Films

Le mal-aimé : Peur bleue de Renny Harlin, gros film de requin jouissif

Par Geoffrey Crété
16 mai 2018
MAJ : 21 mai 2024
25 commentaires

Peur Bleue, une série B de requins injustement méprisée.

Photo Peur Bleue

Parce que le cinéma est un univers à géométrie variable, soumis aux modes et à la mauvaise foi, Ecran Large, pourfendeur de l’injustice, se pose en sauveur de la cinéphilie avec un nouveau rendez-vous. Le but : sauver des abîmes un film oublié, mésestimé, amoché par la critique, le public, ou les deux à sa sortie. 

 

Affiche fr

 

« Bête et risible » (Seattle Times)

« Moby Dick, au secours ! » (Les Inrocks)

« Tous les plans de Harlin font peine à voir » (Fluctuat)

« Un mauvaise copie des Dents de la mer » (Boston Globe)

« Rien de follement original ni de très angoissant » (Télérama)

« Le mélange des effets spéciaux et images de synthèse est si satisfaisant que la pure débilité du film devient finalement partie intégrante du plaisir » (Variety)

« Le plaisir gratuit demande plus de légèreté et de suspense que ce qu’offre Renny Harlin » (New York Post)

 

 

LE RéSUME EXPRESS de peur bleue

Sur une station de recherche au milieu de l’Atlantique, une équipe de scientifique cherche un remède pas très catholique à la maladie d’Alzheimer dans le cerveau de requins génétiquement modifiés. Comme l’un des squales s’est échappé et a failli tuer des gens, les investisseurs s’inquiètent et le très riche Samuel L. Jackson décide de venir sur place avant la fermeture annoncée du laboratoire. Ce qui pousse le docteur Susan McAlester à accéler les tests.

Mais les requins, trop intelligents pour être obéissants, profitent d’une tempête pour manger le bras d’un scientifique, tuer la fan de reggae et provoquer le chaos en détruisant le laboratoire. Piégés dans les niveaux sous-marins, le groupe tent de remonter à la surface, et perd évidemment les membres de l’équipe qu’on n’apprécie que moyennement. Mais les squales ne voulaient en réalité qu’une chose : s’évader et goûter à la liberté. Pour les en empêcher, Susan se sacrifie, et permet aux survivants (les mâles cool) d’exploser le dernier requin.

 

photo, LL Cool JAttention, je ne vais pas survivre, malgré vos attentes

 

LES COULISSES de peur bleue

L’idée du film est née d’une joyeuse expérience : le scénariste Duncan Kennedy découvre sur une plage australienne ce qui reste d’un homme attaqué par un requin. Après une série de cauchemars où il est enfermé avec des requins qui pouvaient lire dans son esprit, il décide d’exorciser le mal avec une histoire d’expériences sur Alzheimer qui rendent les squales plus intelligents.

Dès le départ, toute la production a conscience que Peur bleue sera considéré comme une pâle copie des Dents de la mer. Il est donc décidé que les requins seront plus gros (plus de 7 mètres de long : deux fois la taille réelle). Moitié animatronique, moitié numérique, le bestiaire obéit également à un parti pris clair de Renny Harlin : « On arrête de cacher les requins. Cette fois, vous allez les voir ».

A l’origine, le réalisateur propose le rôle du cuisinier à Samuel L. Jackson, qui refuse, « parce que mon agent n’aimait pas ou parce que le rôle n’était pas assez important ». Harlin caste LL Cool J, puis revient à la charge vers Jackson : « Il m’a dit, ‘Maintenant tu vas être le mec le plus riche du monde, et tu vas avoir la meilleure scène du film, et ça va être un choc pour tout le monde ! ».

 

Photo Photo Peur BleueQuelques scènes bien amusantes

 

L’acteur accepte, et a effectivement la meilleure scène-choc du film lorsqu’il est avalé par un squale en plein discours hollywoodien. Harlin dira s’être inspiré d’Alien, où l’acteur le plus connu (Tom Skerritt) est tué alors qu’il était perçu comme le héros. Il décide donc d’utiliser la renommée de Jackson pour tromper le public : « On se dit, c’est la star, il va s’occuper de tout. Je savais que le public allait trouver son discours pompeux, mais il fallait que ce soit pompeux pour que la surprise fonctionne. Il fallait qu’on commence à lever les yeux, à se dire ‘Ok ce film est stupide, ils croient qu’on va gober toute cette histoire’. Et à ce moment-là, on enlève ce que le spectateur pensait avoir de certain, et là, il est captivé ».

