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Cocoon : la version troisième âge de Rencontres du troisième type

Par Geoffrey Fouillet
15 septembre 2022
MAJ : 21 mai 2024
Cocoon : photo

Oubliez les œufs de Xénomorphes et faites place aux cocons d’Antariens dans Cocoon, la comédie de science-fiction pleine de charme signée Ron Howard.

Qui aurait cru que l’interprète de Richie Cunningham, héros de la série culte des années 1970 Happy Days, compterait une décennie plus tard parmi les réalisateurs les plus en vue à Hollywood ? À tout juste 30 ans, Ron Howard connaît son premier vrai succès en tant que cinéaste avec Splash, son troisième long-métrage. L’année d’après, en 1984, il se retrouve à tourner un projet plus ambitieux encore, intitulé Cocoon, remplaçant au pied levé Robert Zemeckis, initialement prévu derrière la caméra.

D’un budget de 17,5 millions de dollars, le film en remporte 85 millions à sa sortie aux États-Unis, et décroche deux Oscars, celui du « meilleur acteur dans un second rôle » pour le comédien Don Ameche, et celui des « meilleurs effets visuels » pour l’équipe d’Industrial Light & Magic (ILM), société fondée par George Lucas. Quand on sait que le papa de Star Wars avait dirigé Ron Howard en 1973 dans American Graffiti, on se dit que les deux hommes ont gardé de solides liens d’amitié, et l’avenir le prouvera à nouveau.

Le très bel accueil réservé à Cocoon n’avait pourtant rien d’une évidence sur le papier. À vrai dire, à cette époque, âge d’or des productions estampillées Amblin Entertainment, le cinéma de science-fiction ne misait pas beaucoup sur des héros septuagénaires. Mais peut-on réduire le mérite du film à cette seule prise de risque ?

 

Cocoon : photo, Wilford Brimley, Don Ameche, Hume CronynLes papys font de la résistance

 

DES ALIENS ET DES SENIORS

Dès la toute première scène de Cocoon, Ron Howard trompe délibérément le spectateur. Un jeune garçon, David (Barret Oliver, découvert un an plus tôt dans la peau de Bastien, le héros de L’Histoire sans fin), scrute le ciel étoilé via son télescope. Aucun doute possible à priori, il est le protagoniste du film, l’enfant à travers les yeux duquel adviendra l’émerveillement, succédant à d’autres figures célèbres du genre, à l’instar d’Elliot dans E.T., l’extra-terrestre de Steven Spielberg.

Quelques minutes plus tard, le cinéaste introduit de nouveaux personnages, cheveux blancs, lunettes sur le nez et mémoire défaillante à la clé. Tous sont pensionnaires d’une maison de retraite en Floride et forment quatre couples unis, avec leurs manies un peu gâteuses et leurs problèmes de santé. Ben (Wilford Brimley), Art (Don Ameche) et Joe (Hume Cronyn) sont les plus téméraires de la bande, et dès que l’occasion leur en est donnée, ils squattent la piscine d’une propriété abandonnée, à côté de leur lieu de résidence. Un jour, ils découvrent d’étranges cocons au fond de l’eau.

 

Cocoon : photo, Wilford Brimley, Don Ameche, Hume CronynC’est bien ici la pool party ?

 

Voici donc les véritables héros de cette histoire, et leur rencontre avec de gentils visiteurs venus d’ailleurs, appelés Antariens, ne va sûrement pas les dissuader de venir piquer une tête. Ron Howard établit alors un parallèle amusant entre les aliens et les seniors. Si les premiers dissimulent leur identité sous des enveloppes humaines qu’ils peuvent retirer et ranger dans un coffre tels des déguisements d’Halloween, les seconds cherchent eux aussi à passer incognito lorsqu’ils partent se baigner hors du périmètre de la maison de retraite.

Bob, Art et Joe ont cela en commun avec leurs voisins Antariens de vouloir renouer avec leur état premier, et c’est ce qui va les pousser à faire communauté au sein de cette villa abandonnée. Il faut les voir se saluer comme de parfaits colocataires ou jouer aux cartes ensemble pour y croire, la très belle idée de ces saynètes étant de leur permettre d’interagir sans le moindre complexe, et même dans le plus simple appareil, en tout cas concernant les extra-terrestres. Que ce soit d’un côté ou de l’autre, ils profitent ainsi pleinement de leur escapade et baissent la garde.

 

Cocoon : photo, Brian Dennehy, Tahnee WelchL’habit ne fait pas le moine, et encore moins l’alien

 

PISCINE DE JOUVENCE

Bien sûr, l’élément aquatique est central dans l’intrigue. Alors que les trois compères découvrent ces étranges cocons au fond de la piscine et se jettent malgré tout à l’eau, ils commencent à recouvrer peu à peu la vigueur de leurs jeunes années. Un effet très vite addictif qui va leur donner envie d’y retourner, non pas seulement afin de se maintenir en forme et en santé, mais aussi pour revivre cet âge adolescent, période de tous les possibles et de tous les extrêmes.

