Troisième et avant-dernier jour du septième festival du film asiatique de Deauville avec des salles bien mieux remplies (week-end oblige) et pas moins de quatre nouveaux films en compétition dont deux dans la section « Asian action ».
HOLIDAY DREAMING (Taiwan, 2004)
Réalisateur : Fu-chun Hsu
Résumé : Deux jeunes hommes, Ah-Zhou et Xiao-Gui, sont sur le point de finir leur service militaire dans la marine. Une semaine avant la quille, leur supérieur leur demande de retrouver un déserteur qui s’est enfui de la caserne, armé d’un fusil
Depuis le début du festival, tous les films présentés faisaient preuve, à différents niveaux, d’une certaine gravité. L’exception à cette règle nous vient de Taiwan et se nomme Holiday dreaming. Un titre doublement adapté une fois de plus (comme pour le japonais Charon présenté la veille) puisque à la base de l’histoire se trouve un rêve du réalisateur pour une de ses anciennes camarades de classe qu’il a choisit de décliner avec légèreté. En effet, à partir de ce point de départ, Holiday dreaming se transforme rapidement en une très belle invitation, complètement décomplexée, à l’évasion, la drôlerie, le rêve et l’émotion en compagnie de ces deux soldats partis en quête d’un déserteur et d’une ancienne amie d’enfance et qui ne perdent pas la moindre occasion de se distinguer. Simple, beau et efficace.
Au même moment, dans la salle du casino avait lieu une nouvelle rencontre percutante dans la section « Asian action »
SURVIVE STYLE 5+ (Japon, 2004)
Réalisateur : Gen Sekiguchi
Résumé : Un mari et sa femme mourante, un hypnotiseur à succès, une publicitaire, un homme convaincu d’être un oiseau et un tueur à gages. Toutes ces vies, qui à priori n’ont pas grand-chose en commun, vont se retrouver étroitement liées jusqu’à une fin des plus surprenantes.
Le générique de début donne le ton : criard, coloré, agité. Comédie délirante, voire débile, Survive Style emprunte son concept au film choral (de Short cuts à Pulp fiction), et ne se gêne d’ailleurs pas pour aller dans tous les sens. Ce joyeux n’importe quoi, tout à fait assumé, garde une cohérence relative mais suffisante pour tenir le spectateur en haleine. L’humour trash et le comique de répétition sont de mises, et quelques idées originales, comme les intermèdes publicitaires, permettent de dynamiser un ensemble déjà bien allumé. S’il aurait gagné à être condensé sur 1h30 au lieu de 2h, le film n’en reste pas moins un coup au derrière vivifiant. Pourtant, en filigrane, un constat, ou plutôt une question moins optimiste se profile. Le sentiment d’une certaine occidentalisation tant sur la forme que dans le fond. La présence en guest du britannique Vinnie Jones (Snatch) n’est pas une preuve, mais le doute est permis. À suivre.
Avant dernier film de la compétition, Lakeside murder case se place sur le terrain, encore inexploré dans cette édition, du thriller, voire du Cluedo. Du moins, son pitch le laissait penser
LAKESIDE MURDER CASE (Japon, 2004)
Réalisateur : Shini Aoyama
Résumé : Trois familles s’installent dans une villa isolée au bord d’un lac en compagnie d’un tuteur, engagé pour aider leurs enfants à préparer l’examen d’entrée d’un prestigieux lycée. Une nuit, l’une des épouses annonce à son mari qu’elle vient de tuer sa maîtresse.
Le réalisateur Shinji Aoyama prend son temps, trop peut-être. L’exposition frôle l’heure (dommage pour ceux qui viennent de lire le résumé), et l’on se demande vraiment par moments où il veut en venir. Ainsi, malgré tout, il réussit tout de même à installer une certaine torpeur, une aura mystérieuse, aidé en cela par le décor de cette maison tout en chêne verni. Mais la résolution de l’affaire réduit à néant ses maigres espoirs, non pas qu’elle soit foncièrement mauvaise, mais plutôt qu’elle s’étire inutilement au travers de longues scènes de dialogues, qui sont autant de vaines tentatives d’étude sociale.
Avec le thaï Born to fight, le coréen Fighter in the wind, présenté dans la section « Action asia », était, au vu de l’affiche et des premières images, bien placé pour la palme du meilleur cassage de bras sur grand écran.
