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Toujours l’un des meilleurs films de voiture : Rush, ou la recette parfaite avec Chris Hemsworth

Par Judith Beauvallet
18 mars 2024
MAJ : 24 mars 2024
9 commentaires

Retour sur Rush, le film de course automobile réalisé par Ron Howard en 2013, avec Chris Hemsworth et Daniel Brühl dans les rôles de James Hunt et Niki Lauda.

Rush : le film de formule 1 ultime

Avant que James Mangold ne redéfinisse le film de Formule 1 en 2019 avec Le Mans 66, le réalisateur Ron Howard était déjà passé par là avec Rush, sorti en 2013. Une histoire vraie de rivalité devenue amitié, sur fond de tragédie automobile…

Qu’ils soient inspirés d’histoires vraies ou pas, les films de fiction portant sur la course automobile ne sont pas légion dans l’histoire du cinéma. Grand-Prix, Michel Vaillant, Le Mans 66… Leur qualité est variable, mais leurs défis restent très souvent les mêmes : la mise en scène des scènes de course qui se doivent d’être décoiffantes et le récit d’histoires humaines derrière la performance sportive et la compétition.

Ce sont bien les deux routes que Ron Howard a choisi d’emprunter en réalisant Rush, sorti au cinéma en 2013. Ce film de bagnoles très efficace dans son style raconte (avec plus ou moins de fidélité) l’histoire vraie de la rivalité entre les coureurs James Hunt et Niki Lauda, ici interprétés par Chris Hemsworth et Daniel Brühl. Et si Rush était la recette, apparemment peu connue, du vrai bon film de F1 ?

 

Rush : photoEn rouge et blanc

 

Le vrai du faux

Chaque film de fiction et chaque documentaire consacré à la course automobile est hanté par le même spectre, qui est le véritable antagoniste de l’histoire : le risque de mourir à chaque instant. Car oui, bon nombre de champions de la discipline ont trouvé la mort dans la pratique de leur art, et se hisser sur les plus hauts podiums des circuits de F1 implique d’accepter chaque jour de risquer sa vie. Ce type d’enjeu est évidemment du pain béni pour tout scénariste ou cinéaste, d’autant qu’il permet d’activer le levier ultime de la sensation forte racoleuse au cinéma : la fameuse mention “d’après une histoire vraie”.

Voilà la garantie que cherche le spectateur, la promesse de drames terribles, si possible sanglants, agrémentés du frisson qui consiste à se dire, tandis qu’on est au chaud dans son fauteuil, que les choses se sont réellement déroulées ainsi un jour, pour quelqu’un, quelque part. Du côté du metteur en scène, pas facile de jouer avec ces éléments pour en tirer toute la tension dramatique et la justesse historique sans pour autant verser dans le voyeurisme et l’irrespect des victimes (eh oui, les fameuses histoires vraies sont à double tranchant, car elles entraînent davantage de responsabilité morale). Pourtant, c’est bien ce que Ron Howard réussit à faire avec Rush.

 

Rush : photoÇa roule pas haut

 

La qualité du film, sur cet aspect, est de ne faire de la tragédie qu’une étape, et non pas la conclusion. Peut-être aussi parce que la victime de l’accident de l’histoire n’est pas décédée dans la réalité, et qu’il y avait encore une histoire à raconter derrière. En effet, le nœud dramatique central de Rush est l’accident que subit Niki Lauda en 1976, lors du Grand Prix d’Allemagne. Perdant le contrôle de sa voiture, le conducteur rentre dans les glissières de sécurité, avant d’être percuté à pleine vitesse par deux autres coureurs tandis que sa voiture prend feu. Ayant frôlé la mort, Lauda s’en tirera défiguré, ce qui ne l’empêchera pas de reprendre la course moins de 40 jours après le drame.

Reproduisant très fidèlement la séquence, reprenant même l’angle de la caméra ayant enregistré le véritable accident, Ron Howard privilégie de filmer le matériel en gros plans, ou la situation d’ensemble avec des plans larges, ne laissant deviner le visage de Daniel Brülh qu’à travers les flammes et sa cagoule. Le montage entrecoupe aussi la séquence de plans plus calmes sur les personnes prenant conscience de l’accident de loin. Ainsi, sans minimiser l’horreur de la situation ni la tension dramatique, le metteur en scène conserve un regard pudique sur l’innommable, et n’en fait pas le point de focus absolu de son histoire.

