Films

Max et les maximonstres : le maxi-trip qui plane plus haut que Peter Pan

Par Geoffrey Fouillet
27 août 2022
MAJ : 21 mai 2024
Max et les Maximonstres : photo

Après s’être illustrés sur papier, Max et les maximonstres s’affichent sur grand écran devant la caméra de Spike Jonze, le doux dingue du cinéma américain.

Quarante ans séparent la parution du livre pour enfants de Maurice Sendak et la mise en chantier de son adaptation en film par Spike Jonze. Nous sommes alors en 2003, et les six années qui vont suivre ne seront clairement pas de tout repos pour le cinéaste casse-cou, capable de mettre en scène le scénario délirant de Dans la peau de John Malkovich, écrit par Charlie Kaufmann, et d’enchaîner sur Jackass, dont il est l’un des cocréateurs. Qui peut en dire autant ?

Produit par Warner Bros, Max et les maximonstres aboutit une première fois en 2007. Une première version du montage est montrée par Jonze à ses producteurs. La projection ne convainc hélas pas grand monde, d’autant qu’il semble difficile de promouvoir en l’état un divertissement destiné à toute la famille. Heureusement, grâce au soutien de Sendak, avec lequel il noue une étroite relation de confiance, le réalisateur parvient à imposer sa vision, moyennant une réécriture partielle du film et donc un retour en tournage pour une huitaine de jours supplémentaires.

Dès son premier week-end de sortie aux États-Unis, Max et les maximonstres se hisse sans mal en tête du box-office, engrangeant plus de 32 millions de dollars de recettes. De là à parler de succès monstre, il n’y a qu’un pas… que l’on se gardera de franchir, au vu des avis plutôt contrastés des spectateurs, oscillant pour les pires entre l’ennui poli et le rejet pur et simple. Alors, doit-on considérer qu’il s’agit d’un des blockbusters les plus bizarres et déroutants des années 2000 ?

 

Max et les Maximonstres : photo, Max RecordsIl s’appelle Max, et parfois, il mord

 

DE BRIC ET DE BROC

« Faire un film au sujet de ce que ressent un enfant de 9 ans était ma seule intention« , déclarait Jonze au site Entertainment Weekly, et il nous le prouve dès les premières minutes du long-métrage. Max (Max Records) est un garçon agité qui tente de canaliser son énergie débordante dans des activités manuelles. Qu’il monte une tente au milieu de sa chambre ou aménage un igloo devant la maison, il s’arrange pour correspondre à l’image que son père, absent, a de lui – un petit écriteau, ornant le socle d’une mappemonde, indique : « À Max, propriétaire de ce monde. Je t’aime, papa« .

À force de vouloir tout s’approprier, le garçon en devient « ingérable », comme le lui dit sa mère (Catherine Keener) juste avant qu’il ne fugue de chez lui et embarque seul sur un bateau, voguant jusqu’à une île perdue en plein océan. Là, il y fait la rencontre des maximonstres, dont Carol (James Gandolfini), et s’autoproclame roi de la tribu. Est-ce que tout cela est réel ou bien le fruit de son imagination ? Au fond, peu importe, Max, lui, ne se pose jamais la question, et très vite, on lui emboîte le pas. 

 

Max et les maximonstres : photoUn bâton en guise de bras, vive le système D ! 

 

Avec un budget confortable de 100 millions de dollars, le réalisateur s’octroie les services de la Jim Henson Company, une véritable institution dans la conception de marionnettes grandeur nature, déjà à l’oeuvre sur Les Muppets ou Dark Crystal. Le résultat à l’écran est aussi merveilleux que dérangeant, surtout à l’heure où le tout numérique a pris les devants, ce qui n’est pas forcément un mal, attention – Avatar de James Cameron, sorti à la même période, en est la preuve. Toujours est-il que, sur le tournage, les maximonstres ne sont rien d’autre que des comédiens en costume et malgré l’apport des effets spéciaux en postproduction afin d’animer le faciès des créatures, tout transpire le pur artisanat.

C’est là où la fabrication du film vient répondre à l’une des caractéristiques essentielles de Max : son goût pour les choses matérielles. Il n’y a qu’à compter le nombre de scènes dans lesquelles il brandit un bout de bois et s’en sert comme d’une extension de son propre corps. Alors quand il grave son nom sur le bateau ou trace les contours d’une future forteresse dans le sable, le héros cherche à laisser son empreinte, à marquer son territoire autant que les mémoires, de peur d’être dévalorisé ou ignoré.

 

Max et les maximonstres : photo, Max RecordsQuand vient la fin de l’été, sur la plage… 

 

DEMOLITION BOY

Affublé de son costume de minimonstre, Max tient davantage de l’animal enragé que du petit garçon civilisé. Les premiers plans du film, le montrant rugir et bondir derrière son chien, le placent immédiatement dans la lignée des prédateurs et non des proies, et vu la morsure qu’il inflige à sa mère avant de fuguer, il serait bien avisé d’appeler à la rescousse un de ces commandos revenus du Vietnam pour le neutraliser. Plus sérieusement, Max est en colère et s’il prend plaisir à modeler des objets en tous genres, il s’épanouit aussi largement dans la destruction.

