Retour sur Cavale sans issue, le petit Jean-Claude Van Damme dans la prairie.
Nous sommes en 1993, et les fans du « Muscle from Brussels » sont heureux. Depuis quelques années, Jean-Claude Van Damme exhibe ses plus gros biceps dans le cinéma d’action à petit budget : Full Contact, Double Impact, Kickboxer… En 1992, il passe même une tête côté blockbusters avec le moins réjouissant, mais sympathique Universal Soldier. Quelles merveilles de bastons, cascades et explosions allait-il pouvoir offrir à son public après ça ?
Cavale sans issue est la surprenante réponse à cette question. Pour la première fois de sa carrière, Jean-Claude Van Damme prend le contre(coup de)pied des attentes du public : il va tenter de réconcilier la bagarre avec… L’amour ?
“J’aurais voulu être un acteur…”
C’est en 1988 que Jean-Claude Van Damme explose aux yeux du public féru d’arts martiaux et de mandales, avec le succès certain de Bloodsport. Le résultat est autant une chance qu’une malédiction pour l’acteur, qui devient très rapidement iconisé pour des motifs qui deviendront son identité publique ad vitam aeternam : le grand écart, et bien sûr ses incroyables coups de pied sautés.
Van Damme a très peur de se retrouver enfermé dans une carrière aussi cloisonnée, momifiée alors que son cinéma débute à peine. Il souhaite alors s’éloigner des arts martiaux pour se rapprocher des action stars viriles qui ont fait les années 80 et abandonner progressivement le coup de pied pour le coup de poing et le revolver. Ses rôles dans des œuvres comme Death Warrant (un de ses films les plus sous-estimés par ailleurs) et Universal Soldier en sont la preuve par A+B.
De la star de série B au soldat universel
Mais aucun autre film de la période ne détonne autant dans la filmographie de l’acteur belge que Cavale sans issue. Comme Van Damme ne cesse de le répéter durant la tournée promotionnelle, “it’s a different movie”. Au micro et devant la caméra de la célèbre journaliste Bobbie Wygant, il confesse son envie d’aller vers une carrière d’acteur plus classique. De pouvoir jouer le héros d’une histoire d’amour…
Et Cavale sans issue est un premier pas vers cela. C’est l’histoire d’un évadé de prison, Sam Gillen, qui se cache dans une petite bourgade californienne. Il y rencontre Clydie, qui élève ses enfants seule depuis la mort de son mari et qui est menacée par un promoteur immobilier voulant récupérer son terrain pour l’exploiter. Sam va donc tout faire pour protéger la veuve et ses demi-orphelins, et devenir par la même un mari (et un père) de substitution.
Un scénario pas si éloigné du célèbre western Shane, mais qui a la particularité d’avoir été imaginé par Richard Marquand (Le Retour du Jedi) et Joe Eszterhas (Basic Instinct, Showgirls). C’est Van Damme lui-même qui s’est battu pour récupérer le script, dans cette démarche active et volontaire de chambouler son image. Leslie Bohem et Randy Feldman sont tout de même engagés pour muscler le tout, parce que l’idée n’est pas d’abandonner complètement l’action.
Robert Harmon, le réalisateur du très sympa Hitcher, est appelé pour diriger tout ça avec un budget confortable de 20 millions de dollars alloués par Columbia Pictures. Autour de l’acteur star, on retrouve un casting de qualité: Rosanna Arquette en co-lead, Joss Ackland et Tom Levine en antagonistes et un tout jeune Kieran Culkin, longtemps avant Succession.
Tous les coups sont permis
Malgré les déclarations de JCVD, la scène qui ouvre Cavale sans issue n’a rien d’un “different movie”. Un bus transportant des prisonniers percute une voiture folle dans les collines de la Californie. Sauf que c’était fait exprès : le conducteur de la voiture est en réalité le partenaire de Van Damme venu pour l’aider à s’échapper.
