Depuis sa sortie originelle en 1993, Iron Monkey de Yuen Woo-ping est devenu un film d’arts martiaux aussi culte qu’indispensable. Notamment pour Quentin Tarantino.
2000. Le succès monstre de Tigre et Dragon remplit l’objectif majeur du film d’Ang Lee : séduire le public occidental par une approche modernisée du wu xia pian (le film de sabres chinois). Pourtant, le passage au nouveau millénaire marque aussi la fin de l’âge d’or du cinéma hongkongais, dont se sont nourris de nombreux cinéphiles et cinéastes dans les années 80 et 90.
Dès Matrix en 1999, le cinéma américain se plonge dans la régurgitation de cette influence, transcendée en 2003 par le Kill Bill de Quentin Tarantino. Le réalisateur, connu pour sa connaissance encyclopédique du septième art, devient avant même la sortie de son diptyque un ambassadeur de cette culture. La société Miramax perçoit avec Tigre et Dragon un filon, et se décide à sortir des films un peu plus anciens, mais dans la même mouvance.
C’est ainsi qu’en 2001, l’Occident a l’opportunité de se jeter sur Iron Monkey, véritable diamant brut de 1993, qu’on doit à l’inestimable chorégraphe de Tigre et Dragon : Yuen Woo-Ping. Derrière son pitch aussi simple qu’intrigant à base de Robin des bois/Zorro asiatique qui combat l’injustice, il y a tout un concentré de pop-culture locale, et d’expertise pour un cinéma d’action à nul autre pareil. Tarantino lui-même a accepté de soutenir cette sortie américaine tardive, pour une œuvre qu’il a qualifiée comme “l’un des plus grands films de kung-fu de tous les temps”. Et il serait compliqué de le contredire.
Ça tombe bien, il y a une ressortie en Blu-ray chez Metropolitan
Robin des beignes
À vrai dire, il semblerait même qu’Iron Monkey ait eu une influence certaine sur Kill Bill, puisque le long-métrage aurait confirmé à son auteur que Yuen Woo-Ping était le chorégraphe tout désigné pour son hommage au cinéma HK. Logique, étant donné que le bonhomme a marqué au fer rouge cet héritage, en révélant des acteurs par la précision de ses chorégraphies (Jackie Chan sur Drunken Master, Jet Li sur Il était une fois en Chine et Tai Chi Master). Petit à petit, sa créativité s’est même débridée, au même titre que ses passages à la réalisation, remplis de trouvailles visuelles et d’une gestion absolument virtuose du rythme, du découpage et du montage.
S’il privilégie la clarté de l’action et des combats par un maximum de plans fixes (notamment de profil, comme dans un jeu de combat), Woo-Ping n’en oublie jamais la force qu’un travelling ou qu’un raccord rapide peut avoir sur le ressenti des mouvements. Il sait faire de la caméra une participante de cette danse, toujours à la recherche de l’angle idéal pour sublimer le moindre geste par des inserts.
Et en plus, il y a Donnie Yen !
D’une certaine façon, on peut même percevoir Yuen Woo-Ping comme une synthèse du cinéma de Hong-kong, ou plutôt comme un cocktail parfait, qui a su faire maturer ses arômes par ses multiples collaborations avec certains des plus grands talents de son temps, de Gordon Chan à Wong Kar-wai en passant par Stephen Chow.
Dans le domaine, sa rencontre la plus importante reste celle avec Tsui Hark, dont le style iconoclaste lui a permis de totalement réinventer le wu xia pian, et plus généralement la façon de penser l’action à Hong-kong, de Zu, les guerriers de la montagne magique à son chef-d’œuvre The Blade. Le duo s’est associé pour la première fois sur Il était une fois en Chine, avant que Yuen Woo-Ping ne devienne un artiste récurrent de la Film Workshop (la société de production de Tsui Hark).
Son nom, il le signe à la pointe de son pied dans la gueule
En somme, Iron Monkey peut être vu comme le pinacle de cette collaboration, tant le film dépend autant de la méthodologie créative du producteur que de l’inspiration du réalisateur et chorégraphe. Depuis ses premiers films, Tsui Hark est un féru de pop culture, qui mixe l’histoire de la Chine à ses mythes et son folklore, le tout avec l’énergie trépidante du serial à l’américaine.
S’il a connu son heure de gloire après les classiques des années 60 et 70, le cinéaste a joué un rôle primordial dans la perception d’un cinéma qui a écrit sa propre légende à partir d’une réécriture de l’histoire. Certaines figures du passé ont fini par devenir des personnages de fiction déifiés, à l’instar du fameux Wong Fei-Hung, ce révolutionnaire et artiste martial de la fin du XIXe siècle, transformé en icône incontournable des productions d’exploitation.