Autre rebondissement rayon viande : Susan, interprétée par l’excellente Saffron Burrows, ne devait pas mourir à la fin du film. Mais lors des projections test, le public a réagit de manière très négative, considérant qu’elle était responsable du chaos et donc devait être punie. Harlin décide ainsi de modifier la fin, et garder Thomas Jane et LL Cool J, « parce que tout le monde les aime, eux ».

Enfin, Peur bleue est le premier film que Stephen King a vu après avoir failli mourir dans un accident de voiture : « J’y suis allé en fauteuil roulant, et j’en ai adoré chaque minute ».

 

photo, Saffron BurrowsEt moi, je vais y passer, morale oblige

 

LE petit flop de peur bleue

Le film a coûté plus de 80 millions, sans compter le marketing. Il en a rapporté plus de 160, dont 73 sur le territoire américain. Clairement, le succès n’a pas été à la hauteur des attentes du studio avec un tel budget.

A l’époque, Peur bleue a en plus été comparé à La Momie, doté d’un budget similaire et qui a encaissé plus de 415 millions. Le film de Renny Harlin a même été en-dessous de Hantise de Jan de Bont, un film atomisé par la critique, qui a engrangé plus de 177 millions pour un budget là encore similaire.

Peur bleue aura néanmoins une jolie carrière en vidéo. Au point d’avoir droit à un Peur bleue 2 en DTV, qu’il est préférable d’oublier.

 

photoPrière pour que nos carrières n’en souffrent pas

 

pourquoi peur bleue, c’est super

Un huis clos à moitié sous-marin, dans une improbable base scientifique au milieu de l’océan, où de pauvres humains sont harcelés par quelques requins revanchards : Peur bleue est un pur plaisir régressif pour l’amateur du genre.

Moins préoccupé par ses personnages-archétypes que par le fun de l’entreprise, Renny Harlin emballe la chose avec ce savoir-faire qui en a fait l’un des grands metteurs en scène d’action des années 90 (58 minutes pour vivre, Cliffhanger, Au revoir à jamais). Parfaitement cadrée et rythmée, l’aventure coche une à une les cases du programme, offrant ainsi une série de séquences irrésistibles. Du cuisinier qui se défend avec son four à l’escalade dans la cage d’ascenseur (qui rappelle beaucoup Hollow Man, un autre huis-clos scientifique, qui sortira un an après), le film est d’une efficacité redoutable, avec un humour assumé.

Conscient que le film de requin fera difficilement mieux que Les Dents de la mer, Peur bleue obéit donc au simple principe du plaisir. De l’humour bas de gamme (le cuisinier qui, au seuil de la mort, enregistre un message vidéo pour confier sa recette de l’omelette) au cadeau grossier (Saffron Burrows utilise ses vêtements pour s’isoler de l’eau : la science avant tout), Renny Harlin offre tout sur un plateau. Une position qui lui permet de s’amuser avec le genre, avec notamment une grande réussite préméditée : la mort sauvage et délicieuse de Samuel L. Jackson.

 

Photo Thomas JaneUn climax sanglant et impitoyable (un peu)

 

pourquoi peur bleue a de gros problèmes

Lorsque LL Cool J parvient à s’échapper des mâchoires d’un requin grâce à son crucifix qu’il lui plante dans l’oeil, on comprend bien que Peur bleue joue avec le feu, et oscille entre l’amusement et la bouffonerie. Car malgré la mise à mort sanglante et gratuite de certains seconds rôles, le film ne peut échapper à un ton moralisateur très américain.

Que le film ait plié face aux résultats des projections test pour punir la soit-disant méchante (à la Glenn Close dans Liaison fatale) n’est pas anodin. Surtout que Renny Harlin la considérait vraiment comme l’héroïne : une femme indépendante, déterminée, sans aucune romance pour la « sauver » mais avec une vraie raison humaine de trouver le remède (l’histoire de son père). L’interprétation de Saffron Burrows, excellente actrice, va dans ce sens. On pourra certes se réjouir de voir les deux mâles dilettantes survivre au chaos, mais cette mauvaise pirouette de post-prod montre que le jeu de massacre n’est pas totalement libre. Car tuer Thomas Jane aussi aurait certainement été plus malin.

