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Aliens of the Deep : et si c’était la clé pour comprendre Avatar 2 (et le cinéma de Cameron) ?

Par Antoine Desrues
1 décembre 2022
MAJ : 24 mai 2024
Aliens of the Deep : photo, James Cameron

Avant Avatar : La Voie de l’eauJames Cameron est allé explorer les profondeurs des océans, et a fait d’Aliens of the Deep un condensé de ses obsessions.

Quand on évoque James Cameron, on pense avant tout à son ambition démesurée de cinéaste, à ses budgets kamikazes et aux succès démentiels qu’il a réussi à en tirer à chaque fois. Abyss, Terminator 2, Titanic, Avatar : la brochette de classiques est assez hallucinante, sans même parler de leur manière d’avoir révolutionné l’emploi des effets spéciaux, pratiques ou numériques.  

Mais comme l’a si bien formulé la parodie savoureuse de South Park, James Cameron est avant tout un “pionnier” au sens large, passionné depuis toujours par les fonds marins, surtout après avoir lui-même filmé l’épave du Titanic au fond de l’Atlantique pour les besoins du film. Et puisque le bonhomme ne peut pas s’empêcher de “relever la barre” (littéralement, selon South Park), il est devenu avec le temps un explorateur, jusqu’à réaliser un record de profondeur en 2012 à bord du sous-marin Deepsea Challenger.

Néanmoins, cet apogée – qui a suivi la sortie du premier Avatar – n’a pas été sans précédent, et James Cameron a justement documenté ses premières expéditions sous-marines dès 2005 au travers d’un film : Aliens of the Deep.  

 

Aliens of the Deep : photo, James Cameron« His name is Jaaaaaames Cameron, the greatest pioneer »

 

Sous l’océaaaaan

“Je suis James Cameron et autant vous le dire, j’adore ce travail”. Voilà les premiers mots du cinéaste, prononcés via une voix off, au début d’Aliens of the Deep. Une profession de foi qui fait presque figure d’avertissement, pour bien nous faire comprendre qu’il n’est pas juste là pour financer un caprice qu’un “roi du monde” dans son genre serait en droit de faire. Alors que la caméra suit un personnage dans une salle de contrôle jusqu’à parvenir à une réunion où trône le réalisateur, Cameron s’inclut dans le processus de la mise en scène, presque comme centre de gravité du dispositif.

La démarche peut paraître égotique (et il serait malhonnête de dire qu’elle ne l’est pas, au moins un petit peu), mais d’un autre côté, Cameron le vaut aussi bien qu’une pub l’Oréal. Pour autant, sa manière de s’imposer dans le récit du documentaire est plus maline qu’il n’y paraît : il se positionne comme le référent du spectateur, à la fois en tant que visage connu et en tant que rêveur.  

 

Aliens of the Deep : photo« T’as vu mon beau graphique ? »

 

Après tout, son cinéma est depuis toujours tourné vers le besoin d’une immersion totale, permise par des technologies capables d’embarquer le public dans des mondes toujours plus fantasques. Néanmoins, ces mondes sont nourris par la réalité, y compris dans ses zones d’ombre, à l’instar de ces grands fonds dont on imagine depuis des siècles les trésors (et horreurs) qu’ils renferment à partir de quelques bribes d’indices.  

En bref, on perçoit dans Aliens of the Deep ce dialogue permanent entre la science et le septième art. Tandis que la première nourrit les fantasmes du second, ces rêves de lumière peuvent à leur tour amener à envisager d’autres découvertes et recherches.  

Dès lors, Cameron aime se voir dans un entre-deux, puisque son goût pour l’imaginaire est toujours raccordé à des enjeux techniques et technologiques dont l’avancée dépasse la simple utilité sur un tournage. Il faut transcender le réel pour mieux y revenir, et ainsi pouvoir utiliser des caméras et des bras mécaniques dans des expéditions que l’intéressé décrit lui-même comme “bien plus excitantes que n’importe quel effet spécial hollywoodien”.  

 

Aliens of the Deep : photoEt pendant ce temps, ça fait la post-prod d’Avatar 3 par Zoom

 

20 000 merveilles sous les mers

Or, tout son cinéma est concerné par cette nécessité du réveil, du retour dans un réel que les personnages rejettent souvent en bloc. C’est particulièrement le cas dans Avatar, où Jake Sully apprend à renaître et à s’ouvrir à Pandora, non seulement physiquement grâce à son corps de Na’vi, mais aussi spirituellement. C’est dans cette dimension que s’inscrit d’ailleurs le propos écologique du long-métrage, en opposition à un aveuglement consumériste qui détruit les planètes.  

Il y a déjà dans Aliens of the Deep cette même sensibilité, particulièrement appuyée par son introduction un peu naïve autour du soleil comme source de la vie. Notre chère étoile se raccorde avec une rave party, et une vache devient un steak par un simple cut. C’est un peu facile, mais on comprend tout de suite l’idée : le soleil est notre pile, le dénominateur commun à l’émergence de la Nature, notamment via la photosynthèse.  

