Qui se souvient de Supernova, navet de science-fiction aux faux airs d’Alien qui a été un énorme bide à sa sortie en 2000 ? Sûrement personne. Pourtant, le film est passionnant en coulisses.
2000, c’était l’année de Gladiator, Mission : Impossible 2, Seul au monde, X-Men et Incassable. Mais c’était aussi celle de Battlefield Earth, Titan A.E., Donjons & Dragons, Highlander : Endgame et quelques autres désastres plus ou moins mémorables. Et parmi les plus oubliés, il y a le cas d’école Supernova, avec James Spader et Angela Bassett.
Sorti en septembre 2000 en France, ce film de science-fiction à gros budget était pourtant parti du bon pied, avec le cinéaste Walter Hill, réalisateur chevronné (Les Guerriers de la nuit, 48 heures) bien connu des fans de SF en tant que coscénariste (officieux) et producteur des films Alien. Sachant que le grand H.R. Giger avait lui aussi travaillé sur le projet, Supernova avait véritablement un goût de xénomorphe.
Sauf que la production a été un cauchemar de A à Z. Réduction du budget, tournage lancé en quatrième vitesse, changement de réalisateur, reshoots sans fin, et même coup de main de Francis Ford Coppola : Supernova a été une catastrophe en coulisses. Et c’est bien plus intéressant que le film lui-même.
qui a réalisé supernova ?
Si vous survivez à Supernova sans vous endormir, vous verrez le nom du réalisateur Thomas Lee apparaître à l’écran. Le fameux Thomas Lee… qui n’existe pas plus que le célèbre Alan Smithee, pseudonyme utilisé depuis les années 50 par tous ceux qui veulent renier un film détruit par les producteurs. Pour les initiés, le message est clair : Supernova a été un cauchemar, et personne ne veut y être associé.
Qui a réalisé Supernova alors ? C’est la grande question. Au départ, c’était Walter Hill, choisi pour remplacer Geoffrey Wright, qui avait quitté la production deux mois avant le tournage, suite à des désaccords avec les producteurs (entraînant le départ de l’acteur Vincent D’Onoforio, remplacé par James Spader). Et c’était une idée alléchante vu le joli CV de réalisateur (Driver, Les Guerriers de la nuit, 48 heures, Extrême préjudice).
Quand faut convaincre un nouveau réalisateur
Mais ce n’était que le début des problèmes. Après un tournage très compliqué début 1998, Walter Hill a lui aussi claqué la porte après des mois de montage. Le studio a alors rappelé Jack Sholder, qui avait failli réaliser Supernova après le départ de Geoffrey Wright. Il a essayé de remonter le film, couper des scènes et en tourner de nouvelles, avant d’être à son tour écarté.
C’est là que Francis Ford Coppola est entré en scène. Le rapport ? Il venait de rejoindre le conseil d’administration du studio MGM, et a filé un coup de main en essayant d’arranger l’affaire. Plus d’un an après la fin du tournage, Supernova a donc eu droit à un remontage et rafistolage. Et là encore, le résultat n’a absolument rien réglé, au contraire.
Résultat : Supernova est bien le film de Thomas Lee. C’est-à-dire le film de personne.
Quand tu retrouves le précédent réalisateur
la presque réunion alien
Supernova avait pourtant bien commencé. Tout est parti au début des années 90 de William Malone, repéré avec le film Scared to Death en 1981. Le projet s’appelait alors Dead Star, et racontait le cauchemar d’un équipage qui retrouvait un vaisseau disparu depuis quelques années, tout près d’un trou noir. Ils découvraient des artefacts ramenés d’une planète, où des extraterrestres étaient entrés en contact avec le diable. Et évidemment, des forces maléfiques étaient libérées et s’en prenaient à eux.
Au départ, c’était un film à petit budget et un huis clos horrifique. Et oui, on dirait BEAUCOUP Event Horizon, qui sortira en 1997. Le (meilleur) film de Paul W.S. Anderson est sous très forte inspiration Alien, ce que Dead Star portait dans son ADN au départ avec la participation de H.R. Giger, l’artiste suisse qui a notamment créé le xénomorphe.
Supernaze, le huitième passager
Interrogé par Cinespace en 2000, Malone racontait : « En gros, c’était : rencontrez le diable dans l’espace. Je devais le réaliser. J’avais passé 10 jours à travailler avec H.R. Giger sur ce film, et la boîte pour laquelle je l’avais écrit n’avait simplement pas l’argent pour le faire. C’est devenu un trop gros projet. Donc apparemment ils ont fini par le vendre à United Artists, qui a fini par le faire ».
