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Le mal-aimé : pourquoi Scream 3 est l’un des meilleurs épisodes

Par Geoffrey Crété
9 avril 2016
MAJ : 21 mai 2024
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Considéré comme la triste fin de la série avant qu’un quatrième volet soit accueilli avec bienveillance, Scream 3 mérite mieux.

Scream 3 : Scream 3

Parce que le cinéma est un univers à géométrie variable, soumis aux modes et à la mauvaise foi, Ecran Large tente de sauver des abîmes les films oubliés, mésestimés, rejetés par la critique, le public, ou les deux à leur sortie.

Scream 3 est un cas typique de mal-aimé. Considéré par beaucoup de monde comme le plus mauvais épisode de la saga, moins aimé que Scream 4 et peut-être même Scream 5, le dernier épisode de la trilogie mérite pourtant mieux.

 

Scream 3 : Affiche française

 

(EW)

« Espérons que ce soit vraiment le dernier de la série parce que les cris commencent à se calmer » (Boston Phoenix)

« Interminable enchaînement de gaffes et jolies filles possiblement anorexiques » (Washington Post) 

 

  

LE RESUME EXPRESS

Hollywood continue de poncer le filon Stab et le tournage de Stab 3 va commencer. Mais le meurtre de Cotton Weary et blonde #1 inquiète un peu tout le monde. Et s’il y avait encore un tueur ?

Contactée par la police et redevenue encore une fois méchante, Gale enquête, et retrouver Dewey, devenu conseiller sur Stab. Le tueur laisse sur ses victimes des photos de Maureen Prescott, mère de Sidney.

Sydney Prescott, elle, travaille pour SOS Détresse Amitié et s’est isolée du monde dans un ranch. Mais le tueur la retrouve et l’appelle, si bien qu’elle retrouve ses copains à Hollywood.

Ils découvrent que Maureen Prescott a eu une vie avant sa mort : elle a été actrice dans des séries B, produits par le grand manitou violeur derrière Stab.

Le tueur rassemble tout le monde dans le manoir du producteur pour le massacre final, tue tous les seconds rôles comme prévu, puis s’enferme avec Sidney. C’est son demi-frère caché, fruit d’un partouze hollywoodienne, que Maureen a renié. Pas très content, il l’a filmée dans les bras du père de Billy Loomis, a envoyé la vidéo à l’ado, et ainsi le premier Scream a eu lieu.

Sidney finit par tuer son demi-frère, et tout est bien qui finit bien. Libérée, délivrée, elle revient dans son ranch, voit enfin la vie du bon côté, tandis que Gale et Dewey vont se marier.

 Scream 3Sidney Presque-la-fin

 

LES COULISSES

Le scénariste Kevin Williamson a toujours envisagé Scream comme une trilogie, et avait une ébauche d’intrigues pour les deux suites. Le succès phénoménal de Scream et Scream 2 (plus de 170 millions chacun au box-office) ne laissait aucun doute sur un troisième opus. Wes Craven et Kevin Williamson étaient contractuellement lié à trois films.

Mais Scream 3 est né dans la douleur du pur business, avec beaucoup de facteurs qui ont pesé dans la balance. Le premier : le scénario, qui a largement changé en cours de route, en partie à cause du massacre de Columbine (deux élèves qui ont tué treize adolescents et un professeur, le 20 avril 1999)/ Dans la version originale de Williamson, l’action se déroulait à Woodsboro, et Ghostface cachait en réalité un groupe de jeunes, qui avait orchestré un massacre. A la fin, Sidney voyait les cadavres de ces fausses victimes se relever, pour dévoiler leur plan tordu. Une idée alléchante, en partie recyclée dans Scream 4, mais qui était beaucoup trop gênante à l’époque après la tragédie de Columbine.

Dans ce climat, tout le monde aurait également décidé de calmer la violence du film, et accentuer l’humour. Du moins jusqu’à un certain point, puisque Wes Craven a refusé d’éviter la moindre trace de sang comme le demandaient les producteurs.

 

Scream 3 : photo, Courteney CoxLa fameuse frange

 

Scream 3 a donc été repensé, pour prendre place à Los Angeles, et s’éloigner de Woodsboro. Autre raison, très pragmatique : pouvoir organiser un tournage avec les acteurs déjà très occupés, notamment Courteney Cox, qui tournait Friends à Los Angeles. Cette difficulté à jongler avec les emplois du temps des acteurs et actrices explique aussi la présence limitée de Sidney : Neve Campbell n’avait que peu de temps disponible. L’héroïne est donc à l’écart pendant une partie du film, avant de rejoindre Hollywood et les autres en cours de route. Un problème qui avait demandé compliqué la production de Scream 2, mais qui avait empiré entre temps, vu la popularité des acteurs.

Kevin Williamson n’a dans tous les cas pas remplié, et a préféré se consacrer à la série Wasteland et son premier film, Mrs. Tingle – sans parler de conflits avec les producteurs. Ehren Kruger a été engagé pour écrire Scream 3 – avec l’aide de Wes Craven, qui veillait à la cohérence au niveau des personnages. Le bien-nommé Kruger, comme Freddy, n’a jamais caché que l’exercice était complexe : il devait se réapproprier le scénario d’un autre, réécrire selon les directives des producteurs, et jongler entre ses idées et l’univers déjà établi. Parmi les idées abandonnées : avoir une Sidney guerrière, devenue une sorte de Sarah Connor dans Terminator 2.

