes sur l’héritage qui les précède sont très différents. Néanmoins, le simple fait que le genre a presque totalement disparu des radars à Hollywood fait du projet Danse avec les loups une anomalie sur le papier, rendue unique par les choix atypiques de son auteur.
À commencer par une vraie volonté de la part de Costner de mettre en avant la culture amérindienne, avec un soin méticuleux assez rare dans le genre, qui force tout simplement le respect. En effet, il suffit de se pencher dans un premier temps sur le casting de Danse avec les loups pour constater à quel point Kevin Costner ne fait pas les choses à moitié, puisque la plupart des rôles d’Amérindiens sont incarnés par de véritables Amérindiens à l’écran, d’origine sioux.
Le plus connu d’entre eux est évidemment l’acteur Graham Greene, que le rôle d’Oiseau Bondissant propulsera second couteau assez identifié du cinéma américain contemporain, de Cœur de Tonnerre en 1992 à plus récemment Wind River en 2017. Mais on y retrouve également dans son premier rôle, celui d’un guerrier Pawnee, l’acteur Wes Studi que l’on verra également dans Le Dernier des Mohicans de Michael Mann, ou encore plus récemment dans le western crépusculaire Hostiles de Scott Cooper.
Un casting amérindien composé donc majoritairement d’inconnus, dans leur premier rôle pour la plupart, voire de leur seul et unique pour certains, ce qui renforce cette idée d’un respect ethnique voulu par Costner. Mais l’acteur/réalisateur a même poussé sa recherche de l’authentique encore plus loin, car Danse avec les loups a été tourné en anglais, mais surtout en lakota, langue originelle du peuple sioux. Un dialecte tellement ancien que certains acteurs amérindiens ont dû réapprendre cette langue, grâce notamment à l’aide de Doris Leader Charge, seule et unique représentante du peuple sioux sur le tournage, originaire du Dakota du Sud.
Avant d’incarner Joli Bouclier, l’épouse du Chef Dix Ours à l’écran, Doris Leader Charge était surtout une professeur d’université, spécialiste du peuple sioux, qui a aidé Kevin Costner à traduire les dialogues du film en lakota, afin que les acteurs puissent apprendre leurs lignes dans cette langue. Un soin du détail et de l’authenticité de la part du réalisateur qui fait de Danse avec les loups un objet atypique et rare, autant dans son genre que dans l’industrie. Mais tout ça n’est rien comparé au tournage ambitieux dans lequel s’est lancé Costner, dont le sens de l’ampleur et de la démesure a fait parler de lui bien au-delà des collines du Dakota.
L’Incorruptible
Danse avec les loups est donc tourné en grande partie dans le Dakota du Sud, Kevin Costner ayant souhaité que son western soit tourné dans des décors naturels, notamment dans les collines rocheuses de la région. Mais qui dit tournage dans des décors naturels dit évidemment tournage en extérieur, également propice aux changements de climat et de saisons. Dans un souci du détail et de contrôle, le réalisateur est donc contraint de tourner son film dans l’ordre chronologique de son scénario (un fait assez rare encore aujourd’hui), afin que la météo et le passage des saisons servent la cohérence de son récit, et non l’inverse.
Costner va même jusqu’à faire planter les champs de maïs qu’on peut voir au début du métrage, ou encore faire peindre les quelques arbres présents à l’écran pour représenter l’automne. Un soin méticuleux pour les détails naturels qui se ressent à l’écran, donnant un cachet très réaliste à la magnifique photographie de Dean Semler (oscarisé pour l’occasion), qui parvient à saisir avec beaucoup de talent l’immensité de ces vastes décors. Car Danse avec les loups se veut par moments un western sauvage contemplatif, sublimé par la somptueuse musique signée John Barry.
Mais si Kevin Costner pense en partie son film comme une fable humaniste à la beauté sauvage, suspendue dans le temps lorsqu’il s’agit de sublimer ses décors naturels, le réalisateur veut également réaliser une grande fresque épique qui détonne grâce à ses scènes d’actions. À ce titre, Danse avec les loups possède dans son montage un authentique morceau de bravoure qu’est la célèbre séquence de chasse aux bisons, probablement la plus culte de toutes les scènes d’anthologie du métrage, mais aussi la plus complexe à tourner.