Dans une autre dimension, Supernova aurait donc pu réunir Giger et Walter Hill pour un autre film d’horreur dans l’espace. Mais William Malone a complètement abandonné son bébé, même s’il est crédité au générique pour l’histoire. Ce n’est que des années plus tard que le film sera finalement lancé par le studio MGM. Pour devenir un enfer, effectivement.
le cauchemar du budget
Après avoir viré le premier réalisateur Geoffrey Wright à quelques semaines du tournage, le studio était en pleine panique. Frank Mancuso, boss de Metro-Goldwyn-Mayer, a alors appelé son pote Walter Hill. Le cinéaste racontait en interview avec la Director’s Guild of America, en 2007 :
« Ca a été l’expérience la plus malheureuse que j’ai eue en tant que réalisateur. Je suis arrivé très tard. Ils ont viré un réalisateur, voulaient se lancer dans quatre semaines. J’avais envie de faire un truc de science-fiction. Je pensais que leur scénario avait des problèmes qu’on pouvait résoudre. James Spader était là, c’est un acteur que j’aimais beaucoup, et je le connaissais. (…) J’y suis allé et j’ai fait une rapide réécriture. C’est là que ça a commencé à mal tourner« .
Lindsay Doran, la présidente du studio United Artists (qui faisait partie de la MGM depuis 1980), avait développé le scénario, et y tellement attaché que les modifications ont provoqué beaucoup de tensions. Sans parler des changements majeurs en cours de production :
« C’était l’histoire d’un tueur en série qui arrive dans un vaisseau spatial et essaye de tuer l’équipage. Au bout de quelques semaines de tournage, les producteurs ont décidé que ce serait Rated R et qu’il fallait un ton différent. Je leur ai dit que ce n’était pas ça l’histoire. Ils m’ont perçu comme un provocateur ».
Un des arguments de Supernova : des hommes à moitié à poil
Par-dessus ça, le studio avait de gros problèmes financiers, si bien que le budget de Supernova a été réduit de moitié durant la production. Le film ayant apparemment coûté entre 60 et 90 millions, le budget initial aurait donc pu approcher des 200 millions, soit une somme hallucinante (bien plus que Mission : Impossible 2 et X-Men, sortis la même année).
Et comme l’histoire de Supernova est réellement magique, ce n’était toujours pas la fin des ennuis. Les producteurs espéraient réduire le budget des effets visuels grâce un partenariat entre le studio MGM et la célèbre boîte Digital Domain (créée par James Cameron, Stan Winston et Scott Ross). Sauf que ce deal est tombé à l’eau, enterrant ainsi la perspective d’une ristourne. Conséquence : une très grosse partie des scènes et idées avec des effets visuels a été mise à la poubelle.
L’incroyable scène de sexe en zéro gravité qui devait en mettre plein les yeux ? On verra. Le robot super moderne contrôlé à distance ? Finalement, ce sera simplement un acteur avec un costume d’androïde. Le sauvetage dans l’eau en zéro gravité ? Coupée du scénario.
« À la place, vous allez montrer vos poils et fixer un écran »
SUPERsauvetage raté
Malgré la situation absolument désastreuse, la MGM a enfoncé le clou dans le cercueil en organisant des projections-tests avant que le film ne soit fini. Walter Hill expliquait, toujours du côté de la Director’s Guild of America, en 2007 :
« En postproduction, on avait énormément d’effets à gérer. Mais ils ont décidé de montrer le film sans les effets. J’ai dit que c’était fou. C’est un film de science-fiction, il faut les effets. Ils voulaient savoir comment le film allait être reçu. Je leur ai dit que ce serait de la merde, qu’on aurait des avis terribles, qu’ils abandonneraient le film ».
S’en est suivi un bras de fer. Le réalisateur a refusé de participer à cette mascarade, le studio l’a écarté, et c’est là que le fameux pseudonyme de Thomas Lee est arrivé. Puis les interminables remontages ont commencé. Mais pour Walter Hill, c’était terminé.
Les producteurs ont embauché Jack Sholder, qui avait failli prendre la place de Geoffrey Wright avant Walter Hill. Il racontait en 2012 à Ugo.com :
« Walter avait fini le film, il était en montage depuis 4 ou 5 mois, et ils l’avaient viré. (…) Du point de vue du studio, le film ne marchait pas. Il a continué le montage, et ça marchait encore moins. Ils voulaient tester le film, et lui voulait faire des reshoots. Ils étaient d’accord pour des reshoots, ils savaient sûrement que c’était nécessaire, mais ils ne voulaient pas dépenser des millions en reshoot sans avoir testé le film. Pour Walter, on ne pouvait pas tester le film sans les reshoots, il manquait des choses importantes et l’avis du public serait biaisé. Le studio a tapé du poing sur la table pour dire qu’ils allaient montrer le film. Et Walter a dit, ‘Non, ou alors je pars’. Ils ont dit, ‘Si, on va le faire’, donc en gros il est parti.«
Plus simplement : « Ils m’ont engagé pour venir voir si je pouvais sauver le film. Et je dois dire que c’était affreux. C’était vraiment mauvais« .