 

Scream 3 : Scream 3Sidney Connor

 

Le scénario était là encore souvent réécrit et réajusté durant le tournage, avec des scènes alternatives écrites et tournées pour laisser des options au montage. Une manière d’éviter de gros problèmes, créés à cause des multiples changements à droite à gauche durant la production.

Plusieurs éléments ont été changés en cours de route, notamment la scène d’intro, où Cotton était à l’origine bien trop coriace pour Ghostface, avec une petite amie déjà morte à son arrivée. Idem pour la fin, où le personnage de Mark avait été plus ou moins oublié avant le climax, avant d’être rajouté.

La fin a justement été repensée pour être plus spectaculaire. A l’origine, Sidney tuait Roman relativement vite, et retrouvait la police à l’aube, avant l’ellipse pour l’épilogue. Tout ça été réécrit pour que Sidney soit réellement en danger, et laissée pour morte pendant quelques instants, avant de s’en prendre au tueur.

 

Scream 3 : photo, David Arquette, Neve CampbellAttention, un plot hole !

 

LE BOX-OFFICE

Scream 3 a coûté 40 millions, bien plus que Scream (15 millions) et Scream 2 (24 millions). Il a rapporté plus de 160 millions au box-office, dont près de 90 sur le sol américain.

C’est moins que les deux précédents films, qui ont connu une carrière similaire : environ 170 millions au box-office mondiale, dont une centaine aux USA.

Néanmoins, Scream 4 a fait moins bien par la suite, avec un budget d’environ 40 millions, et moins de 100 millions au box-office.

 

Scream : photo, Neve CampbellToujours le plus beau coup pour le business

 

LE MEILLEUR

L’existence de Scream 3 semble reposer sur un « pourquoi pas ». Pourquoi pas faire une suite ? Pourquoi pas donner aux gens ce qu’ils attendent ? Pourquoi pas trouver quelque chose à raconter pour faire revenir Sydney ? D’où un sentiment global d’avoir affaire à un film poussif, qui avance au-delà des frontières du nécessaire et du logique.

Paraxodalement, c’est grâce à cette vacuité que le film est un plaisir jouissif, qui ne s’encombre quasiment plus d’aucune cohérence ou explication. Le vide est ainsi comblé par d’inombrables clins d’oeil, hommages et jeux de film-dans-le-film, avec un Stab 3 qui offre un miroir déformé aux minces héros officiels. Parker Posey ressort grande gagnante de la chose avec une performance totalement géniale, qui éclipse souvent ses partenaires. Elle incarne à la perfection l’aspect campy et grotesque de ce troisième épisode qui, à ce stade, assume profondément et sans honte aucune ce goût pour le pastiche qui fait partie de son ADN.

Wes Craven prend alors un vrai plaisir à filmer et malmener tous ces pantins, et transforme Scream 3 en simple attraction. Sydney se retrouve ainsi dans les toilettes et la maison du premier film, poussée dans un train fantôme qui n’a plus d’autre raison d’être que divertir, amuser, et offrir quelques frissons innocents. Avec ses miroirs sans teint et son passage secret dans la bibliothèque, la maison du producteur de cinéma assume totalement cette idée. Et comme le terrain de jeu s’appelle désormais Hollywood, Scream s’offre une belle explosion pour rendre hommage à la Cité des anges et ainsi surprendre les fans, habitués à des mises à mort plus simples. L’exercice semi-parodique est ainsi poussé dans ses retranchements avec une malice irrésistible.

 

Scream 3 : photo, Courteney Cox, Parker Posey, David Arquette

 

LE PIRE

L’évolution logique et inévitable de la franchise, qui déplace peu à peu le curseur vers la parodie plutôt que l’horreur et le thriller (ce que confirmera le quatrième opus), peut déplaire. N’ayant pas vraiment d’autre option viable, Scream 3 sa vautre dans un second degré totalement assumé et éprouvé.

Evident mais non négligeable : hier rafrîchissante, la formule de Scream est alors usée jusqu’à la corde, le slasher ayant connu une période peu glorieuse dans le sillage de Wes Craven avec Souviens-toi… l’été dernier, Urban Legend et Cie. En plus de sa parodier lui-même, Scream 3 semble donc avoir été piétiné par d’autres jusqu’à avoir perdu toute sa substance.

 

Scream 3 : photo, Jenny McCarthy

 

 

A l’image de la bimbo Sarah, dont le moment de gloire est particulièrement insipide, Scream 3 n’offre pas que du mémorable, et n’a pas pas toujours la cruauté ou l’imagination espérées. Mais reste au final fidèle à l’âme de la saga.

Ainsi, les motifs et l’identité du tueur sont grandiloquents, mais pas beaucoup plus que dans les autres (la maman qui se venge après un relooking de l’extrême, et le jeune en quête de célébrité, qui sera repris dans Scream 4). Le tueur laisse des indices ridicules derrière lui et disparaît comme par magie (près de la voiture, derrière les miroirs sans teint), mais là encore, rien de plus scandaleux que les Scream d’avant ou d’après. Les défauts de Scream 3 ne sont donc pas totalement étonnants ou nouveaux : ils sont surtout moins bien tolérés.

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Mawia

D’accord avec tout ça… Scream 3 est vraiment mal-aimé, alors qu’il est vraiment très drôle et malin.
Scream 4, je continue à penser qu’il est largement trop défendu et apprécié, surtout en comparaison… Pour l’avoir revu, c’est vraiment inutile, grossier, bien trop poussif, et limite ridicule.