Entre deux plans acrobatiques bien sentis, le Belge balance une punchline bien classique Pléiade (“Qu’est-ce que tu t’es cassé ?” dit le gardien de prison “Ton crâne !” répond JCVD et bim ! Coup de boule), et il s’enfuit. Aucune surprise : c’est une Vandammerie dans les règles de l’art. Le fugitif va ensuite se cacher sur les terres de Rosanna Arquette, et la… mater prendre sa douche ? Une démonstration de male gaze habituelle du cinéma d’action bien viril. Bon, c’est ça, le “different movie” ?
Oui. Car en réalité, cette introduction est un piège. Une manière d’appâter le chaland, comme disent les gens chelous qui utilisent cette expression. Après cette entrée en matière bien testostéronée, la suite du récit abandonne totalement l’action virile pour devenir un truc plus proche de La Petite Maison dans la Prairie. L’intrigue se focalise essentiellement sur la rencontre entre Van Damme et le gamin joué par Kieran Culkin, ce dernier choisissant instantanément le fugitif comme son nouveau papa. Et allant jusqu’à le pousser dans les bras de sa mère, espérant retrouver une sorte de cadre familial perdu depuis le décès de son père biologique…
Seulement voilà. A un moment, les décideurs de Columbia Pictures ont dû réaliser qu’ils faisaient une connerie. Comment vendre un truc pareil au public habituel de JCVD ? Lorsque l’acteur se rend sur les plateaux télévisés pour vendre le film, la première question qu’on lui pose c’est “combien de mecs tu butes dans celui-là ?”. Il faut voir la tête de l’animateur Arsenio Hall quand Van Damme répond “seulement un”, c’est comme s’il venait de lui dire que le père Noël n’existe pas.
Alors toutes les bandes-annonces mettent l’action en avant. Et comme ça ne suffit pas, le studio ordonne des reshoots pour rajouter du spectaculaire. Le réalisateur refuse de dénaturer son film, alors c’est Peter MacDonald qui est appelé à la rescousse pour diriger une (très jolie) course poursuite en moto.
Toutes ces énergies contradictoires n’ont pas aidé la réception du film. La critique s’est fait les dents dessus, le public américain n’a pas été au rendez-vous, et tout le monde a fini par désavouer Cavale sans issue. Il aura fallu que le temps passe et que l’objet filmique s’émancipe de tout le brouhaha qui l’entoure pour qu’on réalise qu’il s’agit d’un des plus beaux films de JCVD.
Panser les plaies et le petit coeur
Au bonheur des (Van) dames
D’abord parce que Cavale sans issue est très élégant. Robert Harmon et son directeur photo David Gribble tirent parfaitement parti des grands paysages qu’offre la Californie, et le compositeur sous-estimé Mark Isham offre une partition délicieusement rétro pour accompagner le tout. Ensuite parce que les restes du script de Richard Marquand et Joe Ezsterhas (qui ne s’est jamais remis de s’être fait dérobé son scénario par Van Damme) sont remplis d’idées géniales et très inhabituelles pour un long-métrage de ce genre.
Outre des répliques anormalement bien écrites pour une production Van Damme habituelle (avec parfois des sous-entendus, rendez-vous compte !), il y a dans le récit tout un imaginaire hérité d’E.T. L’enfant joué par Kieran Culkin compare le fugitif qui se cache aux abords de la maison à l’extraterrestre et reproduit même certaines scènes, jouant sur le sous-texte “père absent” du film de Spielberg.
À cela s’ajoutent deux séquences absurdes portées sur le sexe, l’une où Kieran Culkin voit un magazine porno et demande à Van Damme s’il aime les seins (il répond “parfois”, ce qui en fait le dialogue le plus génial de l’histoire du cinéma), et une autre où le pénis de Van Damme est discuté en plein dîner familial. Deux moments un peu étranges, ridicules, mais qui sont amenés avec une innocence surprenante, voire touchante. Alors qu’on parle de la teub à Jean Claude. Quand même.