 

Rush : photo, Daniel BrühlDaniel Brûle 

 

Pied au plancher

Mais si Howard a su garder une distance de sécurité minimum entre sa caméra et le drame, la menace devait rester présente sur toutes les séquences de course. C’est pourquoi la mise en scène de Rush multiplie les techniques pour rendre ses scènes de vitesse impressionnantes et organiques. Le premier enjeu étant, évidemment, de réussir à faire sentir la rapidité des voitures, pour que le spectateur ressente le plaisir de la sensation forte, mais aussi le danger.

Pour ce faire, Howard alterne les plans filmés à hauteur de bitume, qui voient les voitures passer en un éclair, rasant presque l’objectif, et les plans d’ensemble filmant les voitures qui semblent presque voler sur des routes qui ont l’air de murs verticaux grâce à des effets de perspective. L’image est très souvent vignetée pendant les séquences de course, ce qui évite un aspect trop documentaire et dirige le regard vers le centre du cadre, aidant le spectateur à se projeter, presque inconsciemment, dans la situation d’un pilote dont le champ de vision est encadré par son casque.

 

Rush : photo, Daniel BrühlSpot the main character

 

Par ailleurs, les scènes de course comportent aussi beaucoup de gros plans et très gros plans sur les éléments techniques de la voiture, comme pour faire ressentir la conduite et la vitesse de l’intérieur. Et c’est logique, puisque tout au long du film, le personnage de Lauda est caractérisé par sa connaissance extrêmement précise des matériaux et des capacités de sa voiture, étant ainsi capable d’y apporter les modifications nécessaires pour la changer en machine de guerre.

Le fait qu’Howard place sa caméra au plus près de la matière prolonge le regard des coureurs sur leur véhicule, qui devient une extension d’eux-mêmes. Alternés avec les plans extérieurs, ces multiples inserts aident à placer le public dans la peau du pilote, à construire une impression de vitesse ressentie, et non pas seulement observée. C’est pourquoi, même si les séquences de course de Rush ne sont pas forcément les plus spectaculaires du genre, elles font sans doute partie des plus réalistes et des plus intéressantes à regarder.

 

Rush : photoQuand on vous dit que ça va vite

 

romance et bromance

Mais comme dit plus tôt, ces sensations fortes ne sont rien sans le récit d’une histoire humaine derrière. Parce que sans un attachement à des personnages et des enjeux émotionnels comme colonne vertébrale, la vitesse n’est qu’une simple attraction, et non un danger. C’est pourquoi Ron Howard privilégie le parcours psychologique de ses personnages, quitte à remanier un peu la réalité pour exagérer la rivalité entre les amis qu’étaient James Hunt et Niki Lauda.

Il faut dire que les deux coureurs étaient déjà en eux-mêmes un duo digne d’une fiction : James Hunt, grand blond aux allures de surfeur qui ne jurait que par la gloire et la séduction, et Niki Lauda, homme au physique ingrat (puis défiguré) qui était si déterminé qu’il en devenait mal aimable. Deux opposés réunis par leur amour de la vitesse, leur esprit de compétition et leur talent, qui les verront se disputer la place de champion du monde. Petit à petit, Howard change leur défiance et leur jalousie mutuelles en admiration et en respect.

 

Rush : photo, Chris Hemsworth, Olivia WildeBarbie et Ken, le mariage

 

C’est au cœur de cette évolution des personnages que l’accident de Lauda deviendra plus que son propre drame, puisqu’il sera, en fin de compte, l’amorce d’une complicité dans la compétition pour les deux adversaires. Howard se permet également de formuler une hypothèse sur le moment décisif qui vaudra la victoire à Hunt lors de la finale du championnat au Japon. Lors de la dernière course qui doit les opposer, Lauda décide de déclarer forfait au bout du 1er tour, pour des questions de sécurité.

Telle que le metteur en scène la filme, cette séquence montre des plans serrés sur le regard de Lauda qui, au-delà de la route inondée, voit sa femme, représentant la seule chose qu’il ne souhaite pas perdre depuis qu’il connaît le bonheur avec elle. Le champion a-t-il réellement arrêté sa course et abandonné la première place pour l’amour de sa compagne ?