Thomas Jane justement, dont les pectoraux sont plus convaincants que ses improbables glissades à répétition, censées illustrer le caractère de son personnage dans le feu de l’action. Avec également quelques dialogues fabuleux (le film s’achève sur « Apporte-moi des sushis » et un « Ramenez-moi au ghetto » de la bouche du cuisinier), Peur bleue hésite donc peut-être un peu trop entre le B et le Z. Et aurait pu être, au final, un carnage plus grand et anarchiste.

 

photoI got a bad feeling about this

 

LA SCENE CULTE

 

RETROUVEZ L’INTEGRALITE DES MAL-AIMES DANS NOTRE RAYON NOSTALGIE

 

Rédacteurs :
Tout savoir sur Peur bleue
Vous aimerez aussi
Commentaires
25 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Cédrik

Je n’aime pas trop la comparaison avec « Les dents de la mer », à part le(s) requin(s), le script, l’endroit, et l’atmosphère de « Peur Bleue » n’ont rien à voir.
Sinon plaisir coupable pour moi également, même si il est un peu (beaucoup?) w*f, et a pas mal de défauts, j’adore ce film.
Les + :
– Les animatroniques des requins sont bluffants
– La photographie est belle en général surtout certains plans à l’extérieur
– Le casting plutôt sympa
-*Les fx sont pas si dégueux voir même beau (ILM) dans certaines scènes
– L’ost de Trevor Rabin
– Les attaquent et les morts sont spectaculaires dans l’ensemble.
Les – :
– Le scénario w*f (mais bon on le savait, et c’est assumé) pareil pour certaines scènes absurdes.
– *mais aussi des fx franchement dégueu dans certaines scènes (plus de budget?) comme : la scène des requins qui s’attaquent entre eux, le requin dans la cage d’ascenseur, la scène des 2 requins qui attaquent simultanément le dresseur, et je dois en oublier…

Au final, Peur Bleue est très loin d’être une daube, c’est un film avec ses qualités et ses défauts, qui a pour but que de nous divertir sans prise de tête.

Dutch Schaefer

Ce truc est dingue et totalement débile!
Mais va savoir pourquoi, j’ai toujours un plaisir à le revoir!
A aucun moment, ce film n’avait voulu être un pendant DES DENTS DE LA MER!
Au contraire…
C’est décomplexé et assumé en tant que tel! Bref, un petit truc bien jouissif et toujours agréable à (re)voir!

Miami82

L’anecdote sur Stephen King est renversante 😀

Je ne l’ai pas vu depuis sa sortie ciné, mais je n’en avais pas gardé un super souvenirs…. pourtant j’étais fan de renny harlin.

Starfox

Les CGIs vieillissent effectivement très mal.

Dans 5 ou 10 ans, un marvel sera inregardable…

J4nus

J’ai commencé à regarder hier soir, je trouvais les effets spéciaux vraiment bons, ultra réalistes même.
Jusqu’à ce qu’apparaissent les évidentes CGI bien bien moisies …

Ronnie

Pour l’époque c’était génial (?) et on ne regarde pas du même œil quand on a 12 ans et aujourd’hui en étant adulte avec l’évo des CGI très bon souvenir en tout cas 🙂

Léo89

Sans oublier la musique qui possède quelques pistes de qualité (salut le main thème bien flippant)

Flash

Ce film est quand même bien mauvais et puis ces FX quelle horreur.

Sanchez

Au cinoche à l’epoque J’avais pris un pieds extrême . Le climax mi épique mi nimporte m’aura marqué par son intensité et sa stupidité

jorgio69

Un plaisir coupable comme vous dites.
Avec des pizzas, quelques bières et des personnes que l’on aime, ce film vous fait passer une super soirée.
Ma scène préférée reste celle du requin qui allume le four avec le cuistot planqué dedans.
Je l’ai pas vu depuis très longtemps mais ça marque tellement c’est drôle 😀