 

Aliens of the Deep : photoCthulhu

 

Pourtant, c’est en partant de ce fait que le documentaire s’interroge sur la présence de la vie dans les fonds marins, là où le soleil ne brille pas. Cameron s’amuse à y voir une même hostilité que s’il était dans l’espace, et c’est justement la thèse avancée par Aliens of the Deep : si on veut se mettre à explorer le système solaire, il faut d’abord que l’on trouve une méthodologie de la recherche sur la partie de notre planète qui nous est encore étrangère.  

Ainsi, en plus des océanographes, l’expédition fait également appel à quelques scientifiques de la NASA, venus étudier cette corrélation entre les profondeurs et le vide abyssal de l’espace. À partir de ce moment-là, le documentaire devient une pure œuvre de science-fiction, qui rêve d’extrapolations en tous genres au travers d’illustrations en CGI très vieillottes, mais hautement spectaculaires, qui plongent dans une plaque tectonique depuis le ciel ou qui passent sous l’immense couche de glace de Callisto, l’une des lunes de Jupiter.  

 

Aliens of the Deep : photoLe brouillon d’Avatar 2

 

« Up ahead, Pandora »

Cette promesse d’un ailleurs qu’il convient de ne pas laisser dans l’ombre ou la méconnaissance semble ainsi synthétiser toutes les obsessions de James Cameron. Bien entendu, Aliens of the Deep possède des moments de pure sidération, comme lorsque l’équipage aperçoit au loin une espèce inconnue, sorte de voile blanc et majestueux que même Abyss n’aurait pas pu imaginer dans une telle épure.  

Mais le plus important est ailleurs, à savoir dans la découverte progressive du fonctionnement d’écosystèmes qui ne dépendent pas du soleil. Plancton, mollusques, poissons, calamars, volcans sous-marins… toute la chaîne alimentaire se dessine au fil des plans et du montage, reflétant une harmonie qui est parvenue à transcender un milieu a priori incompatible avec une telle émergence de la vie.  

 

Aliens of the Deep : photoArrêtez de jeter vos sacs plastiques dans la mer

 

On peut voir dans Avatar et sa suite cette même fascination pour l’équilibre et la connexion entre la faune, la flore et les éléments, que Cameron capte ici avec délicatesse comme du papier à musique aussi virtuose que fragile.  

Mieux encore, son film cherche moins à asséner une pédagogie lourdingue qu’à embrasser l’humanité des chercheurs, qui réalisent comme lui un rêve de gosse. Leur visage abasourdi sert de principal contrechamp à leurs découvertes, jusqu’à être mis en scène dans un final qui ne s’embarrasse d’aucune nuance en imaginant la visite d’une base sous-marine extraterrestre, sorte de raccord parfait entre Abyss et La Voie de l’eau

 

Aliens of the Deep : photoCarglass répare, Carglass remplace

 

Dès lors, James Cameron ne fait jamais d’Aliens of the Deep un documentaire qui jouerait avec les peurs que peut éveiller son sujet. Les sous-marins n’y sont pas filmés comme des moteurs de claustrophobie (leurs grandes vitres en bulle aident), et le danger inhérent à de telles expéditions n’est que peu mis sur la table. Au contraire, le cinéaste met en scène une franche camaraderie entre les membres d’équipage, oserait-on même dire une humanité bigger than life, épaulée par le choix de faire le film en IMAX et surtout en 3D, pour l’une de ses premières expérimentations (perfectibles) avec l’outil.  

Le réalisateur de Titanic n’en oublie jamais son sens de la technique, du spectacle et du storytelling, et même si son documentaire est parfois plombé par sa présence très paternaliste, il y a une certaine beauté à le voir être à la fois un Jules Verne moderne, et devenir son pendant fictionnel, le Capitaine Nemo. Comme ces deux-là, Cameron voit toujours vers l’avenir, avec ce besoin maladif d’aller toujours plus loin, de se transcender en tant qu’individu et d’emmener l’espèce humaine avec lui dans ce voyage. Difficile de ne pas y voir sa manière de penser son cinéma. 

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Hasgarn

@的时候水电费水电费水电费水电费是的 Hank Hulé :

J’ai une technique imparable quand on n’en a rien à carrer : on ne dit rien. Ça permet d’être crédible et de ne pas passer pour… ce qu’on n’est pas (ou pas).

De rien.

Marc en RAGE

Le mystère James Cameron je résume : Titanic + Abyss + passion des fonds Marin = AVATAR La voie de l’eau

Nyl

@1er commentaire

Tellement mâture que j’en suis sans voix

Hank Hulé

Et si on en avait rien (mais alors rien) à carrer ?