 

Rush : photo, Chris Hemsworth, Daniel BrühlEntre jalousie et admiration

 

Ce qui est sûr, c’est que c’est une conclusion parfaite au chemin tracé par Howard et le scénariste Peter Morgan pour un personnage qui ne connaissait que le défi, et qui a fini par apprendre à être heureux à force de côtoyer la mort. Et plus que d’une histoire de rivalité, c’est bien de ça que parle Rush, un film de voiture qui tient la route comme, finalement, très peu d’autres.

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Ozymandias

Merci pour la découverte, vu hier soir. Effectivement très sympa, je ne me suis pas ennuyé. Un peu cliché par moment, j’ai préféré Le Mans 66 dans le style quand même.

Pat Rick

Belle déception pour ma part.

gazer

Rsuh et Le Mans 66 surement les meilleurs de caisses des 20 dernières années. Les séquences automobiles sont tellement bien filmées ! et le casting de ces deux films est tout simplement parfait ! Et surtout ça raconté deux pans de l’histoire du sport auto vraiment chouette !

Par contre comme dit plus bas Ron Howard… Rush fait presque figure d’anomalies dans sa filmo récente, comme s’il n’avait pas su s’adapter au début des années 2000. Il a eu quelques fulgurances notamment au Coeur de l’océan pour le reste beaucoup de chose qui ne m’intéresse pas dans sa filmo récente.

Faurefrc

Un p’t*t crush pour Rush… un film dont je n’attends pas grand chose et qui a réussi à m’emporter.
Et je rejoins un des commentaiteurs ci-dessous quant à Ron Howard. Bon faiseur, capable du meilleur comme du pire de façon assez incompréhensible… sacré Richie Cunningham

Eddie Felson

@Saiyuk
Excellent résumé, même ressenti sur ces 2 grands films.

Bubble Ghost

Quand on veut être crédible, on dit « film de bagnole » ^^

Flash

Plutôt d’accord avec le collègue du dessous, avec une petite préférence pour ma part pour « Le Mans ».
Mais clairement les deux meilleurs films de courses de ces vingts dernières années.

Saiyuk

En fait la seule chose que je ne comprend pas dans Rush, c’est son réalisateur…. Capable de faire ce film, au coeur de l’océan, Apollo 13, splash, cocoon, backdraft, entre autres et de réaliser aussi une trilogie « da vinci code » plate et inintéressante, filmé sans envie et presque sans talent….un mystére…

Saiyuk

J’ai du voir Rush et Le man 66 minimum trois fois chacun (quand on aime on ne compte pas), les deux sont de grand film sur les courses, et des grands films tout court, chacun avec son « d’après une histoire vraie », son duo de star, ses performances d’acteurs, et ses courses superbement filmés, mais pour moi c’est Rush qui gagne le championnat face a 66. Pour faire un film mémorable sur le sport, quel qu’il soit, il faut un adversaire a hauteur d’homme, et 66 est plus une histoire de rivalité entre deux constructeurs, on ne voit pratiquement pas les coureurs italiens, et ca manque au film. Coté acteur les 4 sont au top, et même si j’aime le coté truculent du Shelby/Damon (la scène du papier qui passe par 5 personnes, la scène des chrono et des vis…), le coté associable de Miles/Bale, les 2 de Rush sont au-dessus, Daniel Bruhl est fantastique, Hemsworth dans un rôle plus léger, plus facile, s’en tire magnifiquement aussi car le rôle est plus complexe qu’il n’y parait. Et dans Rush il y a donc cette rivalité qui commence jeune, qui s’affirme avec le temps, qui deviens amitié, et le respect qu’ils avaient quand même car ils savaient ce que valait l’autre (voix off final de Bruhl = émotion garanti). Rush ne détourne jamais le regard de son sujet (rivalité en F1) et de ce qui est arrivé a un de ses personnages, l’accident, la rééducation, le retour de Lauda ne sont pas aseptisés mais au contraire marque le film. Oui 2 trés grand film, mais Rush devant pour moi, pour la rivalité, et l’emotion.