L’Humanité se prépare au pire scénario catastrophe dans Deep Impact, le blockbuster apocalyptique qui impose Morgan Freeman en proto-Barack Obama.
Auréolé des prédictions les plus alarmistes, le passage à l’an 2000 en aura fait trembler plus d’un. Un climat anxiogène sur lequel l’industrie hollywoodienne a su capitaliser en relançant le genre du film catastrophe à grands coups de billets verts. À la veille du nouveau millénaire débarquent alors sur les écrans du monde entier des mastodontes tels Independence Day, Twister ou Le Pic de Dante. Du cataclysme en veux-tu en voilà saupoudré de grands discours héroïques, la formule est rodée et la recette toujours gagnante.
Si le pétaradant Armageddon de Michael Bay correspond bel et bien à cette définition, Deep Impact, sorti également en 1998, choisit une approche différente malgré un postulat quasi identique. Produit par Steven Spielberg via sa société DreamWorks Pictures, le film est d’abord pensé pour être un remake du classique de science-fiction Le Choc des mondes. À force de discussions et de réécritures, le projet trouve finalement sa propre voie sous la houlette de sa réalisatrice Mimi Leder, dont le précédent long-métrage Le Pacificateur comptait déjà Spielberg comme producteur.
Rassemblant des acteurs débutants, à l’instar d’Elijah Wood et Leelee Sobieski, et d’autres confirmés, comme Morgan Freeman, Robert Duvall et Vanessa Redgrave, Deep Impact a l’ambition plus modeste (75 millions de dollars de budget), mais s’assure un joli retour sur investissement (près de 350 millions engrangés au box-office mondial). Seulement, malgré son succès en salles, le bulldozer de Michael Bay et son casting all-star le supplantent quelques mois plus tard auprès du grand public. Oserait-on parler d’injustice ?
« Mes chers concitoyens, nous voilà dans le pétrin«
IMPACT DANS 3, 2, 1…
Une nuit, alors qu’il observe l’espace au télescope, le jeune Leo Biederman (Elijah Wood) découvre une étoile inconnue dans le ciel. Plus d’une année s’écoule avant que la vérité n’éclate au grand jour : une comète se dirige droit vers la Terre et la collision aura lieu dans environ un an. En collaboration avec la Russie, le président des États-Unis, Tom Beck (Morgan Freeman), et son gouvernement mettent en place une mission spatiale, menée par le capitaine Tanner (Robert Duvall), afin de dévier la comète de sa trajectoire. La journaliste Jenny Lerner (Téa Leoni), en poste à Washington, se retrouve alors à commenter chaque étape de la mission à la télévision.
Pour rendre compte de l’échéance fatidique qui se rapproche, le récit choisit d’accélérer le cours des évènements à mi-parcours au moyen d’ellipses dont l’intervalle se réduit progressivement. Plusieurs intertitres, signalant le nombre de semaines, de jours et d’heures avant l’impact, se succèdent à l’écran et redoublent le sentiment d’urgence. L’appréhension de la catastrophe devient ainsi exponentielle, et c’est d’autant plus saisissant que le film ronge longtemps son frein en matière de spectaculaire pour mieux lâcher les chevaux à la fin.
À côté, Neil Armstrong est un petit joueur
Malgré les vues impressionnantes du vaisseau spatial, alias « Le Messie », évitant le flot de débris charriés par la comète, les moments les plus dantesques du film se produisent sur Terre. Comme dans 75 % des superproductions hollywoodiennes de l’époque, c’est la société d’effets spéciaux Industrial Light & Magic (ILM) qui assure le show. Même si certains décors sont construits en dur, comme la surface de la comète, l’essentiel des visions apocalyptiques est créé par ordinateur, à commencer par la vague géante qui frappe la côte est américaine lors du dernier acte.
Parmi les autres images d’Épinal propres au genre, on retrouve aussi le fameux embouteillage illustrant l’exode des populations, réalisé ici sans trucages, plusieurs milliers de figurants et centaines de véhicules ayant été réquisitionnés. La connotation sacrée, voire biblique, est bien sûr de mise, on pense au déluge et à l’arche de Noé, et elle l’est également dans la plupart des films-catastrophes de cette période. Independence Day en est un parfait exemple avec le rayon laser du vaisseau alien venant à la fois « illuminer » et punir les Hommes, idem pour Armageddon qui multiplie les plans sur les édifices religieux (oui, on ne plaisante pas avec le Tout-Puissant outre-Atlantique).
C’est un oiseau, c’est un avion, non c’est… Supermeteor !
LA GRANDE DÉBANDADE
Face à l’imminence de la catastrophe, l’Humanité dispute le contre-la-montre le plus serré de toute son Histoire. Et quand le compte à rebours initial ne suffit pas, le récit en rajoute encore une couche, comme avec cette scène de lever de soleil sur la comète, qui menace de devenir une véritable cocotte-minute sous l’effet de la chaleur (attention, sueurs froides garanties !). Pour embrasser cette frénésie, la réalisatrice filme souvent en caméra portée et au steadicam, et s’autorise quelques plans-séquences de façon à suivre en continu les personnages, à l’instar des chaînes d’information couvrant la situation 24h/24.