FIGHTER IN THE WIND (Corée du Sud, 2004)
Réalisateur : Yang Yun-ho
Résumé : L’histoire vraie, inspirée de ses mémoires, de Choi Bae-dal, coréen émigré au Japon au début des années 40, et qui est devenu un des plus respectés karatéka au monde en créant une nouvelle forme d’arts martiaux.
Encore une biopic ? Sur un coréen au Japon ? Il ne suffit pas de beaucoup de films (Rikidozan, Blood and bones) pour se rendre compte des préoccupations actuelles de la Corée et du Japon. Une volonté commune de comprendre et surmonter le passé, à travers des figures fortes mais humaines. Mais avant tout, Fighter in the wind laissait présager un vrai beau moment d’action, plus fin que ne pouvait l’être Born to fight. Naïfs que nous sommes. Le film n’est rien d’autre qu’une biographie illustrée, sans âme, et surtout sans travail de mise en scène. Les combats ont été charcutés au montage, quand ils ne font pas appel aux derniers tics en vogue (ralentis, accélérations, arrêts sur images). De plus, le spectateur se surprendra à rire plusieurs fois lors des grands moments de kitsch sentimental.
Une fois n’est pas coutume, c’est hors de la compétition que nous attendait sans doute le plus beau film du festival comme en témoignait les applaudissements nourris en fin de projection de Locataires, onzième long-métrage d’un réalisateur coréen déjà bien installé : Kim Ki-duk.
LOCATAIRES (Corée du sud, 2004)
Réalisateur : Kim Ki-duk
Résumé : Tae-suk laisse des prospectus sur les poignées de porte des maisons. Quant il revient quelques jours plus après, il sait ainsi lesquelles sont désertées. Il y pénètre alors et occupe ces lieux inhabités. Un jour, il s’installe dans une maison cossue et fait la connaissance de Sun-hwa, une femme maltraitée par son mari
Quatrième film du metteur en scène à sortir dans les salles françaises en seulement un an, Locataires est probablement le long-métrage le plus simple, le plus beau et le plus universel de Kim Ki-duk. Le cinéaste coréen fait le pari audacieux, mais remporté haut la main, de raconter l’histoire d’un amour entre deux êtres qu’à priori tout oppose, par la seule force de son art préféré, l’image (Ki-duk a étudié la peinture à Paris) sans qu’aucun échange verbal n’ait lieu entre les deux « locataires ». Plus encore que dans le déjà très épuré Printemps, été, automne, hiver et printemps, Kim Ki-duk parvient, en seulement 90 minutes, à cerner et combiner avec une justesse et une facilite déconcertante les thèmes les plus basiques qui définissent l’être humain (amour, jalousie, haine, vengeance ). Dans une succession de scènes entre réalité et onirisme (la dernière partie en vue subjective) mêlant à la fois beauté, dureté et drôlerie, Locataires amène jusqu’à sa toute dernière image à s’interroger sur la nature même de notre quotidien, altéré par nos émotions. Une uvre rare et prodigieuse.
Enfin, histoire de finir la journée en beauté, le nouveau film de Stephen Shaolin soccer Chow, Kung fu hustle, baptisé en français Crazy kung fu (bel effort de traduction !), était projeté devant une salle quasi-comble précédée d’une petite vidéo de Chow en personne, retenu aux États-unis.
CRAZY KUNG FU (Hong-Kong, 2004)
Réalisateur : Stephen Chow
Résumé : Dans le chaos de la Chine des années 40, un petit voleur, Sing, rêve de rejoindre le Gang des Haches, la puissante organisation criminelle qui règne sur la ville. En tentant d’extorquer de l’argent aux habitants d’un quartier surpeuplé, Sing découvre que les paisibles artisans qui y vivent ne sont pas des proies aussi faciles qu’il croyait
Au cours de la projection, rires et applaudissements à chaque nouvelle séquence homérique étaient au rendez-vous pour cet agréable divertissement du samedi soir dont nous vous parlions déjà en détails il y a quelques semaines de cela (lire notre test DVD).
Rendez-vous demain pour la dernière journée du festival avec les derniers films en compétition et le palmarès
Vincent Julé & Stéphane Argentin