C’est là tout le paradoxe du personnage qui aspire à la fraternisation, mais ne peut s’empêcher de semer le chaos et la désolation autour de lui. Lorsqu’il orchestre avec les maximonstres des batailles de boules de terre, le paysage se change soudain en champ de ruines, et les blessures physiques se font jour, comme en temps de guerre. Plutôt que de filmer frontalement les plaies sanguinolentes des créatures (ce que la production aurait refusé selon toute probabilité), Jonze les ampute ou déchire leur pelage sans que cela ne les affecte outre mesure.

 

Max et les maximonstres : photo, Max Records« Courrez autant que vous voudrez, vous ne m’échapperez pas !« 

 

Trop occupé à faire les quatre cents coups, Max en oublie de se soucier des autres, un peu à la manière des Jackass qui, de leur côté, n’avaient même pas l’excuse de l’âge. Pour autant, le réalisateur choisit ici d’accompagner son héros vers une véritable prise de conscience, qui se traduit notamment dans sa façon de s’exprimer. Alors qu’il se contente de grogner durant une bonne partie du film, il apprend peu à peu à articuler sa pensée et à reconnaître ses torts. « J’ai mis une pagaille pas possible« , avoue-t-il à Alexander (Paul Dano), le bouc émissaire des maximonstres – et comble de l’ironie, il s’agit bien d’un bouc.

Si Max acquiert ainsi une forme de sagesse « là où prospère la sauvagerie » (référence au titre original de l’oeuvre : Where the wild things are), rien ne l’empêche de conserver son instinct animal. Grandir sans renier sa nature première, c’est la très belle leçon que Jonze a apprise à travers l’oeuvre de Sendak et qu’il restitue à merveille à l’occasion d’une scène d’adieux déchirante dans laquelle tous se mettent à hurler à l’unisson, telle une meute de loups.

 

Max et les Maximonstres : photo, Max RecordsLa maxi-déprime guette

 

AU LARGE, UNE ÎLE

Tout comme Peter Pan et les enfants perdus, Max et sa tribu trouvent refuge sur une île et s’y amusent à longueur de journée. Une ambiance de colonie de vacances qui doit beaucoup aux chansons folk de Karen O and The Kids. La mise en scène électrique de Jonze évoque quant à elle les tropes visuels des « home movies », ces vidéos de famille tournées sur le vif, privilégiant la spontanéité du geste à la sophistication des plans. Sans jamais trahir un quelconque amateurisme, cette modestie formelle retranscrit aussi bien l’euphorie des personnages que la fragilité de leur mode de vie.

En s’improvisant monarque, Max avance en funambule et au lieu de servir de modèle, il prend plus souvent qu’à son tour exemple sur les maximonstres. Quand Carol lui révèle sa vision d’un monde idéal à travers une maquette géante, le héros s’en inspire afin d’imaginer son propre royaume. Au fond, il compense sa frustration de petit garçon ordinaire en s’arrogeant des mérites qui ne lui reviennent pas, allant même jusqu’à inventer des récits à sa gloire personnelle à seule fin de satisfaire son égo.

 

Max et les Maximonstres : photoLe faux roi montre la voie

 

C’est là que le film dévoile sa dimension psychanalytique. Qu’il ait à subir au quotidien une sœur dédaigneuse ou les prévisions alarmistes de son professeur, Max profite de son aventure sur l’île afin d’exorciser ses démons intérieurs, et en ce sens, tout porte à croire que les maximonstres incarnent différentes facettes de sa personnalité. Plus le héros les observe, plus il identifie des réactions qu’il a déjà pu avoir par le passé, notamment chez Carol, soumis aux mêmes doutes et angoisses que lui.

À l’issue de son voyage, Max réalise donc que « le bonheur n’est pas toujours le meilleur moyen d’être heureux«  – dixit Judith (Catherine O’Hara), la rabat-joie des maximonstres. Il suffit de voir ses larmes couler à la fin, alors qu’il repart de l’île en bateau, pour s’en convaincre. Une très belle conclusion à la morale douce-amère, qui nous rappelle par ailleurs celle du grandiose Vice Versa des studios Pixar, une autre fable sur les vertus de la mélancolie.

 

Max et les Maximonstres : photo, Max RecordsÀ eux deux, ils ne font qu’un

 

Au bout du compte, on comprend aisément pourquoi Sendak s’est dit ravi de cette adaptation. Contre toute attente, Jonze livre avec Max et les maximonstres son œuvre la plus personnelle, un film de studio à l’onirisme spectaculaire et au rythme tantôt lancinant, tantôt turbulent. Une vraie bizarrerie en somme dont on vous recommande le visionnage en double programme avec le court-métrage I’m here du même réalisateur, tout aussi rêveur et fantaisiste. Vous nous en direz des nouvelles.

Rédacteurs :
Tout savoir sur Max et les maximonstres
Vous aimerez aussi
Commentaires
2 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Clarence Sterlingue

Ce film est magnifique et si merveilleusement bizarre. Il est d’autant plus précieux qu’a priori on est pas prêts de revoir des œuvres de ce genre aujourd’hui.

Brosdabid

Impossible de planer plus haut que Peter même si c’est un très bon film sauf si vous parlez du film de Spielberg qui est à raz des pâquerettes