Film familial oblige, les personnages tempèrent un minimum leurs ardeurs, mais il est particulièrement réjouissant de les voir vibrer et fanfaronner comme le feraient les protagonistes d’un « teen movie ». Là encore, propulser des septuagénaires sur la piste de danse d’une boîte de nuit relève de la pure anomalie. Beaucoup de spectateurs se souviennent encore du numéro d’acrobatie auquel se livre Art, métamorphosé en virtuose du breakdance. Cela pourrait être grotesque et ce n’est jamais le cas, tant le réalisateur regarde son trio vedette s’amuser avec une réelle tendresse.

 

Cocoon : photoTout feu tout flamme

 

Toujours est-il que leur soif de jeunesse n’est pas sans conséquence. À bien des égards, Bob, Art et Joe se régénèrent via l’eau de la piscine de la même manière que les vampires se ressourcent via le sang de leurs victimes, sans prêter attention aux dommages directs ou indirects causés par leur égoïsme. La trajectoire quasi mythologique des personnages, jouissant de leurs pouvoirs avant de devoir répondre de leurs actes, est l’un des axes les plus émouvants du film.

Par ricochet, les travers et faiblesses des héros conduisent les Antariens à faire eux aussi l’expérience de la désillusion et du chagrin. Lorsque l’alien prénommé Walter (Brian Dennehy) assiste à la mort d’un de ses semblables, il ne peut s’empêcher de verser une larme, la première de toute son existence. C’est pourtant à cet instant précis qu’a lieu le vrai miracle humaniste du film, le début d’une reconnaissance réciproque entre les deux espèces, terrestre et extra-terrestre, et d’une pensée altruiste commune.

 

Cocoon : photo, Brian DennehyOn leur donnerait le Bon Dieu sans confession

 

LARGUEZ LES AMARRES

Le dernier tiers de Cocoon s’attaque alors généreusement aux glandes lacrymales du spectateur, la bande originale du génial et regretté James Horner se déployant peu à peu jusqu’à l’apothéose finale. Une séance de pêche entre Bob et son petit-fils, David (vous savez, le fameux garçon du début), offre au grand-père l’occasion de faire ses adieux à l’enfant par la voie du conte : « Je crois que ta grande-mère et moi, on va s’en aller, David. Quand on sera là où nous allons, on ne sera plus jamais malades, on ne vieillira pas et on ne mourra jamais« .

Malgré la dédramatisation du discours, c’est bien d’un départ définitif dont il est question, et dans une certaine mesure, d’un solde de tout compte. Partir en paix, la conscience tranquille, tel est l’enjeu auquel sont confrontés les héros, et plus largement les pensionnaires de la maison de retraite. Lorsqu’ils embarquent tous en douce sur le bateau censé les conduire vers d’autres cieux, c’est l’imagerie propre à la déportation qui semble être convoquée, d’où une forme de fatalisme dans le comportement à la fois las et digne des personnages.

 

Cocoon : photo, Wilford Brimley, Barret Oliver« Bien sûr que tu vas me manquer, mon petit David, mais pas autant que la pêche »

 

Par ailleurs, l’aspect luminescent des Antariens les apparente à des anges, d’autant qu’ils se déplacent en flottant dans les airs, et le dénouement, synonyme d’élévation vers la lumière, renforce la symbolique religieuse du film. Ron Howard a l’intelligence cependant de ne pas rendre sa métaphore trop littérale, là où la religion sera, près de vingt ans plus tard, au cœur de sa trilogie hélas assez ratée, adaptée de la saga Da Vinci Code de Dan Brown.

Reste que Cocoon se termine sur une note d’espoir. Comme un dernier pied de nez à l’attention du spectateur, le cinéaste achève son histoire de la même façon qu’il l’a commencée, avec David, personnage secondaire, regardant vers le ciel. Mais contrairement au prologue, qui montrait un garçon encore ignorant des mystères de l’univers, l’épilogue le place du côté des sachants et son sourire en coin en est la preuve manifeste. On s’attendrait presque à voir le carton « À suivre » s’afficher à l’écran, ce que viendra confirmer la suite, Cocoon, le retour, réalisée par Daniel Petrie.

 

Cocoon : photoPour atteindre l’inaccessible étoile

 

Tout en respectant l’esprit « amblinesque » de l’époque, avec ce goût constant pour l’émerveillement, Cocoon transfigure l’habituel récit d’extra-terrestres en s’attachant à des héros désirant non plus grandir, mais rajeunir. Ron Howard réussit ainsi une fable à la fois légère et mélancolique sur le péril de la vieillesse et accouche accessoirement d’un de ses meilleurs films, aux côtés d’Apollo 13 qui se tournera, lui aussi, comme par hasard, vers l’immensité de l’espace.

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rientintinchti2

Très beau film. L’un des plus beaux sur le vieillissement et la vieillesse.
Musique exceptionnelle. La plus belle de son compositeur James Horner et je pense que c’est le plus beau film de Ron Howard.
Film très humain. Brian Dennehy y est excellent.

Ytu

Qu’est-ce que j’ai pu regarder ce film en vhs fin des années 80. Je ne l’ai pas revu depuis… il a du bien vieillir depuis … ou pas! J’ai le thème principal en tête en tapotant mon com’… envie de le revoir! Petite madeleine de Proust.