Mais la vraie réussite, c’est qu’il semble être le premier (et peut-être le seul) film de JCVD à avoir été pensé pour un public féminin. Sans bien sûr généraliser à outrance et tomber dans les stéréotypes les plus datés, il est connu que le Belge est souvent le plus apprécié de la gent féminine parmi les action stars de son époque. Or dans Cavale sans issue, le fugitif incarné par Van Damme a tout d’un fantasme très romanesque. L’homme beau et fort au sombre passé, qui apparaît en justicier pour sauver la veuve des méchants capitalistes qui veulent lui voler sa maison, qui s’occupe des enfants, mais qui sait se montrer vulnérable aux côtés de la femme dont il tombe amoureux…
Rien de tout cela ne ressemble aux fantasmes virils et attendus qu’on retrouve habituellement dans ce cinéma-là, où le héros est plus souvent celui qui est torturé par la mort de sa bien aimée. Et Van Damme à ce stade de sa carrière sait parfaitement qu’il plaît aux femmes ! Sur le plateau du Arsenio Hall Show, il se justifie du peu d’action dans Cavale sans issue : “mais j’ai quand même une très belle scène d’amour”. Une déclaration qui suffit à déclencher les cris des femmes présentes dans le public de l’émission. La discussion dérive ensuite sur son joli fessier, et il remet une pièce dans la machine : “j’ai un beau corps, je le montre”.
Tout semble prouver que Van Damme était dans une démarche active pour séduire un autre public. L’échec du film est alors d’autant plus triste, puisqu’il nous privera d’une carrière qui aurait pu être moins monotone. Après Cavale sans issue, il s’enferme pour de bon dans le cinéma d’action pur et dur, avec John Woo, Ringo Lam et Tsui Hark. Pour des films très sympas aussi, mais tout de même, qu’est-ce que ça aurait été bien de voir d’autres œuvres comme Cavale sans issue…
Pour ma part c’est un très bon film.
Comme une grosse partie de sa filmographie.
Vandamme THE BEST
Un film que j’avais vu en salle. A l’époque je ne savais pas que c’était le même réal que le superbe Hitcher (qui sort bientôt chez nous en support blu-ray en France cocorico).
Après c’est pour moi un Van Damme moyen qui, effectivement, essayait de sortit de ses rôles habituels. Toujours bien d’avoir un Ted Levine dans un film.
Enfin, je me souviens de la promo embarrassante avec JCVD et Rosanna Arquette dans Nulle Part Ailleurs où cette dernière n’était pas tendre avec l’attitude de notre belge karatéka « plus fort que Sylvester Stallone ou Chuck Maurice », le traitant en gros de beauf pas pro.
Il me semble que Doubler Impact a eu un budget assez important mais peut-être pas aussi important que les profs de l’époque.
Je l’ai rencontré souvent et il m’a souvent parlé de ce film en bien !
Je pens que cavale sans issue été un grand rôle pour jcvd,un de mes préférés,quoi que je les aimes tous. Ce n’était pas un bide , c’était autre chose,un autre registre que l’on avait pas l’habitude de le voir,mais plutôt réussi. Bravo JC . Ont ne t’as jamais reconnu à ta juste valeur. The best
C’est qu’il ressemblait presque à un acteur dans ce film le JCVD. Harmon avait du talent
un de mes meilleurs van damme
POur van damme, un article sur Legionnaire aurait été bien plus intéressant…
Un petit dossier sur Hitcher, pour reparler du père Harmon, serait cool, aussi…
Tapez « t’as déjà vu Bloodsport » sur google, de Notseriou’s, vraiment marrant. Sinon on peut penser ce qu’on veut de Jean Claude j’aime bien sa filmo, ça se regarde comme du catch, on rigole mais on y croit quand même.