Petit Wong Fei-hung deviendra grand
The Dark Monkey
À l’instar de nombreux autres réalisateurs, Tsui Hark a contribué à faire de Fei-Hung un mythe de cinéma avec Il était une fois en Chine, en jouant autant sur ses connaissances de la médecine que sur sa maîtrise du kung-fu, dans une époque où l’industrialisation de la Chine par les occidentaux s’est confrontée aux traditions du pays.
Cette remise en contexte est importante, car elle est au cœur de la démarche d’Iron Monkey, qui s’amuse à imaginer la jeunesse rocambolesque du personnage, un peu à la manière du Secret de la pyramide avec Sherlock Holmes. À la fois producteur et scénariste, Hark a mêlé cette idée à un pur récit d’aventures, avec en son centre un justicier masqué redistribuant les richesses du préfet local aux plus démunis.
Alors que Wong Fei-Hung (Tsang Sze-man) débarque dans le théâtre de ces événements avec son père, Wong Kei-Ying (Donnie Yen), celui-ci est accusé à tort d’être le Singe d’Acier. Face à la corruption et l’injustice, la famille s’allie à ce véritable “Robin des bois chinois”, qui n’est autre que le Dr Yang (Ru Rong-guang), médecin au grand cœur qui prend soin de la communauté avec l’aide de son assistante, Orchidée (Jean Wang).
Ce quiproquo inaugural marque bien le mélange pop galvanisant du film, comme si tous ces héros pouvaient se cacher derrière le costume d’Iron Monkey grâce à leurs capacités martiales (ce qui arrive à plusieurs occasions). L’abstraction de ce Zorro asiatique donne finalement une silhouette à une bonté quelque peu béate et typique du cinéma d’action hongkongais. Ce qui intéresse Tsui Hark, ce sont les interactions contradictoires des corps, qui peuvent autant s’affronter avec une maîtrise totale de leurs mouvements que faire preuve de la plus pure des solidarités – qui offre au long-métrage certaines de ses plus belles séquences, notamment lorsque ses personnages cuisinent.
Par miracle, ce pot-pourri d’influences réussit à trouver une étonnante homogénéité, malgré ses ruptures permanentes entre l’action, la comédie et le drame. De quoi rendre Iron Monkey encore plus inclassable, d’autant que le résultat final tient à cette identité trouble, qui n’assume qu’à moitié sa nature de prequel à la saga Il était une fois en Chine (marquée par l’emploi du même thème musical lorsqu’il filme Wong Fei-Hung).
Singin’ in the rain, modafucka
Kung-Fou
A priori, un tel bazar, qui plus est porté par son intertextualité, devrait sembler hautement indigeste. Pourtant, Yuen Woo-Ping transcende le postulat initial de Tsui Hark, et fait de son film un bijou de frénésie, qui enchaîne ses séquences d’action débridées avec une variété ahurissante. Au poing ou à l’épée, au sol ou dans les airs, en duel ou à plusieurs, chaque combat a l’opportunité de renouveler le rapport à l’espace et à la chorégraphie. Lancé dans une quête d’expérimentation permanente, le réalisateur semble tirer sur l’élastique jusqu’à le voir craquer. Chaque geste et chaque retournement de situation sont pensés pour donner lieu à une suite encore plus dingue, et pour chercher un point de rupture.
C’est dans ces moments-là que la folie visuelle d’Iron Monkey s’accorde parfaitement à son brassage foutraque de la pop culture. La spécialité de Yuen Woo-Ping, c’est de mélanger avec une précision de chimiste des mouvements et leurs conséquences dans un jeu de décomposition faussement hétérogène. Les longues prises spectaculaires, les suites d’inserts sur des pieds, des poings ou des armes relancent la dynamique en manufacturant cette fluidité.
De la sorte, même les enchaînements les plus improbables trouvent leur raison d’être dans cette gradation permanente, au point d’atteindre dans le climax un niveau d’absurde jubilatoire autour de poteaux en feu. À vrai dire, Iron Monkey est a posteriori encore plus essentiel, car il marque le renouveau définitif du cinéma de Yuen Woo-Ping, où une table ou un parapluie peut servir à l’expérimentation de ses chorégraphies. Cette magie, qui semblerait presque sans effort, offre au film une poésie insoupçonnée, en particulier dans sa meilleure séquence, où le Dr Yang et Orchidée déploient toute la minutie de leur kung-fu pour récupérer avec délicatesse des papiers envolés par une bourrasque de vent.
Derrière chaque plan, chaque photogramme, et chaque raccord se cache un appétit boulimique pour l’image de cinéma. Iron Monkey a beau viser en priorité un public très spécifique, sa beauté et son énergie en ont fait un objet de culte amplement justifié. Pour reprendre notre analogie, le cocktail est peut-être un peu chargé et riche en goût, mais il fait tourner la tête comme aucun autre.
@Grey Gargoyle
Sur yt il y a aussi wu Tang vidéos, des milliers de kung fu de tout acabit. Via gogole, asian express pour les pépites.
