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Après Trap, 5 films de psychopathes dans la peau du tueur à voir (American Psycho, Maniac…)

Par Judith Beauvallet
11 août 2024
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Ryan Reynolds dans The Voices, Josh Hartnett dans Trap, Christian Bale dans American Psycho © Canva Warner Metropolitan

La sortie de Trap est l’occasion de revenir sur 5 films qui renversent les règles pour raconter leur histoire du point de vue du tueur.

Avec la sortie de Trap, le dernier thriller raté de M. Night Shyamalan, le réalisateur américain a au moins le mérite de remettre au goût du jour les films dans lesquels le “héros” est le grand méchant. En inversant les codes (de manière parfois révolutionnaire) et en plaçant le point de vue dans la tête de dangereux psychopathes, ces longs-métrages proposent une autre manière de glacer le sang.

Qu’est-ce qui peut être plus dérangeant que d’être coincé dans l’esprit noir et sanguinaire d’un tueur sans pitié ? Retour sur 5 incontournables du genre, classés par ordre chronologique.

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Le Voyeur

  • Sortie : 1960
  • Durée : 1h41
Moira Shearer, la star des Chaussons Rouges

C’est un peu le paternel du genre. Le Voyeur, réalisé par Michael Powell et sorti en 1960, est le premier film solo du réalisateur anglais, qui co-signais jusque-là ses succès (Le Narcisse Noir, Les Chaussons Rouges…) avec Emeric Pressburger. Powell profite de cette indépendance nouvelle pour laisser parler ses envies de mise en scène et son amour de l’artifice. Pour être le premier long-métrage narré du point de vue du tueur, et pour avoir ainsi inspiré la génération de thrillers et de slashers qui lui succèderait, Le Voyeur est un film révolutionnaire, peut-être encore plus que Psychose qui lui fit une concurrence très rude la même année.

Il fut pourtant conspué par la critique, celle-ci étant choquée par la manière dont Powell donne un sous-texte érotique aux meurtres commis par son personnage, oblige le spectateur à se mettre dans la peau du meurtrier et rend la caméra présente à l’écran. Le film disparut presque, et la carrière de Powell sombra plus ou moins par la suite. Heureusement, Martin Scorsese et Bertrand Tavernier œuvreront plus tard à la réhabilitation du film et de son réalisateur. Avec sa narration moderne, sa dimension psychologique et son regard à la fois précis, cruel et romantique porté sur la nature humaine, Le Voyeur est une œuvre fondatrice pour le cinéma de genre tel qu’on le connaît aujourd’hui.

Maniac

  • Sortie : 1980
  • Durée : 1h27
Môman ?

Maniac, film fauché de William Lustig qui raconte comment un homme assassine des femmes pour ensuite les scalper et tenter de recréer l’image de sa terrible mère, cristallise les composantes désormais classiques des personnages de psychopathe au cinéma. Celui incarné ici par Joe Spinell est traumatisé par les abus de sa daronne décédée (un indémodable depuis Psychose, merci Freud), et associe de manière très explicite ses tueries à des actes sexuels, la mise en scène changeant la pénétration du couteau en pénétration phallique, et les gémissements d’agonie des jeunes femmes en soupirs de plaisir. Malsain à souhait.

De quoi inspirer très largement la vague montante de slashers de l’époque et le Brian de Palma de Body Double. Bel impact pour un film fait avec les moyens du bord par une équipe de jeunes dégourdis, parmi lesquels on retrouve le génie des effets pratiques Tom Savini (qui fait même une apparition à l’écran). Le film connaîtra un remake en 2012 avec Elijah Wood dans le rôle principal, et dans lequel la mise en scène fait le pari de ne jamais quitter la vue subjective du tueur.

American Psycho

  • Sortie : 2000
  • Durée : 1h41
La morning routine la plus célèbre du cinéma

En 1999 sort l’un des films de psychopathe les plus connus, pas toujours pour les bonnes raisons. Aujourd’hui, American Psycho (adapté du célèbre roman de Bret Easton Ellis) est synonyme de cinéphilie grossièrement empreinte de masculinité toxique, toujours posé sur l’étagère entre Fight Club et Le Loup de Wall Street dans la chambre des vieux ados qui ne se lavent pas. Pourtant, le long-métrage de Mary Harron vaut bien mieux que ça (Fincher et Scorsese aussi, on sait). Avec une maîtrise et une subtilité étonnantes, la réalisatrice parvient à représenter toute l’ambiguïté des actes d’un Patrick Bateman qui perd la tête plutôt qu’il ne commet réellement des meurtres.

Sans être jamais aussi violent que le livre, American Psycho en respecte le ton à la fois désespérant, cynique et comique. Critique virulente du capitalisme, du monde de la finance des années 80 (et d’aujourd’hui) et du patriarcat, c’est le menu d’un film porté par la performance étonnante (et terriblement drôle) d’un Christian Bale en début d’ascension pré-Batman. Ici, pas de psychologie à base de mommy issues : Patrick Bateman est un être purement vide et irrécupérable, et adopter son point de vue sert avant tout à constater la vacuité du rythme effréné de sa vie privilégiée.

The Voices

  • Sortie : 2014
  • Durée : 1h43
Emballer des baignoires ou emballer des corps, même combat

The Voices est l’une des nombreuses facettes de l’œuvre éclectique de Marjane Satrapi, connue (entre autres) pour la bande-dessinée et le film d’animation Persepolis et Poulet aux Prunes. Cette comédie noire avec Ryan Reynolds et Gemma Arterton est son premier film américain (germano-américain, précisément), et fut malheureusement un terrible flop au box-office. Pourtant, cette proposition pop et décalée a le mérite de moderniser le film de psychopathe, en y injectant une bonne dose de second degré, sans pour autant rogner sur la dimension noire et parfois écœurante de son histoire.

Tout se joue sur la perception des choses très biaisée de Jerry, qui vit dans un univers rose bonbon et discute avec la tête coupée de sa copine, toujours bien coiffée, maquillée et sans une goutte de sang gentiment posée sur la table. Le retour à la réalité, lorsqu’il survient, est évidemment très différent… C’est la comédie qui fait du bien au genre en poussant un peu du coude les redondances psychologisantes et les connotations sexuelles mal placées propres aux succédanés du Voyeur et de Maniac.

The House that Jack Built

  • Sortie : 2018
  • Durée : 2h32
Rusty Jack

Comme si Lars Von Trier n’avait pas énervé et tourmenté suffisamment de personnes dans sa vie, il a fallu, en 2018, qu’il fasse encore scandale à Cannes pour son grand retour sur la Croisette. Libéré de son statut persona non grata au festival après ses propos polémiques tenus en 2011 lors de la présentation de Melancholia, le réalisateur danois n’allait pas revenir dans le calme ! Privé de conférence de presse, il n’en choque pas moins le public avec The House that Jack Built, un thriller froid et cruel dans lequel Matt Dillon interprète un tueur méthodique et susceptible, qui raconte ses méfaits à celui qui l’emmène aux Enfers.

Alternant tableaux mythologiques et séquences dérangeantes (non dénuées d’un certain sens de l’humour), Trier offre une vision cynique, poétique (si si, parfois) et même fantastique du film de psychopathe aux préoccupations sexuelles latentes. Fallait-il attendre autre chose du réalisateur de L’Hôpital et ses Fantômes ? C’est, à ce jour, son dernier long-métrage en date, et un objet de curiosité troublant.

Rédacteurs :
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Coloku

J’aurais volontiers remplacé The Voices par le formidable Schizophrenia (aussi appelé Angst) de Gerald Kargl ! 😉