Si Deep Impact s’attache aux coulisses de la télévision à travers le personnage de Jenny, il adopte aussi l’esthétique des reportages, notamment par son usage du montage alterné qui lui permet de juxtaposer différents points de vue à la suite. On pourrait parler de « zapping » à ce titre, d’autant que les protagonistes, et l’ensemble des citoyens, suivent l’actualité au compte-goutte, que ce soit sur les écrans géants de Time Square ou à leur domicile, la télécommande à la main. D’où la sensation d’assister à leurs réactions en direct et en simultané.
La dynamique du récit obéit donc à celle du film choral, mais au lieu d’entrecroiser à toute force les destins de ses personnages, Mimi Leder préfère les faire graviter autour d’un enjeu commun. À chaque manœuvre du « Messie », tous retiennent leur souffle et on ne peut s’empêcher alors d’y voir un parallèle avec les spectateurs de cinéma qui, une fois installés dans leur fauteuil, acceptent de vivre ensemble une même expérience. Ainsi, Jenny, Leo, le président américain ou les astronautes n’ont pas besoin d’être physiquement en présence pour se sentir reliés les uns aux autres.
Cette effervescence collective est au fond ce qui nourrit le propos humaniste de Deep Impact. Il est en ce sens intéressant de constater que la brutalité des évènements n’est jamais redoublée par la violence des Hommes, et là encore, cette observation est valable pour la plupart des films-catastrophes de l’époque. Après les attentats du 11 septembre 2001, la donne changera du tout au tout et la fiction en prendra acte. La Guerre des Mondes de Spielberg traduira parfaitement quelques années plus tard ce sentiment d’insécurité poussant la population à s’entredéchirer.
Pause lecture méritée pour les sauveurs de l’Humanité
DERNIÈRES VOLONTÉS
C’est au cours de son dernier acte que le film emprunte une voie tout sauf attendue, celle du renoncement et du fatalisme. Si quelques-uns gardent espoir, à l’image du duo formé par Leo et sa petite amie Sarah (Leelee Sobieski), la plupart s’en remettent à leur triste sort. « Bonne chance à tous« , conclut le président américain lors de son dernier discours télévisé avant l’impact. Un virage particulièrement poignant qui culmine ensuite avec cette magnifique scène sur la plage entre Jenny et son père, laquelle fait référence à un film sorti en 1960, intitulé Le Dernier Rivage, inspiration assumée de la réalisatrice.
La dimension chorale évoquée plus tôt donne aussi l’impression que les personnages n’ont pas eu assez de temps devant eux, et pour cause, ils ont dû se partager la vedette. La tragédie repose de fait sur le caractère éphémère de leur existence à l’écran. Dans le making-of du film, Mimi Leder racontait : « La première projection-test fût très difficile, la durée du montage présenté était trop longue. Il a donc fallu couper des scènes (…), dont certaines concernant la love-story entre Elijah Wood et Leelee Sobieski. Je leur ai dit que moins on en faisait, mieux c’était. Je crois qu’on a eu raison« .
Sauve qui peut, c’est marée haute !
On sait par ailleurs le genre du film catastrophe friand de ces histoires de familles contrariées et Deep Impact, sur ce point, ne fait pas exception à la règle. Outre Jenny et son père, c’est du côté du capitaine Tanner que l’émotion affleure, notamment à l’occasion de sa réconciliation avec le commandant de la mission, qu’il finit plus ou moins par considérer comme son propre fils. Tout devient alors une affaire d’adieux et de passation entre ancienne et nouvelle générations, les conflits passés et les guerres d’égos paraissant soudain absurdes face à la fragilité de la vie.
De toutes les anecdotes que compte le film, il en est une qui en prolonge douloureusement les thèmes. Elle concerne son chef opérateur, Dietrich Lohmann, qui a choisi de collaborer au projet en ne parlant à personne de sa leucémie. Il mourra six mois avant la sortie en salles du long-métrage, mais sa passion l’aura amené à prendre part à l’aventure jusqu’à la fin. Entre cette jolie leçon d’humanité et la bande originale encore une fois somptueuse de James Horner, difficile de ne pas lâcher une petite larme, enfin on va quand même essayer.
L’objectif est donc clairement réussi pour Mimi Leder. Jamais prétexte à un déluge pyrotechnique bête et méchant, la trame apocalyptique sert au contraire des enjeux humains plus profonds et participe de la qualité étonnamment intimiste de l’entreprise. Si la réalisatrice se tournera ensuite vers des projets moins ambitieux comme Un monde meilleur ou Une femme d’exception, Deep Impact reste un film catastrophe tout sauf mineur, et le parfait négatif d’Armageddon.
Magnifique film que l’on regarde régulièrement en famille. Excellents acteurs. Émouvant sans affeterie.
Qu’ est devenue la réalisatrice?
J’aime beaucoup ce film. Plus terre à terre, plus vraisemblable. Plein d’émotion, superbe musique.
Juste le fin avec « les eaux ce sont retirées ». Euh ouais, vu l’impact, pas sur que l’humanité s’en saurait aussi « bien » sorte
je l’ai vu à sa sortie, c’est un film triste, pas une happy end
Téa Léoni est plus intéressante dans le film family man
Film plus a l’échelle humaine.