Walter Hill qui dit merde au studio
Supernavet
Qu’est-ce qui ne marchait pas selon Jack Sholder ? Tout était beaucoup trop sérieux, et les personnages étaient tous antipathiques. Il y avait des sous-intrigues mal gérées (notamment le passé du personnage d’Angela Bassett, ex-femme battue par un homme drogué, ce qui expliquait son mépris pour le héros incarné par James Spader), une voix d’ordinateur central qui commentait toutes les actions, une bande originale insupportable. « On détestait absolument tout le monde, et on ne comprenait pas ce qui se passait ».
Il a donc simplifié tout ça et rajouté un peu de chaleur humaine, notamment autour des personnages de Nick et Kaela. C’est sûrement là que l’aspect monstrueux de Karl a été revu, que les scènes les plus violentes ont été adoucies, et que la fin a changé, parmi mille autres changements. Le film a été retesté, a reçu de bien meilleures notes, et Frank Mancuso était heureux. La situation semblait miraculeusement sauvée.
Sauf que non, puisque la direction du studio a changé, et les nouveaux boss ont estimé que Supernova était toujours un problème. Et méritait un remontage, voire des reshoots, encore.
Le public des projections tests qui a validé le 14e montage
C’est là que Coppola est intervenu pour United Artists. Et c’est là que la fameuse scène de sexe en zéro gravité aurait été retouchée, pour faire croire que c’est James Spader et Angela Bassett… alors que c’était Peter Facinelli et Robin Tunney. Dans le film, ça dure 2 secondes et demie, mais ça témoigne bien de la panique à bord pour sauver les meubles et rendre Supernova plus sexy.
Quand Supernova est finalement sorti au cinéma en janvier 2000, deux ans après la date initialement prévue et sur un triste créneau, c’était évidemment perdu d’avance. Le studio avait apparemment déjà rangé le film parmi les pertes financières. Aux États-Unis, il a débarqué sur plus de 2200 écrans et s’est crashé avec un démarrage minable à 5 millions, soit un score désastreux pour une superproduction à 60-90 millions. Après une courte carrière, Supernova s’est contenté de 15 millions à peine au box-office mondial.
Que reste-t-il de ce cataclysme ? Une histoire de coulisses croustillante et terrifiante, et beaucoup de fantasmes sur ce que Supernova aurait pu et dû être, notamment avec les nombreux éléments disponibles (scènes coupées, vidéos et images promo). De quoi exciter les esprits les plus curieux qui courent après les petits plaisirs à la Event Horizon et Pandorum.
Moi je l’avais en dit viccs et j’avais bien aimé a l’époque. Puis sur un vide grenier j’ai choppé le DVD et les scènes coupées, du coup je ne me souviens que des scènes coupées llooll. Notamment la fin alternative qui voit la supernova explosé et l’ordi qui dit que celle ci touchera la terre dans x temps et clap de fin.
Tiens, tjrs pas de news du cut des enfers de évent horizon? ( Je déconne hein, mais ça fait iech quand même, surtout avec le nouveau master sorti)
Pour info, si l’article parle d’Alien, c’est parce que : Walter Hill et Giger, comme expliqué dès l’intro. Sans parler du point de départ (vaisseau, équipage, signal de détresse…).
Bon film, pas d’alien sauf un artefact qui augmente les capacités humaines et ça fini bien pour deux personnages.
Bah moi aussi je m’en souviens mais ça ne parle d’aucun Alien sauf erreur de ma part
@Byeee
Je sais, c’est fou ces médias qui proposent un abonnement plutôt qu’une lecture gratos de leur travail. Je pense que nous sommes pionniers.
Ce casting !
Un gâchis. Walter Hill, Francis Ford Coppola et « Alan Smithee » s’y sont cassés les dents.
Pour être plus sérieux, le scénario de base sentait bon quand même et de bons acteurs et technicos étaient impliqués. Un modèle de genre, calibré, affuté et destiné à fonctionner.
C’était en 2000….
Bravo pour cette article et cette remise à niveau.
J’ai le film sur un DD, pas encore vu et c’est tant mieux. Il est dans ma catégorie « Films de fin du monde ». Au cas ou le monde part en cacahuète, lassé par le moult visionnages des films que je kiffe 🙂
Dommage, perso j’avais bien aimé le film même si c’était clairement un navet et la suite de l’article avait l’air intéressante, mais il faut payer pour la lire. Lol quelle blague.
« Qui se souvient de Supernova ? » Moi !!!
Je me souviens surtout d’une tonne de scènes coupés plus intéressantes que le film lui même. Pas sur qu’un montage incluant ces scènes aurait sauvé le projet mais la fin initiale était originale. L’histoire autour du film est bien plus passionnante en effet..
PS: HR Higer… un doigt a du ripper sur le H situé à droite du G…