@plusd’espoir
Stp, en quoi les il était une fois en Chine est plus réaliste que Iron monkey ? Tu ferais mieux d’étendre ta vision au delà des 10mn pour en parler amplement.
@cidjay
Alors tu n’as encore rien vu… Mettre les il était une fois en Chine au dessus ?
Les années hk90… Jusqu’à présent j’en ai encore plein dans la tête…
Combat de maîtres, blade Of Fury, stormriders, the blade, hormis Iron monkey, t’ai chi 2, pour ne citer que ceux là…
La liste est vague et longue.
Du coup, forcément, YouTube m’en propose tout un paquet, notamment ceux de la société de production/diffusion Tiger Pictures.
Difficile de savoir si je suis tombé dans un champ de navet ou si je peux trouver des pépites.
Je vais me garder « Ace Bodyguard » sous le coude. On verra bien si c’est nul ou si ça se regarde.
C’est dingue. C’est comme si on était revenu à la situation d’avant HK Vidéo. À part quelques initiés à Paris, il n’y a pratiqyement plus personne qui est capable de savoir ce qui sort en Asie, hormis si éventuellement le film bénéficiera en France ou passera dans des Festivals…
Je me sens un peu seul sur ce coup là. J’ai un ami qui veut ressusciter le site « Ciné Asie ». Il va lui falloir du courage… :’-(
Au fait, pour l’anecdote, en grattant sur Google, je suis tombé sur deux films chinois datant de 2020 dont le titre est traduit par « Iron Monkey » mais qui sont aussi connu sous le nom « Outlaw Thunder ».
Dans les deux cas, le réalisateur/acteur/artiste martial s’appelle Yue Song.
Le sujet du film est assez simple. Cela s’apparente à du Ken le Survivant.
Encore plus étonnant, en continuant de gratter, … je tombe sur l’intégralité du film en accès gratuit (mais avec publicités) sur YouTube.
C’est loin d’être certain que c’est un chef-d’œuvre.
Ceci étant, cela me confirme ce que je pense depuis quelques années.
À l’exception notable de quelques films coréens qui arrivent à trouver leur public en France, la vague de popularité des films asiatique a fait pschittt en France et la très grande majorité des films asiatiques, bons ou mauvais, à petit ou gros budget, étant tourné d’abord vers les publics asiatiques eux-mêmes, ils ne sortent plus ni en salles ni en vidéo.
Par contre, certains doivent être accessible, je suppose, en streaming.
Je sais bien que le passé est mort mais je dois avouer que ça me manque de ne plus avoir une offre pléthorique en vidéo.
C’est la vie…
Hello,
Oh tiens, je l’ai quelque part dans ma montagne de DVDs ! (^_^’)
À ma grande honte, je ne me rappelle plus trop du scénario.
J’ai reconnu tout de suite la jaquette du DVD Metropolitan Filmexport, celle qui a un fond noir avec les deux protagonistes devant un rond rouge.
Ayant revu des photos du film via Google Images, ça a fait tilt. J’ai des souvenirs de certaines des scènes de combat qui effectivement étaient top !
Assez paradoxalement, le film fait penser au ninjutsu (je sais, je sais, les ninjas sont japonais et n’ont rien à voir avec ce film, en fait) du fait des costumes.
C’est un film très sympa, très agréable à regarder.
Bien cordialement
Je vous conseil Prodigal son de Sammo HUNG…1 film de Kung Fu magnifique…
@的时候水电费水电费水电费水电费是的 Shlabor
Déjà ça n’a rien à voir avec il était une fois en Chine dont je possède la trilogie en coffret Blu-ray qui est plus « réaliste » que Iron Monkey.
@的时候水电费水电费水电费水电费是的 Cidjay
Je suis collectionneur et j’achète énormément de Blu-ray. J’ai Netflix et Prime que je ne regarde jamais qui sont pour mon épouse. J’aime tous les genres et j’apprécie beaucoup les films d’art martiaux, pratiquant cet art depuis plus de 30 ans ! Normalement j’achète les films que soit je connais pour les avoir dans un Master excellent, soit je les achètent car les critiques sont bonnes pour ma vidéothèque. Pour ce film j’ai fait confiance aux critiques et je le regrette.
Ne t’inquiète pas il m’arrive de vendre également les films qui ne me plaisent pas !
Très bon Film D’Arts Martiaux HK ; des Combats Chorégraphier de toutes Beautés …Dans La Même veine que : Il était une Fois En Chine…Si vous aimez Donnie Yen ; Regardez Flash point dans un Style De Combats MMA…
@Plus d’espoir… : Surpris de voir qu’il y a des gens qui achète cher des BluRay de films dont ils n’ont jamais entendu parler.
Perso, si je passe à la caisse pour un BluRay, je sais au minimum que le film va me plaire, sinon, je le paye 2 euros max si je sais pas à quoi m’attendre.