« Qu’il est beau mon champ de maïs fait maison ! »
Pour mettre en boîte cette ambitieuse séquence, réalisée sans CGI, Kevin Costner fait appel à son ami Kevin Reynolds, en tant que conseiller technique. Le réalisateur l’a dirigé à ses débuts dans Bringue d’enfer et il le retrouvera plus tard sur Robin des Bois, prince des voleurs et Waterworld. Une scène pour laquelle Costner déploie les grands moyens, puisqu’elle nécessite la figuration d’un troupeau de plus de 2000 bisons, suivi par l’équipe technique pendant plusieurs jours et filmé avec 9 caméras en simultanée.
Mais la principale difficulté lorsqu’on se met à suivre un troupeau de bisons dans la nature, c’est que les bêtes ne s’arrêtent plus de courir pendant plusieurs heures une fois lancées, contraignant donc l’équipe à ne pouvoir réaliser qu’une seule prise par jour. Soucieux de ne pas trop approcher les bêtes, sous peine de les blesser, Costner est donc également contraint d’utiliser des animatroniques pour les plans rapprochés, ainsi que deux bisons apprivoisés, prêtés amicalement par le chanteur Neil Young.
À l’écran, tous ces subterfuges sont évidemment invisibles à l’œil nu, tant la séquence est impressionnante de réalisme, et témoigne à elle seule de l’ampleur et de la démesure dont fait preuve Costner dans son envie de cinéma. Même s’il est également beaucoup aidé par le savoir-faire technique de son ami Reynolds, c’est indéniable.
« Ça en fait du bison pour ce soir ! »
Mais la folie des grandeurs coûte également très cher à Costner, le tournage de Danse avec les loups s’étalant sur plus de 108 jours (au lieu des 60 initialement prévus), ce qui oblige l’acteur/réalisateur à verser un quart du budget de sa poche pour pouvoir terminer son ambitieux western. Le prolongement du tournage et les écarts dans le budget font également parler d’eux dans l’industrie, où le projet est renommé « La Porte de Kevin », en référence au western La Porte du paradis de Michael Cimino, connu pour avoir également dépassé son budget initial de très loin.
À Hollywood, Danse avec les loups est donc vu comme un futur accident industriel avant même sa sortie dans les salles, mais il n’en sera rien, puisque le western remportera 7 statuettes aux Oscars, dont celui du meilleur réalisateur pour Kevin Costner, oscarisé dès sa première réalisation. L’acteur reçoit la reconnaissance de ses pairs et de l’académie pour avoir réussi ce que tout le monde jugeait impossible. Un exploit pour le réalisateur, autant qu’un fardeau pour la suite de sa carrière.
Un Kevin épuisé par les louanges
Posterity Man
Après le succès commercial et critique de son western, Kevin Costner va partir à la recherche d’un nouveau Danse avec les loups, en se lançant dans des projets ambitieux à son effigie, à la fois en tant qu’acteur et producteur. De cette démarche un poil mégalo naîtront des projets tels que Robin des Bois, prince des voleurs, véritable Hit nostalgique des années 90, mais aussi autel à la gloire de son acteur, piloté par son ami Kevin Reynolds, dont Costner passera son temps à remettre les choix en question sur le tournage. Mais c’est surtout sur Waterworld que la guéguerre entre les deux Kevin va atteindre son point de non-retour. Le tournage sera également renommé « La Porte de Kevin » à Hollywood, comme pour Danse avec les loups.
Sauf que cette fois, Kevin ne parviendra malheureusement pas à leur donner tort. Ce ne sera pas le cas non plus avec sa seconde réalisation qui arrivera peu de temps après l’échec commercial de ce Mad Max sur l’eau, Postman ne rapportant que 18 millions de dollars au box-office domestique, pour un budget de 80 millions. Son troisième long-métrage, Open Range, qui marquera son retour au western dans une veine plus crépusculaire et mélancolique, sera quant à lui un succès modeste (68 millions de dollars, pour un budget de 22), moins catastrophique que son prédécesseur. Mais très loin des 424 millions de dollars rapportés dans le monde par Danse avec les loups, pour un budget à peu près similaire.
Quand tu rentres d’un come-back raté à Hollywood
Un constat amer qui renforce cette idée selon laquelle le premier film de Kevin Costner reste encore aujourd’hui unique en son genre, au point que même son propre auteur semble toujours courir après son succès, sans jamais parvenir à le réitérer. Pourquoi ? Peut-être parce que Danse avec les loups relevait déjà du miracle pour son époque, qu’il est arrivé là où ne l’attendait pas, dans un genre en perdition dont il représente l’un des derniers souffles, à la fois dans sa conception aux antipodes et dans les partis pris de son cinéaste.
Après être déjà revenu au genre en tant qu’acteur/producteur, avec l’excellente série Yellowstone, Kevin Costner va revenir à la réalisation d’un western pour son quatrième long-métrage, plus de 20 ans après Open Range. Une nouvelle preuve, s’il en fallait une, que l’acteur/réalisateur n’a pas abandonné l’espoir de renouveler son premier exploit. Mais les anomalies ne se produisent généralement qu’une fois à Hollywood, et c’est peut-être justement ce qui les rend aussi uniques, comme Danse avec les loups.
Le genre de film qui marque une vie, tout simplement. Costner fait des choix admirables, risqués, humaniste, et délivre un grand personnage inoubliable. Un film touché par la grâce ( musique, acting, paysages…) qui traversera les époques car plus personne ne refera ce genre de chef d’oeuvre aussi casse gueule.
Danse Avec Les Loups demeure assurément l’un des sommets de la carrière cinématographique de Kevin Costner. Le film avait gagné 7 Oscars, aux dépens notamment de Martin Scorsese et de son film Les Affranchis. Danse Avec Les Loups est un western atypique, écologique et humaniste. En tout cas, ce n’est pas vraiment ce que l’on peut appeler, un film de cow-boys. J’ai l’impression, peut-être erronée, que ce film est un peu oublié, malgré le fait qu’il soit rediffusé à la télé, de temps à autre.
Au fond, cette impression, je l’ai avec beaucoup de films faisant partie du cinéma de patrimoine.
À l’époque de sa sortie, le film remporta un immense succès populaire et Kevin Costner accéda au rang de superstar: il enchaîna ensuite avec Robin des Bois, JFK et Bodyguard.
@Ethan
Un Monde Parfait n’a effectivement pas eu le succès escompté en Amérique, malgré la présence de Kevin Costner et Clint Eastwood à l’affiche. Pour la petite histoire, Clint Eastwood avait pensé confier le rôle de Butch Haynes à Denzel Washington, avant que la Warner ne lui souffle le nom de Kevin Costner, choix considéré comme plus commercial. Finalement, les recettes américaines seront décevantes. En revanche, il remporta plus de 100 millions de dollars, en dehors du marché nord-américain. Ce qui était plutôt inédit pour un film de Clint Eastwood, puisque d’habitude, ses films reposaient davantage sur le marché nord-américain que sur le marché étranger. Certes, à une époque, le marché nord-américain pesait bien plus qu’aujourd’hui et Hollywood était moins dépendant du marché étranger. Cela dit, les autres films de Clint ayant réussi à atteindre la barre des 100 millions de dollars sur le marché étranger, sont relativement peu nombreux: Sur la Route de Madison, Million Dollar Baby, Gran Torino et American Sniper. Pour Sully, j’ai un doute.
Et j’ai retrouvé le nom du docu: Réel Injun de Neil Diamond 2009.
@kyle, non, aucun changement, un peu moins présent et abo à relancer sous peu. Mais bien à voir avec Baebelou (?)
@baebelou
Oups toutes mes confuses, JR est là, mais il y a eu un changement de pseudo non ?
@baebelou
Bah mais ou est donc passé @JR 😮
J’en ai vu des tonnes de films. C’est devenu une expression courante mais vraiment c’est un des plus grands films que j’ai vu.
Moi j’ai vu le film quand j’étais petit j’ai adorais. Un peu long j’ai trouvé mais quand on regarde on se laisse transporter dans le film. Le succès ne tient à rien car il a eu du succès ce film mais pas un monde parfait qui est aussi l’un des meilleurs films de Kevin Costner
@Kyle
La dernière fois que j’ai reçu une vive émotion au cinéma c’était pour Green book sur les routes du sud
Comme quoi c’est toujours possible sans cgi
Je lirais l’article quand je me réabonnerais, mais également, un film qui m’a marqué enfants (vu au Colisé a Limoges, magnifique cinéma devenu une banque aujourd’hui… Bref). La version longue passe comme une lettre à la poste.
Mais, il y a une quinzaine d’année j’ai vu sur arte un doc sur les amérindiens au cinéma (avec un point de vu important donné à ce peuple), et quand arrive le moment de parler de danse avec les loups… Bon, les mecs se marrent, assez mal reçu chez eux, avec un truc qui m’apparaît flagrant depuis, c’est que le héros n’a pas d’histoire d’amour avec une indienne, mais avec une femme blanche, donc finalement le film ne va pas au bout de son idée
Et, juste parceque je n’aime pas le film de J. Cameron, Avatar(te) a laaaargement pioché dans ce film.
Les meilleurs films de KC sont ceux qui se déroulent à une époque antérieur, les autres contemporains ou dans un futur imaginaire c’est moins le cas, je trouve.